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L’institut national des droits de l’Homme chilien a dénombré, entre le 17 octobre et le 25 novembre, 232 victimes de traumatismes occulaires, dont 163 (soit 75%) mettent en cause un tir, et plus de 20 personnes assassinées.


Face à un grand nombre de traumatismes occulaires graves causant la cécité dans la majorité des cas, l’unité de traumatismes occulaires de l’hôpital El Salvador, situé à Santiago, a mandaté un travail de recherche afin de déterminer la composition des projectiles utilisés par la police.

Cette étude a été publiée le 15 Novembre 2019 et avait trois objectifs : étudier les projectiles pour vérifier s’ils correspondent bien à des projectiles non létaux, déterminer la composition des projectiles, ceux servant à l’étude ayant été prélevés directement sur les victimes, et enfin s’assurer qu’il s’agit bien de billes de caoutchouc comme l’indique la police.

Nous soulignons que la cour d’Appel dans la région de Antofagasta s’etait déjà prononcée, le 12 novembre pour une restriction des chevrotines de “gomme” et des gaz lacrymogènes contre les manifestations pacifiques La police n’a pas contesté ce jugement.

L’usage des fusils anti-émeutes comme arme de maintien de l’ordre


Les policiers au Chili sont armés de fusil anti-émeute. Leur emploi est soumis, comme toute arme, à un “usage proportionné et progressif de la force”.

Selon la circulaire n°1832 du 1er Mars 2019, ils ne peuvent être utilisés qu’en cas d’agression “active” ou “active et potentiellement mortelle” ce qui corrrespond à une mise en danger de l’intégrité des manifestant-es ou des policiers eux-mêmes. Cela correspond l’usage de la force le plus élevé soit à un niveau 4 et 5 sur 5.

Le policier doit avoir un permis à jour lui permettant d’utiliser l’arme et doit connaître les munitions non létales qu’il peut employer. Lors de l’utilisation de l’arme, il doit prendre en compte la distance de tir, l’environnement, les personnes potentiellement visées afin de choisir le type de munitions “adaptées” à la situation. Enfin, lorsqu’il blesse quelqu’un, il doit lui porter assistance.

Les deux types de munitions non létales autorisées, selon la circulaire 1835, sont :

  • des cartouches de calibre 12 mm Super-Sock, modèle 2581 , produites par CTS : selon les données techniques elle contient des billes de plomb enveloppées dans une maille et sa portée effective est de 25 mètres.
  • des cartouches de calibre 12 mm “Perdigon de Goma”, produites par TEC : contiennent 12 billes de 8 mm de caoutchouc durci, de caractère “non létal”.

Les révélations de l’étude

Les projectiles recueillis sur les victimes sont des chevrotines d’un calibre équivalent à 8 mm.


L’étude mesure par la suite la densité des projectiles, la rigidité selon l’échelle Shore A ainsi que la caractérisation thermique par Differential Scanning Calorimetry. Cette étude vient en corrélation avec plusieurs observations médicales recueillies sur le terrain auprès de médecins.

Dès les premiers jours de manifestation, les médecins s’inquiètent : les chevrotines sont utilisées à tout va et ils reçoivent beaucoup de blessés.

Le 21 octobre, à Iquique, un médecin reçoit 5 personnes blessées à l’oeil par des chevrotines, dont deux ont perdu un oeil. Sur les scanners, il constate des corps étrangers de forme ronde de forte densité à l’intérieur de l’oeil, ce qui indique une composition métallique. Parfois, les billes sont en plastique à l’extérieur mais renforcées par du fer ou du plomb à l’intérieur. Ce même article relate l’arrivée d’une personne avec 18 chevrotines à l’intérieur du corps.

Un des radiologues interrogés dénonce “le grave préjudice causé par des représentants de l’État ce qui constitue une action quasi criminelle, et une violation flagrante de l’état de droit.”

Un odontologue témoigne également de son expérience dans la nuit du 13 novembre : il a reçu 95 patient-es, la majorité avaient entre 16 et 25 ans et avaient reçu des impacts de chevrotine. Il a donc traité plusieurs blessures de chevrotines logées dans le corps. Certaines ont nécessité une prise en charge hospitalière et donc chirurgicale, l’une d’entre elles fut un jeune homme de 16 ans avec une chevrotine logée dans la paupière inférieure gauche. La majorité des projectiles étaient composés de métaux entourés de gomme. Au moment de l’impact sur le corps de la personne, le caoutchouc qui enveloppe la balle se détache et il reste seulement la partie métallique.

De plus, les radiologues consultés à Santiago affirment que la densité métallique des chevrotines est potentiellement mortelle selon l’organe touché.

Selon les analyses réalisées lors de l’étude, les chevrotines analysées sont composées seulement à 20% de caoutchouc et à 80% de métaux : du silicium, du sulfate de baryum et du plomb. Leur rigidité est de 96,5 sur 100 Shore A, équivalente à celle d’une roue de skate.


Le plomb est un métal dangereux qui peut avoir des conséquences graves pour l’organisme notament sur le cerveau, le système nerveux central, le système digestif et rénal. Il provoque également des avortements spontanés, et les enfants sont particulièrement sensibles à l’exposition au plomb. Le silicium est un métal non solide extrait du quartz et d’autres minéraux et utilisé dans l’industrie sidérurgique. Le sulfate de baryum est un composé utilisé dans les techniques d’opacification en radiologie. En cas d’intoxication, celui-ci peut entraîner des effets cardio-vasculaires, et neurologiques graves.

La réponse policière

En réponse à cette étude, le 19 novembre, le directeur général de la Police chilienne publie un communiqué dans lequel il précise que, selon la fiche technique des munitions fournies par TEC, citées plus haut, achetées par la police, leur composition n’était censée n’être que de gomme. La police semble ignorer la présence potentielle de métaux dans lesdits projectiles…

En mesure préventive, il restreint l’usage des fusils anti-émeutes à des cas d’atteintes à la vie d’autrui ou des policiers. Au vu de l’étude, il décide de suspendre l’usage des chevrotines pour le maintien de l’ordre, celles-ci ne devant être utilisées qu’en cas de légitime défense avec danger de mort imminent, tout comme les armes à feu.

Ces restrictions “d’urgence” sont prises en attendant les résultats des études demandées par la police auprès de laboratoires indépendants et étrangers, et des précisions ont été demandées également au fournisseur, elles seront ré-évaluées en fonction des résultats.

La Police prétend ignorer la dangerosité des projectiles utilisés, pourtant, en novembre 2012, la direction produit un document à l’attention des policiers sur les tirs de fusil anti-émeute ayant comme munitions des cartouches de chevrotines de gomme, de calibre 12 contenant chacune 12 chevrotines de gomme de 8 mm de diamètre de la marque TEC, et leurs effets sur le corps humain. Ce document étudie les tirs à 5, 10, 20, 25 et 30 mètres de distance décrivant leurs effets respecifs sur chaque partie du corps humain.

Ce fichier conclue qu’un tir entre 5 et 25 mètres de distance génère des lésions corporelles graves mettant en jeu le pronoctic vital. Il est donc recommandé de ne tirer qu’à partir de 30 mètres de distance mais il est précisé qu’un tir, même à 30 mètres de distance, entraîne la perte des yeux. Il est donc recommandé d’utiliser l’arme sur le tiers inférieur du corps en évitant les parties génitales.

Après avoir lu cette étude, il est absurde de penser que les fusils anti émeutes puissent être des armes non létales et de légitimer leur utilisation en maintien de l’ordre.

Cette dangerosité prouvée n’a empêchée ni la police ni l’armée chilienne de faire des fusils anti-émeutes une des armes phares contre la révolte sociale.

Le 20 et 21 octobre, l’armée chilienne passe une commande de 36 725 cartouches anti-émeutes de marque GB et Fiocchi, auprès de l’entreprise TEC Harseim Limitada. Le 21 octobre, la Police commande elle aussi 2 000 cartouches anti-émeutes. Au total, 38 725 cartouches ont été commandées pour une somme de 34,9 millions au total.

Le fabricant

Les chevrotines de gomme sont produites par TEC HARSEIM Ltda.

Cette entreprise a été créée par Bernardo Harseim Von Conta, de nationalité allemande, et ses associés en 1937. A l’origine, l’entreprise était destinée à la fabrication de mèches pour les mines dont ils étaient propriétaires. En 1939, le fils de Bernardo, Erich Harseim Marijon, suit une formation d’ingénieur civil puis intègre la société, il développe de nouveaux produits pour les mines. Peu à peu, ils cherchent à conquérir de nouveaux marchés et se lancent donc en 1942 dans la production de cartouche de chasse en garantissant des matières primaires et des composants 100% nationaux. Dans le courant des années 1980, TEC passe des accords avec des sociétés d’armement italiennes et propose à la vente de nouvelles marques telles que Fiocchi et Gualandi. Puis, en 1989, l’entreprise sépare ses lignes de produits : une à destination des mines, et l’autre spécialisée dans les cartouches de chasse. En juin de la même année, la nouvelle entreprise responsable de la production des cartouches de chasse voit le jour et prend le nom de TEC HARSEIM Ltda. C’est à ce moment là que Alfonso de Iruarrizaga H, gérant actuel, prend les rênes de l’entreprise. Il inicie un processus de diversification intense des produits s’ouvrant à de nouvelles marques (Beretta, CBC-Magtech, Leatherman etc) et en developpant de nouvelles lignes de production telles que le camping et la pêche. En 67 ans, TEC Harseim Ldta. s’est imposé comme le leader national des ventes de cartouches de chasse sur le marché.

C’est donc dans des catalogues de chasse que la police chilienne se fournit en munitions anti émeutes… En effet, on trouve dans leur catalogue une section destinée au gros gibiers et à des cartouches spécialisées. C’est dans cette section que l’on retrouve les fameuses TEC “antidisturbios” utilisées par la police chilienne.

En consultant les catalogues des différentes années de production, il s’est avéré que les chevrotines en gomme proposées par TEC était durcies d’oxyde de plomb jusqu’en 2015. A partir de l’édition 2015, l’oxyde de plomb disparaît de la description du produit mais sa référence ne change pas. Puis, l’année 2018, signe la dernière année de production de cartouches anti émeutes de la marque TEC. En 2019, TEC propose à la vente seulement des cartouches GB et Fiocchi.


Il est impensable que la présence de plomb potentiel ne soit pas connue de la police, elle même ayant mené une étude sur ces projectiles en 2012, date où la description du produit portait encore la mention “durcie d’oxyde de plomb”. D’autre part, il est étonnant que TEC fasse disparaître cette mention en gardant une référence similaire.

Plusieurs hypothèses sont envisageables. La première serait que TEC n’ait jamais changé son produit, écoulant pendant trois années les stocks restant avant d’arrêter la production. La deuxième serait que la police chilienne était parfaitement au courant de cette manipulation mais a choisi de poursuivre l’utilisation de ces munitions dans le maintien de l’ordre malgré les risques encourrus pour les victimes.

Nous avons étudié majoritairement dans cet article les chevrotines produites par TEC Harseim, il n’en reste pas moins que les munitions Cartucho 12mm Super Sock de CTS (l’entreprise américaine Combined Tactical Systems est l’un des plus gros fournisseurs au monde d’armements pour le maintien de l’ordre. Parmi ses clients : la France, Hong Kong, Irak, Israël…) tirées à l’aide de fusils anti-émeutes sont elles aussi extrêmement dangereuses comme nous le montre la photo suivante :

Munitions Cartucho 12mm Super Sock de CTS logées dans le crânes d’un patient

Il est d’évidence que la police chilienne a suspendu l’usage des fusils antiémeutes en paroles mais en actes c’est tout autre chose. La police continue d’utiliser les chevrotines causant de nouveaux blessés, et ses exactions ne s’arrêtent pas à des mutilations, elles vont bien au delà.

Sous couvert du maintien de l’ordre s’exprime la barbarie de l’Etat

Il est à souligner que la police chilienne opprime les enfants. Vendredi 22, soit deux jours après la déclaration de suspension de ces munitions de la part de la police, un enfant a été visé aux yeux. L’institution de défense des droits des enfants a déposer 327 plaintes pour violation des droits des mineurs au Chili. En date du 20 novembre sont décomptés 43 cas de blessures par chevrotines, 11 cas de blessures par balle, 5 enfants avec des traumatismes occulaires et 118 avec des blessures suite à des coups de pieds, coups de poing, coup de matraques ou pour avoir été traînés au sol. Le 5 novembre la police est entrée dans un lycée féminin avec l’autorisation de la directrice (ce qui fait d’elle une auxiliaire de police et ce qui la rend complice de tortures), le Liceo 7, Teresa Prat, de Santiago Centro et tire à tout va des chevrotines sur les étudiantes, cela afin de réprimer les possibles radicalisations au sein de l’établissement : des dizaines de jeunes filles ont été blessées. Ce même jour une jeune fille de 15 ans à Maipu a été violée, un policier l’a frappé d’un coup de matraque dans le vagin puis l’a violemment tirée au sol. Elle a ensuite été arrêtée, et a subi, au commissariat, une fouille complète à nue, avant d’avoir été détenue durant 4 heures. Le 13 novembre, la police a arrêté à Villa Alemana 8 enfants âgés de 10 à 14 ans.

La police est extrêmement violente avec les femmes. Plusieurs cas d’abus sexuels et de viols ont été relatés et cette violence va même au delà : jusqu’au féminicide. Le samedi 26 octobre, on apprenait l’assassinat d’une artiste de rue, Daniela Carrasco, 36 ans, alias la Mimo, le dimanche précédent, pendant le couvre feu. La dernière fois qu’elle a été vu vivante, c’était lors de son arrestation par des policiers. Des posts sur les réseaux sociaux évoquent un viol, des tortures et montrent un corps pendus à des grilles, pieds touchant terre… Les associations féministes et caritatives dénoncent une volonté punitive qui visent les quartiers populaires pour s’être joint à la lutte. Le samedi 23 novembre, c’est Albertina Martínez Burgos, 38 ans, qui a été retrouvée assassinée chez elle. Elle était photographe dans les manifestations et dénonçait, à travers son travail, la repression étatique et particulièrement les violences et abus contre les femmes. Lors de la découverte de son corps, il n’y avait plus aucune trace de son travail dans son appartement…


Les témoignages de personnes sur place à Santiago nous relatent une répression en recrudescence notamment avec un plus grand effectif de brigades policières à pied appelées “Piquetes”. Ils nous relatent notamment beaucoup de violences sur l’ancienne place d’Italie renommée Place de la Dignité par les manifestant-es. Cette place est à côté d’un fleuve, et ces derniers jours, beaucoup de manifestant-es ont du se jeter dans le fleure pour échapper à la répression, souvent féroce. Ils constatent également une toxicité nouvelle des gaz lacrymogènes, provoquant des malaises digestifs. Les policiers terrorisent également les familles en les gazant et en envahissant leurs maisons. La répression s’applique particulièrement aux centres d’attention médicale et aux observateurs des droits de l’Homme.

On remarque, depuis le début, du mouvement social chilien, des tirs dirigés préférentiellement sur le visage des manifestant-es. Les images des blessures sont affligeantes et ne correspondent pas, si on se fie l’étude précédemment citée, à des tirs effectués à plus de trente mètres de distance.

Parmis les blessés graves, Gustavo Gatica, âgé de 21 ans, a été touché par un tir de chevrotines en plein visage le 8 novembre, les deux yeux ont été sévèrement atteint simultanément. Un des yeux avait une probabilité faible d’être sauvé. Mardi, il s’est avéré que malgré les soins prodigués, Gustavo a définitivement perdu l’usage de ses deux yeux. L’Etat Chilien l’a délibéremment rendu aveugle.

“J’ai donné mes yeux pour que le peuple se réveille”, phrase de Gustavo Gatica à sa mère.

Hier, Fabiola Campillay, âgée de 36 ans, se rendait à son travail, lorsque les policiers lui ont tiré une grenade lacrymogène en plein visage. Elle a perdu ses deux yeux, son nez a été fracturé par l’impact et l’arcade sourcilière a été touchée.

La violence étatique a rendu aveugle deux personnes. La perte simultanée des deux yeux est un fait rare dans l’histoire du maitien de l’ordre. Ces deux actes témoignent de la brutalité extrême de la police chilienne.

Depuis “l’arrêt factice” des chevrotines dans le cadre du maintien de l’ordre, on remarque de plus en plus d’impacts au visage de grenades lacrymogènes, elles aussi produites par CTS, entraînant des blessures graves telles que la perte des yeux et des fractures importantes de la face.

Nous parlons d’internationalisme des pratiques de maintien de l’ordre, notamment parce que les blessures et mutilations infligées sont majoritairement les mêmes quels que soient les pays. La réponse aux mouvements de contestation sociale est visiblement de faire taire par la force, et peu importe qu’il y aie des blessés, des mutilés et même des morts, tant que le pouvoir reste en place. Le comportement de la police ne varie pas d’un pays à l’autre : comme nous l’avons souligné à de maintes reprises sur ce site, son rôle est de servir le pouvoir en place en réprimant violemment. Dans tous les pays, ils bénéficient de l’impunité.

La France, l’Angleterre et l’Espagne voleront-ils au secours du Chili ?

A partir de cette semaine, la police chilienne était censée recevoir les préconisations en terme de maintien de l’ordre de l’Angleterre, l’Espagne et la France, selon les dires du président Piñera. Tout cela pour enrichir les stratégies et les protocoles d’intervention, afin d’avoir un meilleur contrôle de l’ordre public, pour satisfaire le “besoin de sécurité du peuple chilien”. La Banque Interaméricaine de Développement, dans le cadre d’un projet de coopération sur lequel ils travaillent depuis un an, a accédé à cette demande.

Au delà d’un partage d’expérience, le but de cette association serait d’établir un programme de maintien de l’ordre à travers l’élaboration de protocoles, de stratégies, et de tactiques utilisées dans les opérations de maintien de l’ordre. Cela s’ouvrirait à des formations de cadres spécialisés avec une analyse et un appui total de la part des polices étrangères sollicitées afin de reprendre le contrôle sur la “population violente”.

C’est bien dans une recherche de contrôle de l’ordre public que la France a donc été appelée à apporter son expertise, afin d’évaluer le maintien de l’ordre chilien actuel et l’aider à s’améliorer pour que le gouvernement puisse reprendre le contrôle sur des manifestations violentes. On connait la rhétorique : le discours médiatiques est toujours le même d’un pays à l’autre, chaque pays ayant ses « casseurs » que la presse diabolise sans cesse, qui sont supposés violents par nature et ayant pour seule conviction politique celle de commettre des dégradations. En France ce sont « les black-blocs », l’extrême ou l’ultra-gauche, voire désormais les “ultra jaunes”. Au Chili ce sont les « encapuchados ». Les autres habitants sont toujours présentés comme ressentant un besoin de sécurité accrue, le gouvernement ne faisant qu’accéder à leur demande en réprimant l’indiscipline des manifestant-es.

Il nous semble pourtant que le peuple chilien, quant à lui, est dans la rue et ne veut qu’une chose : le départ de Pinera. La principale cause d’insécurité dont il est victime est celle provoquée par la Police et l’Etat.

Quand bien-même le ministère de l’Intérieur français aurait affirmé finalement que cette collaboration policière avec le Chili allait être ajournée, le seul fait d’avoir pensé à la France pour servir de modèle de maintien de l’ordre est révélateur quand on sait que depuis novembre 2018, début du mouvement des gilets jaunes, 1 personne a été tuée, 25 personnes ont été éborgnées, 5 ont eu leur main arrachée et 1 personne a définitivement perdu l’audition. Depuis 1999, L’Etat français a rendu borgne 63 personnes, avec une concentration des mutilations durant les six premiers mois de novembre 2018 au mois de mai 2019, ce qui représente 38% des personnes éborgnées. Ce modèle ultra violent, construit sous couvert d’un état d’urgence permanent, est donc validé par le Chili. Rassurant…

La France, qui continue d’être présentée comme le fer de lance des droits de l’Homme, accepte allégrement cette collaboration malgré la violence étatique chilienne, malgré les asssassinats, malgré l’irrespect total des droits de l’Homme dénoncé à l’international. Dans la réciprocité qui naitront de ces échanges, nous nous posons, aujourd’hui, la question suivante : qui va apprendre de qui ?

Nous pouvons craindre dans quelques temps une internationalisation du maintien de l’ordre avec éventuellement des protocoles internationaux ou encore la formation d’une police spéciale qui pourrait agir à l’international. Nous ne pouvons prévoir quelles idées saugrenues pourront leur traverser l’esprit lors de leurs réunions.

Il nous faut alors dès aujourd’hui lutter en collaboration contre la violence des Etats. C’est ce que Désarmons-les! a commencé à faire…

Il y a une chose que tous ces dirigeants, ces classes hautes, oublient : la répression ne tue pas la lutte : d’elle naît une soif de justice et de liberté encore plus forte.