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Yannick Landurain est un cowboy de carrière. Originaire de Bretagne, il fait ses premiers pas dans la police en 2002, alors qu’il a 21 ans. On sent bien dans ses mots que pour lui, la matraque est un premier choix professionnel. Il est affecté d’abord en commissariat à Drancy, avant d’intégrer les cognes de l’anticriminalité, dans les Compagnies d’intervention (les CDI-CSI) d’abord, puis à la BAC

Un lourd passif dans l’oppression des jeunes de quartiers populaires

En 2005, Landurain a 24 ans. Il est alors gardien de la paix au sein de la Compagnie Départementale d’Intervention de Seine Saint Denis (93). Envoyé à Clichy-sous-Bois pour mater les émeutiers à l’occasion de l’insurrection des banlieues d’octobre 2005, il s’exprimera dans la presse dix ans plus tard sur cette expérience qu’il décrit avec une certaine fascination. On sent que l’homme aime la bagarre, qu’il s’est alors cru au front : “J’ai vu des collègues tomber… On se serait cru à Jérusalem” (France Info, 25 octobre 2015). Cette comparaison malencontreuse a le mérite de rendre son point de vue limpide : soit il est ignorant de la situation en Palestine occupée, soit il se situe naturellement du point de vue de l’armée coloniale d’occupation. Mais pour lui, tou-tes les arabes sont les mêmes, de Clichy-sous-Bois à Al Quds. 

En 2009, Landurain a 28 ans. Il est toujours dans la Compagnie Départementale d’Intervention, à Bobigny (93). Il est également membre de la section flic du syndicat Force Ouvrière. C’est donc un “flic de gôche”, comme on dit dans leur presse, histoire de faire la fausse distinction avec les “durs” du syndicat Alliance : FO est parait-il une centrale syndicale très proche de ce qui reste du Parti socialiste.

Dans un entretien accordé à Paperblog cette année-là, il avoue à demi-mot son absence de compréhension psycho-sociologique de la vie d’un jeune des quartiers populaires : “Il y a tout un aspect psychologique de ces jeunes de cité qu’on ne nous apprend pas du tout.” (Paperblog, 13 mai 2009) Dans le même entretien, il s’étonne d’avoir reçu une mise en garde après avoir tiré au flashball sur un scooter en mouvement. Sans surprise, Caliméro fustige la police des polices, un leitmotiv des syndicats de police…

En 2012, Landurain est élevé au grade de brigadier-chef par un arrêté du 27 avril 2012 après avoir rejoint la Compagnie de Sécurisation et d’Intervention, la CSI 93, basée à Aulnay-sous-Bois (93).

En 2015, Landurain a 34 ans. Son syndicat s’appelle désormais Unité-SGP-FO, toujours “à gauche”... A l’occasion des dix ans de l’insurrection des banlieues de 2005, les médias tendent à nouveau le micro à Landurain, qui répond à plusieurs entretiens et apparaît également à la télévision. Dans l’entretien accordé à France Info et évoqué plus haut, Landurain fera preuve d’un essentialisme qui flirte avec le racisme : “ces gens-là resteront toujours pareils, on peut faire tout ce qu’on veut, il n’y a pas de peur de l’uniforme, ils se sentent forts et la moindre étincelle peut faire dégénérer un contrôle d’identité”. On verra plus bas que ce sont bien plus des policiers comme Landurain qui font dégénérer les contrôles, plutôt que les jeunes qui en sont les objets. Par conséquent, il ne voit pas en quoi les policiers seraient responsables de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, acculés vers un transformateur en tentant de fuir un énième contrôle au faciès. 

Tout au long de ses prises de parole, Landurain continue d’évoquer son rapport difficile avec les jeunes habitants des cités reléguées de banlieue parisienne, mais aussi sa frustration de ne pas pouvoir sévir autant qu’il le voudrait. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, il dira : “Avant, on intervenait tout de suite, quand il y avait une grosse bagarre par exemple. Depuis les émeutes, on nous dit d’attendre qu’un commissaire vienne sur place. On arrive, tout est terminé. Évidemment, on est frustrés. Ensuite, il y a eu Villiers-le-Bel. Maintenant, dès que les beaux jours arrivent, on est ridiculisés. Ils sont tous à moto, sans casque, et quand ils font un vol à la tire, on ne doit pas aller derrière. Les gens ne comprennent pas. Quelque part, on a fini par baisser notre pantalon. ” (Le Monde, 26 octobre 2015). 

On observe déjà chez Landurain le même trouble psychique majeur qui caractérise nombre de policiers : ce qui est en jeu dans leur appréhension du terrain, c’est la peur castratrice de voir leur virilité remise en question par des jeunes, notamment si iels sont issu-es de l’immigration. Il l’admet quasiment lors d’une émission de C dans l’air intitulée “Avoir 15 ans dans les banlieues (1), le 28 octobre 2015, à la 43ème minute : “C’est une vocation : on ne rentre pas policier en SeineSaintDenis comme on rentrerait aux impôts. Mais très vite ces fonctionnaires qui arrivent en SeineSaintDenis sont très vite dénaturés, parce qu’ils viennent souvent de province, ils ont souvent pas loin de l’âge des jeunes qu’ils ont en face d’eux. On est en train de les réduire de plus en plus, ces fonctionnaires, et ils sont très vite désarmés…”

En 2018, Landurain intègre une autre unité d’élite de la police urbaine, la Brigade de soutien de quartiers (BSQ), à Livry-Gargan, avant d’être élevé au grade de major par un arrêté du 24 mai 2018 et de rejoindre la BAC. Il semble vouloir faire la tournée du 9.3, toujours à l’avant-poste de la reconquista. Notons que c’est la BAC du commissariat de Livry-Gargan qui avait été impliquée dans la mort de Zyed et Bouna fin 2005 (CQFD).

En 2020, Landurain est toujours major à la BAC 93 et délégué syndical Unité SGP-FO. Dans un entretien accordé à France Bleu, il persiste à tirer des conclusions de comparaisons scabreuses et à reprendre à son compte la terminologie d’extrême-droite “français pure souche” : “Dans le 93, les problèmes on ne les rencontre pas souvent dans les zones pavillonnaires, mais souvent dans les cités, les 4.000 à La Courneuve, les 3.000 à Aulnay… et la population qui habite dans ces cités est souvent issue de l’immigration donc forcément, en nombre, j’ai dû contrôler plus de personnes nord-africaines ou africaines que de français pure souche et je parle de la Seine-Saint-Denis, je ne suis pas sûr que mes collègues dans le Morbihan ou le Cantal aient la même réalité de terrain” (France Bleu, 7 décembre 2020)

Après pas loin de 20 ans de carrière dans la police de Seine Saint Denis, le petit soldat Landurain semble suspendu dans le même paradigme d’ignorance xénophobe et de violence : recruté en province à la sortie de l’adolescence pour rejoindre en périphérie de la “grande ville” les forces de reconquête républicaines, ce jeune homme blanc se perçoit comme à l’avant-poste d’une croisade dans laquelle la préservation de l’ordre public (et donc, de sa virilité, parce que c’est bien ça dont il est question dans un monde dominé par les hommes) est inversement proportionnelle à la soumission des jeunes noirs et arabes qu’on lui demande de mater. Suprémacisme et virilisme se cachent derrière le républicanisme que Landurain et ses compères prétendent incarner.

Tir dans le visage de Geoffrey à Montreuil

Mais revenons quelques années en arrière…

En 2010, Landurain est devenu brigadier au sein de la CSI 93, née en 2008 de la fusion de la CDI 93 et de la CS 93

Le 14 octobre 2010 à l’aube, lui et son équipage commencent leur journée avec l’expulsion violente du squat de la Demie-Lune à Montreuil (Article sur le site de la CIP IDF), avant d’aller chasser les lycéens de la ville qui protestent contre une énième réforme de casse du régime des retraites.

Des lycéens bloquent ce jour-là le lycée Jean-Jaurès. Le gardien de la paix Jean-Yves Césaire, alors sous les ordres de Yannick Landurain, tire à deux reprises avec son Lanceur de balles de défense, explosant les os du visage de Geoffrey, 16 ans. 

Jean-Yves Césaire déclarera par la suite que le brigadier Landurain leur avait enjoint au préalable de “prendre toute mesure utile afin de protéger leur intégrité physique”. Lui et son supérieur mentiront éhontément sur procès verbal pour se couvrir et incriminer leur victime, se rendant coupable de faux en écriture publique. Ce qui fait toujours mauvais genre dans une petite carrière de policier modèle. 

Dans un premier temps, Landurain assume de façon confiante et déterminée sa responsabilité, déclarant que ses hommes ont tiré sur ses instructions et en légitime défense puisqu’ils étaient encerclés et sous une pluie de projectiles. Le mec s’est fait un film : il décrit alors une scène de guérilla, inventée de toutes pièces comme le démontrera la suite de l’enquête, et notamment la diffusion de deux vidéos des faits par Rue89 et un riverain sur Dailymotion. Après avoir été invité par le tribunal à voir ces images, démontrant l’absence de violences et de menace sur son unité, Landurain perdra finalement de sa superbe et bottera en touche sur la légitime défense. Déclarant finalement : “je ne peux pas dire si mes collègues étaient en situation de légitime défense”. 

D’abord convoqué pour être mis en examen, Landurain sera seulement placé sous le statut de témoin assisté après avoir transféré sa responsabilité sur le gardien de la paix Césaire, déclarant qu’il n’avait pas donné l’ordre explicite de tirer et que chaque policier reste capable de discernement pour apprécier s’il est en état de légitime défense ou non  : c’est pas moi, c’est l’autre. 

Landurain ne se privera pas, sur le fondement de ses mensonges, de porter plainte contre la victime, faisant courir un risque important de condamnation sur un adolescent déjà mutilé et durablement traumatisé par le tir de son subalterne. Les juges d’instruction seront particulièrement conciliant avec Landurain, dont les déclarations seront qualifiées avec euphémisme “d’approximatives”, alors qu’elles sont fondamentalement fausses et calomnieuses.

Au final, le faux en écriture sera reconnu par la justice et, par conséquent, la plainte contre Geoffrey sera jugée caduque par le procureur lui-même. Mais Landurain ne sera pas poursuivi. Il sera même promu : en 2015, on le retrouve brigadier-chef à la tête de 14 policiers, toujours au commissariat de Bobigny (Libération, 13 octobre 2015).

Extrait du dossier judiciaire de Geoffrey établissant les fausses déclarations et leur reconnaissance
par le Tribunal Correctionnel de Bobigny et la Cour d’Appel de Paris.

Ciseaux dans le cou de Farès à Vaujours

En 2019, Landurain est devenu major de police au sein de la BAC, l’aboutissement d’une carrière de bourrin.

Le 22 juin 2019, à l’occasion d’un contrôle d’identité, Landurain et son unité procèdent à l’humiliation routinière d’un groupe de cinq amis. Aux insultes des policiers répond le défi des jeunes contrôlés, qui pointent très justement l’abus de pouvoir viril et paternaliste des agents. L’un des jeunes lui déclare : « C’est un signe de faiblesse. Si vous aviez affaire à des adultes, vous vous comporteriez différemment ». Landurain, dans tout son professionalisme et avec tout le discernement d’un flic de gauche, s’empare de ciseaux dans la sacoche de l’un des jeunes et les enfonce dans le cou de Farès, 17 ans (Le Point, 25 juin 2019) (2).

Landurain plaidera la bavure non intentionnelle : le bougre avait “oublié” qu’il avait des ciseaux dans la main alors qu’il s’apprêtait seulement à étrangler le jeune homme. C’est vrai que l’étranglement et l’étouffement sont admis par les protocoles d’intervention — mais pas l’égorgement. C’est donc une ligne de défense entendable – et entendue – par la justice de classe.

Farès, après s’être fait recoudre le cou (trois points de suture), est immédiatement interpellé à sa sortie de l’hôpital et placé en garde-à-vue à Livry-Gargan. Le lendemain, son père, venu demander des explications sur l’arrestation de son fils après avoir été grièvement blessé parun policier, est lui aussi arrêté et placé en garde-à-vue. Même sort pour sa soeur, elle aussi arrêtée alors qu’elle lui apporte un tee-shirt propre. Tous sont couverts d’insultes et intimidé-es. C’est comme ça que ça marche avec la police de SeineSaintDenis. 

Doit-on rappeler le scandale qui a éclaboussé plus récemment la CSI 93 et ses 150 agents ? Malgré les révélations et une vrai-fausse annonce de dissolution” par le préfet Lallement, ces unités, et les BAC qu’elles sont venues renforcer, continuent d’exercer en toute impunité sur un territoire qu’elles ont soumis à leur domination pendant des années, avec des hommes comme Landurain à sa tête

Désinformation et jérémiades sur les plateaux de télévision

Le propre des délégués syndicaux dans la police, c’est de venir servir de manière hebdomadaire leur soupe sécuritaire sur les plateaux de télévision. Qu’ils soient de gauche ou de droite (difficile de percevoir la nuance : en gros, de SGP-FO ou d’Alliance), leurs prises de paroles servent toujours les mêmes objectifs : exiger toujours plus de moyens et d’armements, ainsi que la diminution du pouvoir de nuisance (déjà infinitésimal) de l’IGPN et des tribunaux à l’encontre de leurs collègues, se victimiser tout en présentant leurs victimes comme des coupables, instrumentaliser les suicides de policiers sans jamais incriminer l’institution et sa violence en interne, alimenter les discours réactionnaires et racistes et plaider en faveur d’une répression policière et judiciaire sans limite…

Invité de l’emission de la beaufitude réactionnaire  “Les grandes gueules” sur BFM-RMC à l’occasion de la manifestation de policiers du 19 mai 2021, Landurain est ce jour-là en mode Caliméro. Il revient une fois de plus tromper son monde, gémissant sur le sort d’une police entravée, opprimée et menacée de ne plus pouvoir étrangler tranquillement. Il tempète : “Laissez-nous faire notre travail!” (RMC-BFM, 19 mai 2021) Evidemment, de son point de vue, si la police ne peut plus procéder à des clés d’étranglement, c’est qu’il faudra y aller aux ciseaux : il est bien placé pour savoir les tracasseries que ça peut susciter. Il en parle d’ailleurs, quand il se plaint du temps perdu à remplir des procès verbaux à chaque retour d’intervention. Il préfèrerait n’avoir aucun compte à rendre : on comprend bien pourquoi…

Il semble persuadé que la France aime majoritairement ses policiers. Il se risque même à une comparaison scabreuse : 1000 plaintes de victimes auprès de l’IGPN face à 36 000 plaintes de policiers outragés, c’est bien que la police a plus à se plaindre que la population. On pourrait l’entendre paraphraser Maurice Papon… pardon, Didier Lallement : “Nous ne sommes pas dans le même camp, Madame”. Dans toute sa mauvaise foi, il omet de préciser le fait qu’un grand nombre de plaintes contre la police ne sont pas instruites par l’IGPN, sont classées sans suite en amont ou étudiées par le SDSE (service de déontologie et de soutien aux effectifs), un service d’enquête placé à un échelon inférieur à l’IGPN, pour de simples manquements aux règlements ou pour des violences ayant entraîné moins de deux jours d’ITT. Par ailleurs, plusieurs enquêtes sérieuses ont démontré combien le délit d’outrage est un business bien rôdé permettant aux policiers de se faire de l’argent de poche en fin de mois. Comme les infractions à la loi sur les stupéfiants (ILS), les outrages sont autant d’affaires ouvertes et immédiatement résolues, permettant aux communicants de la préfecture de police de vanter leur efficacité à combattre la délinquance. Statistiques factices. 

Landurain évoque également le chiffre de 7500 flics blessés pour arguer que “la balance n’est pas équilibrée”.  Ce qu’il ne dit pas, c’est que les unités médico-judiciaires établissent des certificats de complaisance et accordent des ITT aux policiers avec une déconcertante légèreté, pour des abrasions ou des ecchymoses, voire des retentissements psychologiques imaginaires, quand des personnes mutilées par des armes de police peinent à faire reconnaître leur préjudice à court et à long terme et alors que les victimes de violences policières n’obtiennent JAMAIS d’ITT psychologiques. 

Dans la même lignée que les syndicats droitiers de police, Landurain insulte les victimes et nie la réalité de leurs souffrances : “les associations de victimes ne représentent qu’elles-mêmes”. On peut retourner l’argument contre les syndicats de policiers, dont le corporatisme n’est pas à démontrer. L’une des différences notables, c’est sans doute que les collectifs de victimes ne recrutent pas leurs membres en leur garantissant protection fonctionnelle (avocat-e payé-e par l’administration) et petits avantages, tels que vacances et autres formes de corruption passive. L’autre différence notable, c’est qu’on n’est pas dans une situation symétrique et que les deux parties (syndicats de police et associations de victimes) ne sont ni sur un “pied d’égalité”, ni “à armes égales”. La décence et la déontologie voudraient que les policiers ne donnent pas leur opinion personnelle sur les victimes et leur combat pour la Vérité et la Justice,  notamment lorsqu’on nomme comme délégués syndicaux des assassins (3)

Pour autant, l’affabulateur et propagandiste Landurain persiste dans l’indécence, prétendant que les policiers seraient livrés à eux-mêmes lorsqu’ils sont cités à comparaître (ce qui est rare, précisons-le), devant choisir par eux-mêmes leur avocat, sans soutien de leur hiérarchie, ce qui est factuellement faux : dans la plupart des cas, le ministère ou les syndicats désignent l’avocat, qui est rémunéré dans le cadre de la protection fonctionnelle, cadre de garantie renforcé chaque année un peu plus par les réformes judiciaires et pénales, qui leur sont systématiquement favorables. 

Flic “de gauche” versus candidat de gôche

Fort de son expérience dans la cavalerie de Seine-Saint-Denis, Landurain enchaîne les plateaux de télévision. On le retrouve donc tout naturellement invité par l’incontournable clown triste, nouvel ami de Bolloré et porte-voix de l’extrême-droite Cyril Hanouna, dans son émission “Face à Baba” sur C8, le 27 janvier 2022. 

Ce jour-là, Landurain passe après Eric Zemmour, puis Sofia Chouviat, la fille de Cédric Chouviat, tué par la police le 3 janvier 2020 à Paris, pour donner la contradiction à Mélenchon. La discussion se lance sur des constats faussés et des postures républicaines, qui ignorent la fonction sociale originelle de la police : protéger les intérêts des élites dirigeantes, donc l’ordre établi, mais d’aucune façon protéger la population. Les lieux communs sur la police sont énumérés comme autant de contre-vérités démenties par l’expérience de la réalité : les policiers manqueraient de formation, la police de proximité agirait mieux que l’anticriminalité, les violences sociales seraient le résultat d’un divorce entre la police et la population, voter résoudrait nos soucis..

S’ensuit un combat de coqs stérile au cours duquel Mélenchon se tape le front avec Landurain. Le candidat, apparemment briefé par un conseiller qui lui a préparé une petite fiche bien renseignée, rappelle sèchement au syndicaliste ses deux casseroles susmentionnées — l’affaire des ciseaux de Vaujours et du tir de LBD de Montreuil —, tout en dénonçant, comme Mélenchon sait très bien faire, une division factice entre une police républicaine d’une part et une police gangrenée d’autre part, dont Landurain ferait partie. Vision totalement binaire qui nie le caractère systémique des violences et du racisme que la police incarne, toute la police. Les deux egos virils se confrontent sur les détails, tout en étant d’accord sur le fond. Le pouvoir, c’est eux. Les premier-es concerné-es n’ont qu’à écouter en silence. On comprend que Mélenchon veut bien désarmer les policiers dans le cadre du maintien de l’ordre, mais pas forcément dans les autres missions d’ordre public. Après avoir éructé sur Landurain, l’accusant d’avoir permis à l’un de ses hommes de fracturer le visage d’un adolescent d’un tir de LBD, Mélenchon l’invite à discuter hors champs des caméras. On les imagine en coulisses se dire qu’ils sont finalement plutôt d’accord, oubliant tout à coup le pedigree de Landurain, et donc ses victimes. Derrière les rideaux, on se réconfortera en se disant finalement que les policiers sont à bout et qu’il faut bien comprendre pourquoi il leur arrive de “déraper”. La violence structurelle requalifiée en simple bavure. Bouffonnerie républicaine.

On en oublierait presque que la police de proximité, ce sont les CSI-BST/BSQ/BTC-BAC (4). On a vu maintes fois ce que cette proximité laisse comme marques sur les corps de ceux qui n’ont pas consenti à ce que la police les approche (5). Le consentement, une autre notion étrangère à la police.

Il n’y a pas de bonne police, qu’elle soit à proximité ou dans le maintien à distance. Mais on la préfère tout de même à distance (6).

Dans un prochain épisode, nous livrerons le portrait d’un autre “officier modèle”, dont le parcours démontre toute la complicité de la hiérarchie et de la justice avec des individus violents à qui l’uniforme garantit une scandaleuse immunité…

      NOTES

      (1) Intituler une émission “Avoir 15 ans dans les banlieues” et y inviter une magistrate, deux flics et un “criminologue” autoproclamé, il fallait oser. Cette émission est diffusée sur France 5 depuis vingt ans, et a toujours été produite par une boite de prod du groupe Lagardère (les émissions étaient tournées dans les studios d’Europe 1 jusqu’en 2017), maintenant propriété du groupe de Xavier Niel.

      (2) Cette info est sortie dans Le Point, un journal toujours à l’écoute des services de police et de renseignement, et particulièrement des flics du syndicat Alliance, ennemi juré de SGP-FO. On peut tranquillement avancer que le journaliste Aziz Zemouri a été mis sur la piste de cette “bavure”, impliquant un flic du SGP, grâce à un bon tuyau  d’une de ses sources chez Alliance. 

      (3) Damien Saboundjian, reconnu coupable (fait rarissime) et condamné à cinq ans de prison avec sursis le 10 mars 2017 pour avoir tué d’une balle dans le dos Amine Bentounsi à Noisy-le-Sec le 21 avril 2012, n’a jamais été sanctionné et a même été nommé délégué syndical Unité SGP à Grenoble en 2020. Le syndicat de Landurain semble promouvoir la crème de la police nationale, comme le confirmait Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP (Force Ouvrière) auprès de Mediapart : « Mieux que quiconque, il (Saboundjian) incarne la défense du policier, parce qu’il sait de quoi il parle. » (Mediapart, 16 juillet 2020) L’ascension sociale par l’expérience de la violence.

      (4) Les Brigades Anti Criminalité (1971-1994), Compagnies de Sécurisation et d’Intervention (2003-2007), les Unités Territoriales de Quartier (2008), devenues Brigades Spécialisées de Terrain (2010), Brigades de Soutien de Quartier, puis Brigades Territoriales de Contact (2017) sont autant de polices “de proximité” dont la mission principale est le harcèlement et la domination policière des quartiers (et des classes) populaires. A propos de l’histoire coloniale de ces unités, lire nos articles : Le contrôle des désordres gérables, l’histoire du maintien de l’ordre ; De 1945 à nos jours, comment l’Etat français s’est réalisé dans une violence sans limites 

      (5) A lire absolument : “Notre police de (trop grande) proximité“, ZEP MEDIA

      (6) Lire notre article sur le soft-power de la police : https://desarmons.net/2020/12/13/la-police-cette-chanson-douce-que-me-chantait-ma-maman/

      Le mérite et “la gauche” selon Unité-SGP Police – Force Ouvrière
      N.B. : au passage, les journaflics du Point, grands amis du syndicat Alliance, ne se privent pas de tâcler Unité SGP – FO…