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“BAC Nord”, un film ACABlant

Non, le film “BAC Nord” n’est pas une caricature. Non, BAC Nord n’est pas un film pro-flics. Enfin, ce serait trop facile de le résumer ainsi. C’est juste le genre de films que doit produire sans cesse une société terrifiée à l’idée qu’on puisse détester la police et même vouloir l’abolir. 

On ne peut pas dire non plus que la presse l’a unanimement encensé – comme Les Misérables de Ladj Ly l’a été. La presse est unanime sur un point : “pourquoi BAC Nord divise-t-il tant ?” Il a été descendu en flèche par Libération, excusé par Le Monde, enchanté Première et divisé l’émission intello Le Masque et la Plume (France Inter). Créer la controverse fait partie du scénario, pour qu’encore une fois la question du rapprochement “police population” revienne à la Une. 

Cette grosse production met en scène une brigade de cowboys de Marseille, “la ville au taux de criminalité le plus élevé de France”. Ce film “vitaminé” d’un “réalisme à toute épreuve” joue sa petite partition sans bavures, du propre quoi. Comme on l’a déjà écrit ici même, la police bénéficie des plus puissants relais d’influence symboliques avec la télé et le cinéma – reportages “embeded”, séries policières ou thrillers pour grand écran -, qui scintillent à jamais au firmament de l’industrie du divertissemnt. BAC Nord n’est qu’une petite flamme de plus dans le grand brasier

Comme dans Les Misérables (lire la critique ici), on est en immersion avec des keufs, non pas sur TMC ou NRJ12, mais devant les caméras d’un cinéaste de fiction. H24 avec trois flics de la BAC, seuls au monde face à la horde de sauvages qui dealent de la drogue. Comme dans les Misérables, chacun des keufs a une petite vie pépère, qui boivent des bières, font des barbeuk et fument des bédos comme tout le monde, bref des gars tranquilles qui veulent juste faire “bien leur boulot” alors qu’ils sont démunis, abandonnés, manquant de moyens et de considération. Des gars méprisés et lâchés par leur hiérarchie, finalement trahis par leurs chefs qui les ont pourtant couverts à trafiquer avec les traficants pour opérer un coup de filet géant dans une des cités “chaudes” de Marseille. Cette opération guerrière est au centre du film, même les plus critiques trouvent la scène “incroyable de réalisme”. 

Bien sur que les trois flics qui servent de fil conducteur sont de gros bourrins virilistes : la seule femme flic qu’on voit un peu dans le scénario est enceinte et va acoucher d’un des trois héros. Forcément, ça rend le tableau encore plus “humain”. Bien sûr que le but de cette super production est de travestir des “flics de terrain” en héros incompris et finalement victimes d’une vaste machination, et même d’une erreur judiciaire puisqu’ils partent quelques mois en détention préventive. Bien sûr que l’intention du réalisateur est de partir d’une “histoire vraie” pour construire une fable intemporelle sur l’empathie et l’humanisme de trois justiciers en civils (“la drogue c’est mal…”), qui se battent contre la terre entière, y compris leurs collègues (qui les lâchent en rase campagne une fois mis en examens) et toute leur hiérarchie (gangrénée par l’arrivisme d’un commissaire et les calculs politicards du ministre de l’Intérieur en personne). 

Bien sur que ce film est caricatural. Les agents de l’IGPN sont présentés comme inflexibles, intransigeants avec la loi, minutieux et intrusifs dans leurs questions, et même rageurs contre les ripoux qui ont franchi la ligne jaune. On sait pourtant très bien à quoi sert l’inspection générale et comment elle se comporte lorsqu’il s’agit de trouver aux flics suspects des circonstances atténuantes (*). L’IGPN prend donc le rôle du sheriff sans reproches face à trois petits desperados accusés à tort de trafic de drogue et d’extorsion, alors que ce n‘est pas de leur faute : on les a poussé à agir contre la loi, c’était la seule manière de rémunérer un indicateur qui devait les mettre sur la piste d’une grosse livraison de came..

Bien sur que ce film est la version en couleurs de tous les tracts débiles du syndicat Alliance – la guerre contre la drogue, les cités zones de non droit, que des blacks et des reubeus : l’anti-chambre du “grand remplacement”. Bien sur que la scène de guerre au centre du film est là pour donner raison à toutes les forces réactionnaires de ce fichu pays : l’éradication du trafic de cannabis dans les cités populaires est la première source d’insécurité à combattre – comme le proclame la dernière campagne du ministère de l’Intérieur, pour qui ce film sert justement de formidable appel d’air : une campagne lancée cet été durant la même semaine que la sortie de BAC Nord. La question centrale s’en trouve évidement disqualifiée : la politique bornée de prohibition totale sur l’usage de stupéfiants, alors qu’en matière de beuveries alcooliques et d’addictions pharmaceutiques la France fait régulièrement partie des champions du monde en titre. 

Mais faut pas exagérer quand même. Pendant une conférence de presse qui s’est déroulée au dernier festival de Cannes (ce film y était présenté “hors compétition”), un journaliste irlandais a ironisé devant l’équipe pour conclure que “ça donne envie de voter Le Pen”. Libé s’en est même servi pour descendre le film. Comme si les autres constructions policières cinématographiques n’étaient que des fictions inoffensives alors que l’objectif reste le même : banaliser l‘omniprésence de la police et faire en sorte qu’on ne puisse plus jamais s’en passer. 

L’autre venin de ce film, c’est la morale moisie qui transspire à la fin : même quand on est agent de la loi, il ne faut pas franchir de ligne jaune, la fin (la drogue c’est mal) ne doit jamais justifier les moyens (se comporter comme des voyous). Bref, “force doit rester à la loi”. Ces trois flics sont juste des ripoux, et le public adore les histoires de ripoux, ça laisse penser que ce ne sont que des hommes (surtout des hommes dans BAC Nord ! Le second personnage féminin… c’est l’indic!**), qui respirent l’imperfection et révèlent fébrilement leurs petites lâchetés. Ca laisse à penser que finalement, ces trois flics n’ont fait que “déraper”, comme quand on prétend que la brutalité dans la police n’est qu’une affaire de “violences de policiers, mais surtout pas de celles, structurelles, de La Police : les “violences policières”. Ça dissémine même dans les esprits avides de divertissment que ces trois flics sont tombés par excès de transgression, et le public adore la transgression, la désobéissance à une autorité “déconnectée des réalités du terrain”… Voilà donc comment on fabrique mieux que des héros : des “résistants”. Ultime renversement. 

A la fin du film, pour bien recoller à cette prétendue réalité, on nous présente ce qu’ils sont devenus, avec des plans au ralenti et un panneau au bas de l’écran : le plus ouf de la bande (Greg, Gilles Lelouche), est devenu agent de sécurité dans une municipalité; le flic “issu de la diversité”, pour bien montrer qu’il y en a dans la police (Yassine, Karim Leklou), a trouvé une bonne gache dans un syndicat de policiers; et le troisième, celui qui était tombé amoureux de son indic (Antoine, François Civil), s’est reconverti dans une assoce qui vient en aide aux prisonniers… Il ne manquait plus que les violons pour faire tomber la petite larme : cette dernière scène se déroule avec en musique de fond la version originale de la chanson Le Pénitencier, autre symbole d’une certaine transgression… Des résistants? Mieux : des insoumis!

Le réalisateur Cédric Jimenez, qui a fait mine de s’étonner à Cannes lorsqu’on a présenté son oeuvre comme un film pro-police, est un gars du cru qui connait la chanson (forcément : “il a grandi dans les quartiers Nord de Marseille”…). C’est surtout un récidiviste des histoires-véridiques-avec-de-vrais-policiers-dedans. Avant, il a réalisé “La French” (encore une histoire de drogue), et son prochain film s’appellera “Novembre”, sur les attentats de 2015. Qu’il va sortir opportunément en 2022 quand se terminera le grand procès qui a débuté il y a quelques jours.  

Collectif Désarmons-les !

* A lire, la critique de Nantes Révoltée : https://www.nantes-revoltee.com/bac-nord-un-film-de-propagande-policiere-acclame-par-la-presse/

** On apprend en regardant la fiche technique que le scénario a été écrit à deux, par le réalisateur Jimenez et une certaine Audrey Diwan, 41 ans (qui vient tout juste d’obtenir le grand prix de la Mostra de Venise pour son dernier film “L’évènement”). Wikipedia la présente aussi comme “membre du collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel” Pour ce film de mâles, c’est réussi !

NB.- Comme pour Les Misérables, on a pas versé une thune pour voir cette daube, on a fait comme les voyous, on l’a piraté. 

BAC NORD : Un film de propagande policière acclamé par la presse

– Fascisme culturel : analyse –

 

Il fut un temps pas si lointain où le cinéma français se moquait de la police, avec des films comiques sur «Les ripoux», où Coluche incarnait un «Commissaire Labavure». Une époque où il était normal de tourner les gendarmes en dérision, et où les chansons populaires critiquaient les uniformes. C’était avant que l’imaginaire d’extrême droite ne contamine absolument toute la société française. Avec le film «BAC Nord», c’est un authentique long métrage de propagande d’extrême droite qui a déboulé sur les grands écrans, et dont la presse fait une promotion écœurante. Ce film est un cadeau de rentrée pour Marine Le Pen, qui tweete : «la réalité c’est ce film ! Allez le voir!» BAC Nord, c’est donc «la réalité» vue par le Rassemblement National.

UNE HISTOIRE VRAIE ACCABLANTE

Non seulement ce film est un monument à la gloire de la police, mais il s’inspire de faits réels peu glorieux. En 2012, 18 policiers membres de la BAC du Nord de Marseille sont arrêtés pour corruption, racket, trafic de drogue et enrichissement personnel. Des enquêteurs trouvent des sachets de cannabis dans les placards du commissariat. En première instance, le tribunal correctionnel de Marseille condamne onze policiers à des peines allant de deux mois à un an de prison avec sursis et prononce sept relaxes. En appel, les agents doivent être rejugées dans les mois qui suivent. Bref, c’est une affaire de ripoux qui ressemble à celle de la Compagnie d’Intervention du 93, impliquée l’an dernier dans une vaste affaire de violences et de trafics de drogue. Ainsi, «BAC Nord» traite d’une affaire judiciaire en cours, et ne se gêne pas pour prendre ouvertement parti, en utilisant de vraies images d’archives mélangées à des éléments de fiction censés prouver que les policiers n’ont fait que leur travail. Qu’ils étaient «obligés» d’agir ainsi. Héroïser de «bons flics» est déjà une routine quotidienne dans les médias. L’objectif de BAC Nord est de faire passer des agents condamnées pour des gentils.

DES POLICIERS HÉROÏSÉS

Le monde de BAC Nord se résume de façon rudimentaire : les héros sont les policiers de terrain, courageux, virils, sincères et contraints d’utiliser des méthodes illégales pour enquêter sur les «méchants». En face, les habitants des quartiers : uniquement des dealers, eux même uniquement effrayants, inhumains, surarmés, dangereux. Ils constituent une masse hostile et sont montrés comme des animaux dangereux, des zombies à neutraliser par tous les moyens. Et puis il y a l’IGPN, la police des polices. Dans la vraie vie, l’IGPN est une machine à protéger les policiers, plus personne ne l’ignore en France. Dans BAC Nord, l’IGPN est composé d’enquêteur tatillons, méticuleux, qui font tout pour empêcher les policiers de terrain de combattre les voyous. Le montage, la musique, la mise en scène : tout est mis au service d’un constat manichéen. Le même genre de procédé de propagande avait été vu dans la série «Engrenage» : une saison était consacrée à la lutte de policiers contre «l’ultra-gauche» en 2012. Les militants y étaient présentés comme des illuminés fanatiques, armés et dangereux, face à des policiers démunis. Dans un des épisode, un policier éborgnait «par erreur» un squatteur avec son Flash-Ball, et toute la narration visait à rendre ce tir compréhensible et légitime. Ici, c’est pire, et c’est sur grand écran que ça se passe.

UN FILM FASCISTE ?

Ce film ne parle évidemment pas des initiatives solidaires dans les quartiers marseillais, de la débrouille, des amitiés. Par exemple, un McDonald’s fermé dans un quartier populaire avait été transformé en centre social et solidaire venant en aide à des milliers de personnes précaires l’année dernière. Des associatifs se mobilisent face aux carences sanitaires ou éducatives hallucinantes de l’État. Des résistances s’organisent. Tout cela, c’est-à-dire la réalité, viendrait contredire l’objectif du film, le message : il faut donner carte blanche à la police dans les quartiers, supprimer l’IGPN, et récompenser cette unité de la BAC injustement accusée. Bien sûr, il ne sera pas question non plus des questions de brutalités policières, ni de l’utilité d’une telle “guerre contre la drogue”, aussi inutile qu’absurde puisqu’elle ne règle aucun problème. Quel sera l’impact d’un tel film ? La presse étrangère s’inquiète : lors de l’avant-première du film, un journaliste irlandais avait été choqué de la vision caricaturale de Marseille et avait ironisé : «j’ai vu ça avec l’œil d’un étranger et je me dis : peut-être que je vais voter Le Pen après ça» et dénoncé la présentation des quartiers comme des «zones hors de la civilisations […] j’étais gêné. Vraiment gêné. Et je n’étais pas le seul».

UNE PROMOTION AHURISSANTE

Pourtant, en France, les médias aux ordres font une promotion unanime du long-métrage d’extrême droite. «Excellent film» pour 20 Minutes, «testostéroné» et «à couper le souffle» pour le Parisien, «westen urbain» pour le Figaro et le JDD, «oasis inespérée» pour le journal «de gauche» Le Nouvel Obs. Résultat : un film en tête du Box Office. À la télévision, l’extrême droite a colonisé tous les plateaux depuis des années. La classe politique a intégré toute la pensée réactionnaire et sécuritaire. Le cinéma français mainstream ne propose plus qu’une vision nihiliste et autoritaire de la société. La presse satirique agonise. Il est interdit de se moquer des forces de l’ordre. Il n’y a plus de contre pouvoir nul part. Un appauvrissement intellectuel et politique est imposé partout. «BAC Nord» le montre encore une fois : l’imaginaire du fascisme est construit méthodiquement par les élites politiques, médiatiques et «culturelles» de ce pays. Il est urgent et vital de proposer d’autres imaginaires, d’autres créations, d’autres discours que cet univers qui prépare le pire, et nous mène droit vers l’obscurité.

Texte publié par Nantes Révoltée

Bac Nord réhabilite les porcs

Promis, je n’ai pas utilisé mon Pass sanitaire, je l’ai eu sur ThePirateBay.org. Sans surprise, ce film est un archétype du cinéma d’extrême droite. Si vous pensez ne jamais le voir, ce que je vous conseille, vous pouvez lire ce spoiler.

Promis, je n’ai pas utilisé mon Pass sanitaire, promis je ne suis pas allé donner du fric aux mégamachines à produire de l’anticulture qui fait fondre les cerveaux. J’ai trouvé BAC Nord sur ThePirateBay.org (toujours accessible via TOR). Alors bon, oui c’est un screener, mais fait avec soin avec une bonne caméra, le son est pas top mais de toute façon c’est plutôt les dialogues qui font saigner les oreilles. Toutes les 15 minutes il y a une pub incrustée pour 1XBet qui permet de souffler un peu. Finalement cette expérience collait assez bien au thème puisque parmi les stéréotypes de Marseille qu’oublie ce gachis de disques durs, il y a aussi la contrebande et les paris sportifs.Alors BAC Nord prétend raconter l’histoire des Bacqueux marseillais qui ont fait la une des journaux parcequ’épinglés pour une vaste entreprise d’escroquerie, de chantages, de rackets, de violences et de trafic. Si ils étaient 18 au début de l’affaire, le film choisit de faire comme si il n’étaient que trois (plus 3 autres mais qui ne participent qu’à moitié),.Pour info, le 22 avril dernier, le tribunal correctionnel de Marseille avait relaxé 7 des 18 flics mis en examen pour des faits de vols de stupéfiants, d’argent ou de cigarettes à des revendeurs des quartiers Nord et condamné les 11 autres à des peines de deux mois à un an de prison avec sursis. Aucun d’entre eux n’avait écopé de prison ferme. Le tribunal avait en outre décidé de ne pas inscrire les condamnations en question au bulletin numéro 2 du casier judiciaire des intéressés. Beaucoup de ouin-ouin pour pas grand chose donc…Si le réalisateur Cedric Jimenez voulait à la base peut-être parler des dérives des flics soumis à la politique du chiffre, il a, et là n’est pas le soucis, rencontré les flics inuculpés pour nourrir ses personnages. A la fin, il se retrouve donc à raconter leur version des faits. Des flics qui aiment leur travail et qui sont confrontés à une institution qui les abandonne. Il en témoigne dans une interview donnée à Vanity Fair :


« Le show médiatique était tel que j’ai ressenti le besoin de savoir ce qu’il s’était passé. À quel point ces flics avaient-ils pu franchir la ligne jaune ? Mais pour cela, il fallait avoir accès aux policiers, au dossier. Ce qui était évidemment impossible »
[…]
« Du coup, ils étaient heureux d’être écoutés et de raconter comment ils en étaient arrivés là. Ils ont fait des conneries, c’est indiscutable, mais l’ampleur médiatique que ça a pris était disproportionnée. » Un constat que rejoint Mohamed Chenine, ancien responsable de la Bac Nord et impliqué dans l’affaire. À la barre, il a estimé que la presse les a « trahis, salis et montrés du doigt avant même que l’on soit jugés »

BAC Nord essaye de prendre la structure d’à peu près n’importe quel film noir qui traite de la police. L’institution policière est décrite sur deux volets. D’un côté le terrain avec ses ambiguités par rapport à la loi, de l’autre les bureaux avec leurs ambiguités vis à vis de la politique. Les deux camps policiers défendent des intérêts différents. Côté terrain, on privilégie l’action musclée quitte à surfer sur les règles, voire à carrément les enfreindre. Côté bureaux, on se satisfait de la politique du chiffre et on guette les promotions en suivant le calendrier politique quitte à ne pas faire son boulot. Un côté est brutal, digne et consciencieux. L’autre est pantouflard, lâche et opportuniste. Voilà pour la psychologie. Ca casse pas des briques et si ça vous interresse je vous conseille la saga Dirty Harry, c’est exactement le même topo. Clint n’est pas non plus bien recommandable mais au moins ça déménage. Et puis comme ça se passe il y a plus de 30 ans et de l’autre côté de l’Atlantique, ça a l’air moins grave.La suite est une refonte de l’histoire dans une version qui explique que les bacqueux, en fait, ils ne rackettaient pas les gens pour faire du business, mais pour récolter un super magot de shit pour payer une indicatrice pour faire tomber un gros filon. Mais comme le filon il a du shit super spécial, ils ne peuvent pas payer l’indicatrice avec alors ils font non pas un racket mais une “collecte” de barrettes et pochons, “colléctés” avec force de persuasion, de clés de bras et de tabassages d’à peu près tout le monde et n’importe qui… Mouais… Evidemment ça ne tient que très mal devant la justice. Devant les spectateurs et spectatrices encore moins.Pendant cette collecte, on découvre donc un peu l’univers marseillais. On apprend donc qu’à Marseille, soit on est noir ou arabe, soit on est flic. Les bacqueux ont le droit d’avoir une famille, un semblant de projets. Ils vivent donc dans des logements assez bas de gamme, font des barbecue et un des trois va devenir père. On découvre donc sa compagne, flic aussi. Elle n’est pas dans la BAC mais est aussi scandalisée par l’inaction de sa hiérarchie face au crime. Alors, quand, au standard téléphonique elle reçoit un appel l’informant qu’un méchant gitan vole des sacs à main, au lieu d’appeller une patrouille comme elle le ferait normalement, elle dégaine son téléphone personnel pour appeller les seuls vrais justiciers, la BAC Nord, qui va vite fait bien fait s’occuper de ce malfrat au terme d’une course poursuite aussi mal filmée qu’irréaliste.Le film met en avant des stéréotypes et des comportements scandaleux sans les questionner. Il montre froidement et assume donc. Que ce soit ce Bacqueux qui se bourre la gueule sans pression en boîte pendant que sa femme accouche, et ça ne posera jamais de problème. Ou que ce soit le fait que seuls les flics ont droit à la parole. Tous les autres personnages ne font que vociférer des insultes et jeter des machines à laver. Tout ce qui n’est pas flic et qui est donc noir ou arabe, est donc bête et dangereux.

La seule personnage non flic est cette indicatrice que voit de temps en temps un des bacqueux, le plus sanguin, le plus marseillais dans le langage du film. Malheureusement c’est une dealeuse et son personnage, bien qu’indispensable, n’a aucun rôle autre que fonctionnel pour l’intrigue. Elle n’a pas de personalité alors pour éviter qu’elle ne parle trop, la mise en scène à décidé qu’elle serait tout le temps défoncée et donc alternativement naïve, ridicule, beauté lointaine. Finalement le flic la balance quand même, on la voit alors quelques secondes en cellule, sans plus s’y attarder. Lors des portraits finaux, rien non plus n’est dit sur elle. Elle n’est qu’une incarnation de la loyauté du flic qui une fois incarcéré refuse de donner son nom, ce qui prolonge l’incarcération des trois bacqueux.Le clivage de la parole contre les hurlements, des humains contre les bêtes, est poussé à son paroxysme lorsque les bacqueux arrêtent un gamin. Emmené sur l’épaule par flic qui le charge dans la voiture, le gamin se ridiculise en insultant les flics qui eux se moquent de lui. Puis un morceau de JUL arrive en fond et soudain le gamin se met à danser comme si il ne pouvait pas se retenir, normal puisqu’il est si bête et soumis à ses pulsions. S’en suit une scène de course poursuite parfaitement gratuite, c’est à dire sans course ni poursuite, dans laquelle ils roulent à contre sens sur l’autoroute et manquent de provoquer 12 accidents. Encore une fois le film ne questionne pas ce comportement finalement bon-enfant, il le valide en le rendant beau et agréable, puisque tout le monde aime les voitures qui vont vite avec JUL en bande son.Ce film ne fait même pas semblant de faire l’effort, comme l’avait au moins tenté le misérable “Les Misérables“, de pointer des lignes de tension dans les communautés qu’il décrit. Tout est parfaitement uniforme. Durant tout le film, le chef de la BAC Nord ne dit qu’une phrase qui questionne les rapports sociaux, environ cinq secondes de bonne consicence où il fustige des quartiers laissés à l’abandon pour mieux justifier d’aller y jouer au cow-boy.Ces quartiers laissés à l’abandon, les flics finiront donc par y entrer en force pour y faire un gros coup de filet. Encore une fois ils sont dépeints sans moyens, ce qui est pafaitement faux puisque à force de chialer leur bubget a augmenté de 3 milliards entre 2017 et 2021 et que Macron a annoncé au Beauvau de la sécurité la volonté de doubler les effectifs de flics présents dans la rue d’ici 10 ans.

Lors de cette opération commando, on nous souligne donc encore à gros traits l’héroïsme et l’abandon dont font preuve les trois flics en se confrontant à toute une cité qui veut les tuer. Au cours de l’opération, un des bacqueux se retrouve coincé dans un appartement avec une famille innocente dont on aurait pu espérer qu’elle soit décrite à minima comme des pauvres victimes prises au piège par les réseaux de trafiquants, mais même pas, une fois qu’il est rentré dans l’appartement et qu’il a copieusement tapé sur un minot et sa mère dont les seules paroles autorisées par la mise en scène sont des hurlements, le gamin se révèle être un dangereux agresseur qui tente de planter le flic par surprise avec un couteau. La scène est nulle, le couteau tout petit, mais au moins elle permet au flic de fracasser encore une fois le gamin à coup de crosse. Les flics finissent par débarquer dans la planque à drogue et argent alors que les méchants cagoulés évacuent le magot. Bagarre, fusillade, les flics partent avec la moitié du butin, arrivent à choper trois gamins et partent la queue entre les jambes pendant que le quartier finit de vider ses placards sur leur convoi. Toutefois, dans le scénario, malgré l’évidence inverse à l’écran, tout cela est fêté comme une grande réussite. Une fois l’adrénaline bien montée, tout ce joli monde va donc fêter ça dans une scène pitoyable de miellerie.Alors oui il y a de la violence dans les quartiers populaires marseillais, il serait bête de le nier, mais le tableau que fait ce film est une caricature qui laisse sans voix. Il n’est jamais mention des habitant.e.s de ces quartiers, il n’est jamais montré l’isolement de ces quartiers du reste de la ville. Seule place est faite à la dévotion de quelques flics pris entre deux feux. Des flics honnêtes, un peu brutaux, amis au fond honnêtes quand on voit ce qu’ils vivent sur le terrain pour le maire salaire qu’ils touchent. Car à plusieurs reprises est faite mention de ce salaire, à croire que les dialogues sont écrits par le porte parole d’Alliance. Ces 1800€ de misère. Faut-il rappeller qu’à Marseille, comme le pointait en 2015 20minutes, “Les revenus des 20 % des habitants les plus aisés sont 5,4 fois supérieurs à ceux des 20 % les plus pauvres. […] Marseille compte cinq arrondissements, les 1er, 2e, 3e, 14e et 15e, parmi les onze plus pauvres de France. D’après une étude de l’Insee, dévoilée ce mardi, le 3e arrondissement est le plus pauvre des communes de France métropolitaine. Plus d’un habitant sur deux y vit sous le seuil de pauvreté, soit 51,3 % des pesronnes vivant avec moins de 989 euros par mois et par unité de consommation.”. Alors les gars, avec vos 1800 on va pas vous plaindre, surtout que ces 1800 ne comptent pas les rackets et toutes les procédures pour outrage et rebellion qui rapportent gros aux fonctionnaires de police. En 2014 Paris-Luttes publiat un texte qui parlait un peu de ça : “Sur les 20 600 dossiers instruits par des flics en 2012 (30% de plus chaque année), seuls 300 n’ont pas abouti, tous les autres se font indemniser, les yeux fermés, par les deniers du Trésor. A chaque fois le flic se met 300-700 euros d’indemnités dans la poche, sans compter les jours d’ITT quand il s’est foulé l’ongle ou a subi un “traumatisme psychologique”.”

Au delà du scandale politique qu’est ce film, il faut aussi préciser que cinematographiquement c’est vraiment à chier. Les plans sont nuls, les acteurs mauvais, les dialogues presque inexistants. Quand au détour d’une conversation dans une voiture. L’ambiance joue sur une fausse proximité avec des blockbusters américains. Le film aligne des séquences filmées comme des clips qui commencent n’importe quand et ne se finissent pas vraiment. La tension ne monte jamais vraiment et qui s’attendait à de l’action à l’américaine comme ça s’annonçait sera certainement déçu. La forme profondément réactionnaire de la narration empêche même le scénario de faire exister une histoire d’amour noyée dans un échange de blagounettes ininteressantes. Elle n’est pas rendue impossible par la contradiction des parcours des personnages, mais par une incapacité à réunir des destins dans une scène. Ce film est un mauvais biopic héroïsant des parcours individualistes, il ne traite en rien des histoires collectives que sont la violence et la misère et de ce qu’elles font aux êtres. Le film ne produit aucune analyse systémique de ce qui mène à la situation de violence extrême qui peut exister dans les quartiers dont il est question. Il ne présente aucun.e flic véritablement pourri ni aucun.e non-flic qui ne soit pas dealeur ou trafiquant.e de quelque sorte. A aucun moment il ne questionne la véracité de la version des flics mis en examen. Il est tellement lisse qu’on dirait qu’il a été écrit par l’IGPN.

La manière dont BAC Nord traite des violences policières porte en soi un discours d’extrême droite. Parceque la parole est exclusivement policière, mais aussi parce que les intérêts et les trajectoires personelles des personnages de flics sont des archétypes de la subjectivité d’extrême droite. Des personnage aux trajectoires individuelles melodramatiques, dépeints comme modestes, ayant complètement intégré la valeur travail comme seule dignité, droits car opposés à la possibilité de l’enrichissement par des voies illégales (la possibilité de le faire est discutée autour du barbecue, puis évacuée sans débat), menacés de mort par les jeunes des quartiers populaires et à la merci d’un pouvoir politique qui ne s’occupe que de se faire réélire. Ces flics ont le rôle d’une classe ouvrière trahie, que la loi ne protège plus et qui n’a que la sécurité comme horizon. Ils défendent les intérêts des classes supérieures sous la forme d’une mission demandée par l’appareil d’Etat contre une classe inférieure, dépeinte comme une faune crimininelle et bestiale.Ce film est donc sorti au début d’une campagne présidentielle dans laquelle on sent bien qu’on ne va parler que de “sécurité” et de moyens policiers, au moment aussi où Marseille est au centre de l’attention. Que ce film soit à l’affiche juste avant la visite de Macron qui annonce sa pluie de milliards “pour” Marseille, en même temps que le beauvau de la sécurité et à l’heure où Marine Le Pen peine à convaincre une base qui tend à se Zemmourifier, est soit d’une naïveté crasse, soit une opération de comunication pro-fasciste.Participer avec autant de bêtise à l’écriture de l’histoire marseillaise uniquement depuis le point de vue des flics est une insulte à tout ce qu’est cette ville mais c’est aussi une insulte à l’histoire politique mondiale après le mouvement Black Lives Matters et tous ce qui a pu couler comme encre sur le racisme systémique.Sortir un tel film deux ans après le confinement et le festival de violence que ça a permis aux flics dans les quartiers populaires, après le passage à tabac par d’autres bacqueux qui courrent toujours de Maria et la mort de Zineb Redouane pendant les Gilets-Jaunes, celle de Medhi assassiné en février 2020 par cette même BAC Nord qui a pour finir été acquitée et plus récemment de Souhil et traiter la violence policière comme une nécéssité de quelques éléments isolés et abandonnés est non seulement complétement fantasque, mais parfaitement infâme.

Ce film est un archétype du cinéma d’extrême droite.

Un spectateur anonyme, publié sur MARSEILLE INFO AUTONOME