Nantes, le 14 avril 2018 – La police tire des grenades lacrymogènes de 40 mm avec un lance-grenades multicoups « Penn Arms » (Combines Systems Inc.)

Au cours des opérations militaires à Notre Dame des Landes depuis le 9 avril 2018 et de l’opération de maintien de l’ordre lors de la manifestation de soutien à la ZAD à Nantes le 14 avril, les forces de police et de gendarmerie ont fait usage d’autres munitions que d’habitude. Pas de grandes nouveautés au delà des habituelles grenades lacrymogènes, mais d’anciens modèles remis au goût du jour ou adaptées aux nouveaux lanceurs.

 

Quelles sont-elles ?

A Nantes le 14 avril, les CRS et Compagnies d’intervention ont eu recours aux grenades lacrymogènes de 40 mm. Nous étions jusqu’alors habitué-es aux grenades lacrymogènes de 56 mm, tirées à l’aide de gros lance-grenades Cougar et Chouka. Désormais, les flics utilisent également les lanceurs de balles de 40mm (LBD, produits et vendus à la France par l’entreprise suisse Brüger & Thomet) et les nouveaux lanceurs de balles multicoups « Penn arms » (produits et vendus à la France par l’entreprise américaine Combined Systems).

Les grenades ainsi utilisées, de plus petit calibre, sont les CM3 contenant 3 palets de poudre de gaz CS à 15%. Comme celles de 56 mm, elles peuvent être tirées de 50 à 200 mètres à l’aide de dispositifs de propulsion (DPR) de couleur verte, grise sombre ou blanche.

 

Sur la ZAD de Notre Dame des Landes, une large panoplie de grenades a été utilisée depuis le lundi 9 avril :

 

  • Les grenades lacrymogènes PLMP 7B et 7C (56mm), produites par Nobel Sport. Elles contiennent 7 capsules actives de 10g de poudre CS. Elles sont reconnaissables à leur capsule en polyéthylène (plastique) gris sertie d’un adhésif orange et munie de l’inscription verte « Nobel Sécurité ». Leur fumée est blanche.
  • Les grenades lacrymogènes MP7 (56mm), produites par Nobel Sport. Elles contiennent 7 capsules actives de 10g de poudre CS. Elles sont identiques dans leur aspect aux grenades PLMP 7, mais leur fumée est orange.
  • Les grenades lacrymogènes CM6 (56mm), produites par SAE Alsetex. Elles contiennent 6 capsules actives de 10g de poudre CS à 15%, produisant un nuage de 800m2 pendant 30 secondes. Elles sont reconnaissables à leur capsule en polyéthylène gris sertie d’un adhésif rouge.
  • La nouvelle génération de grenades fumigènes lacrymogènes CM6 produites par SAE Alsetex. Elles sont identiques à la génération précédente, mais la capsule contenant les palets lacrymogènes est sertie d’un adhésif bleu ciel.
  • Les grenades fumigènes à retardement FAR, produites par SAE Alsetex. Uniquement lancées à la main, elles sont en aluminium et munies d’un bouchon d’allumage jaune. Elles produisent un écran de fumée blanche durant 30 secondes, utilisé dans un cadre tactique, pour couvrir des déplacements de troupes notamment.
  • Les grenades à effet combiné GLI F4, produites par SAE Alsetex (lire notre article publié suite à la manifestation du 15 août 2017 près de Bure). Elles contiennent 10g de CS pur et 25g de tolite (TNT). Elles sont reconnaissables à leur tête en polystyrène jaune et rouge, ainsi qu’à leur bouchon jaune. Lors de l’explosion, elles dégagent une fumée noire et blanche et produisent une très forte déflagration (165 décibels à 5m).
  • La nouvelle génération de grenades à effet combiné GM2L, produites par SAE Alsetex. Elles sont reconnaissables à leur couvercle marron, aplatie sur le bout et sertie d’un adhésif bleu ciel ou rouge. Elles dégagent une fumée blanche lors de l’explosion. Elles contiennent 10g de CS pur et un dispositif pyrotechnique deflagrante de 7g nécessaire à la mise en œuvre de la grenade, et notamment à son effet sonore (160 décibels à 5m).

 

 

Les GLI F4, dont l’usage était déjà remis en question dans un rapport commun de l’inspection de la gendarmerie et de la police suite à la mort de Rémi Fraisse en 2014 (il s’agissait alors de savoir comment préserver la doctrine française du maintien de l’ordre si la grenade offensive OF F1 qui avait causé sa mort était suspendue), ont mutilés plusieurs personnes lors de manifestations.

Contestées pour les blessures graves qu’elles occasionnent, les GLI F4 sont censées être remplacées peu à peu par les GM2L, qui ne contiennent plus d’explosif, la tolite (TNT), mais un dispositif pyrotechnique déflagrant / détonant. Lidée étant de garder dans l’arsenal des forces de l’ordre une grenade à effet psychologique, dont l’effet sonore assourdissant (160 décibels) a pour objectif d’effrayer et de disperser la foule. Le nouveau marché visant à remplacer les GLI F4 s’élève à environ 22 millions d’euros (source : L’Essor de la Gendarmerie).

Les personnes présentes à Notre Dame des Landes au cours de cette semaine ont pu constater qu’une grande partie des grenades GLI F4 tirées sur la foule au cours des affrontements n’a pas explosée. Il est notable que les forces de gendarmerie cherchent à écouler les vieux stocks de 2004 et 2005 (voir indications sur les capsules des grenades), sensiblement périmés, tout en effectuant la transition vers l’utilisation des grenades GM2L : conscientes certainement de l’usure des vieilles grenades GLI F4, elles ont alterné tout au long des affrontements l’usage de celles-ci avec les nouvelles grenades GM2L de fabrication récente (2017 pour la plupart).

 

 

Pour répondre aux interrogations et défaire les rumeurs qui courent depuis le début des opérations sur la ZAD, il est nécessaire de clarifier quelques informations :

 

  • Les forces de l’ordre N’ONT PAS RECOURS A DES GRENADES « INCAPACITANTES ». L’organisme réagit différemment aux attaques qui lui sont faites selon les personnes et les conditions atmosphériques modifient également les effets du gaz et sa concentration dans l’air. Le GAZ CS PUR (non modifié et volatile sous la forme de poudre dans l’air) présent dans la tête des grenades GLI F4 peut expliquer que nombre de personnes aient eu la sensation d’avoir affaire à un gaz spécial plus agressif et occasionnant des vomissements ou des nausées.

 

  • Les grenades diffusant une FUMEE JAUNE-ORANGE sont les grenades lacrymogènes MP7. Elles ne contiennent QUE DU GAZ CS à une concentration de 7% (inférieure aux autres grenades lacrymogènes).

 

  • Les grenades contenant du gaz CN et de l’adamsite (dérivé de l’arsenic) NE SONT PLUS UTILISÉES par les forces de l’ordre françaises.

 

 

 


Document video attestant de la quantité et de la nature des grenades tirées à Notre Dame des Landes entre le 9 avril 2018 et le 17 avril 2018 (événements en cours lors de la rédaction de cet article) :

ATTENTION : les cartons de la vidéo entre 1’30 et 2’15 sont erronés. Il s’agit de palets de lacrymogène CM6, PLMP7 et de restes de GLI F4

 

 

Nantes Révoltée transmet quelques chiffres des 8 premiers jours d’occupation militaire de la Zad : les GM auraient tiré 11’000 grenades (8000 lacrymogènes et 3000 explosives), ce qui fait une moyenne de 1400 grenades par jour. Et le coût financier (sans le coût des engins de chantier, sans le maintien de l’ordre en ville) serait de 3,2 millions d’euros. Tout ça ayant pour contre partie, selon l’équipe médic (communiqué et bilan en cours), plus de 200 personnes blessées, dont une dizaine grièvement (avec évacuation).

Source concernant les chiffres : L’Essor de la Gendarmerie

 


Blessures causées par les armes de la police

Publié sur zad.nadir.org

Journée du 10 avril :

Au moins une trentaine de personnes ont été traitées au point medic du Gourbi, tandis que des équipes mobiles ont pris en charge des blessures légères qui n’ont elles pas été comptabilisées.

2 personnes blessées gravement ont dû être évacuées pour être hospitalisées, et 4 personnes ont été traitées pour des blessures jugées sérieuses.

La plupart des blessures ont été causées par des éclats de grenades désenclerclantes (dont au visage ou au thorax), des tirs de LBD (là encore au niveau thoracique), et des tirs tendus de gaz lacrymogènes. Cette liste ne prend pas en compte l’exposition au très très nombreux gaz lacrymogènes qui ont été tirés toute la journée.

Par ailleurs depuis la fin d’après midi, de nombreux tirs de grenades GLI-F4 (qui avaient par exemple causé la blessure très grave au pied d’un maniestant à Bure en août dernier) ont été remarqués . L’équipe medic signifie sa vive inquiétude pour les jours à venir.

Journée du 11 avril :

La journée du mercredi 11 avril a vu une hausse de blessures liées à des tirs directs. Voici, en témoignage, pour que personne ne puisse dire que cette « opération de maintien de l’ordre » se passe convenablement, quelques photos de blessures soignées par l’équipe médic :

 

Journée du 15 avril :

Ce dimanche 15 avril, jour de manifestation de réoccupation, nous (équipes médic et soignant.e.s mobilisé.e.s) avons dénombré plus de 60 personnes blessé.e.s dont au moins 4 dans un état grave, que ce soit du fait d’éclats de grenade au visage ou au niveau des organes génitaux, du fait d’explosions délabrantes au niveau des membres ou du fait de troubles neurologiques secondaires aux effets de blast des explosions. A cela viennent s’ajouter les complications, notamment infectieuses, des blessures provoquées les jours précédents.

Ce jour-là, comme tous les jours depuis une semaine, les gardes mobiles ont utilisé des armes potentiellement létales sur une foule de personnes de tout âge, désarmées, qui ne présentait aucune menace. Des grenades sont ainsi tombées à plusieurs reprises dans les capuches ou les sacs à dos des personnes présentes, visées délibérément par les forces de l’ordre. Nous devons la survie de ces personnes à la présence d’esprit et au courage des témoins qui les ont ôtées avant qu’elles n’explosent.

Face à cette situation, nous considérons qu’il est de notre devoir d’alerter ; Si demain une personne est tuée par les forces de l’ordre sur la ZAD de notre-dame-des-landes, pour nous, ce ne sera pas un accident mais un assassinat prémédité, commandité par le gouvernement.

L’equipe medic et le collectif des soignant.e.s actuellement mobilisé.e.s sur la ZAD »

 


Une petite partie des grenades tirées sur la ZAD ont été rapportées à l’expéditeur (préfecture de Loire Atlantique) le 19 avril :