Lors de la révolte contre la Loi Travail en 2016, puis lors de l’expulsion de la ZAD de Notre Dame des Landes et enfin durant la révolte des « gilets jaunes », nous avons reçu à plusieurs reprises des témoignages et demandes d’information concernant des gaz lacrymogènes perçus comme plus agressifs, que certain-es n’ont pas hésité à qualifier « d’incapacitants ».

Les témoignages parlent de suffocation, mais également de nausées, vomissement, voire pertes de connaissance.

Qu’en est-il ?

Les récits ont fait mention régulièrement d’une fumée de couleur ocre ou orange, diffusée par des grenades lancées à la main le plus souvent.

Après vérifications et suite à des recherches au sol suite à des manifestations, nous avons ramassé à chaque fois des restes de grenades MP7 (indication sur la cartouche : GR 56 FUM LAC MP7) à main, dans laquelle on trouve 7 palets noirs reconnaissables par la couleur orange du gaz en poudre qu’ils contiennent, mais aussi parce que le dessus des palets présente une tâche de peinture orange.

Notons qu’au moment de la Loi Travail, le Lanceur de balles multicoups Penn Arms (voir nos articles ICI et LA) faisait sa première apparition, mais n’était pas utilisé. Sur les manifestations ce n’est qu’en 2018, notamment lors des manifestations nantaises en marge de l’expulsion de la ZAD de Notre Dame des Landes, que le lanceur Penn Arms a été réellement utilisé. Pour autant, il a déjà été utilisé au début d’été 2016 à Calais, contre les migrants (Source : Observatoire des violences policières de Belgique)

Après les premières utilisation de cette arme, on a commencé à ramasser des cartouches de grenades lacrymogènes de 40 mm, les CM3 (indication sur la cartouche : CM3 CS GR 40 FUM LAC), produites par le fabricant SAE Alsetex, et composées de 3 palets de gaz lacrymogènes de couleur noire. Le gaz qu’elle contient est le même que son équivalent en 56 mm, la CM6 (indication sur la cartouche : GR FL LANCR MA FUM LAC CM6), dans laquelle on trouve 6 palets noirs reconnaissables par les crans sur ses côtés.

 

 

 

 

Lors des premières manifestations de gilets jaunes, nous avons commencé à ramasser d’autres cartouches de grenades lacrymogènes de 40 mm, les MP3 (indication sur la cartouche : GR 40 x 86 mm LAC MP3). Le gaz qu’elles contiennent est le même que leur équivalent de 56 mm, les MP7, dont on vient de parler plus haut.

 

 

Ce qui distingue les MP3 des CM3 et les MP7 des CM6, c’est la couleur de la poudre et de la fumée qu’elles dégagent. Les MP7 et les MP3 de Nobel dégagent la même fumée ocre/orange et leur concentration en gaz CS est notablement plus élevées que les grenades CM3 et CM6 de SAE Alsetex, qui dégagent une fumée blanche.

Par conséquent, nous attestons par nos constats sur le terrain que le gaz des grenades MP3 et MP7 est plus agressif et provoque des effets plus violents sur les manifestant-es exposé-es que leurs concurrentes, les CM3 et CM6.

Si l’on procède à la comparaison qui suit, qui vaut pour les grenades de SAE Alsetex (Nobel ne communique pas sur la composition de ses grenades), on se rend compte de la différence notable de concentration de gaz dans l’espace selon qu’il soit fait usage du lanceur monocoup de 56 mm Cougar ou du nouveau lanceur multicoups de 40 mm Penn Arms  :

  • la CM3 contient 3 capsules de 13 grammes de CS à 13% émettant durant 30 +/- 5 secondes sur une surface de 250 m2 et 2 à 5 mètres de hauteur. Tirées à l’aide d’un lanceur multicoups Penn Arms, ce sont 6 grenades tirées en même temps, soit 18 capsules contenant un total de 234 grammes de masse active répandue sur un périmètre égal ou légèrement supérieur à 250 m2.
  • la CM6 contient 6 capsules de 16 grammes de CS à 15% émettant durant 30 +/- 5 secondes sur une surface de 800 m2 et 3 à 5 mètres de hauteur. Lancée à la main ou à l’aide d’un lanceur monocoup Cougar, c’est une seule grenade tirée, soit 6 capsules contenant un total de 98 grammes de masse active répandue sur un périmètre de 800 m2.

En terme de concentration dans l’air, on n’est pas du tout dans des proportions similaires. Les grenades de 40 mm sont donc plus petites, mais beaucoup plus costaudes !

Quand les policiers tirent au Penn Arms (6 grenades tirées en 4 secondes), l’air est immédiatement saturé de gaz lacrymogène, de façon à ce qu’il deviennent totalement impossible de respirer. Ce n’est pas seulement le système respiratoire qui est affecté, mais également le système digestif, qui réagit alors comme pour une intoxication alimentaire : crampes d’estomac, nausées, vomissements, etc.

Nous essayons de faire réaliser une analyse chimique et toxicologiques des différents palets de grenades lacrymogènes, mais nous n’avons hélas pas à ce jour d’éléments scientifiques permettant d’établir la composition exacte et le taux de concentration en gaz CS des différentes grenades. C’est ce que nous travaillons à obtenir…

 


Lire aussi notre article généraliste sur les gaz lacrymogènes : https://desarmons.net/index.php/2018/04/06/ce-quil-faut-savoir-sur-les-lacrymo/

Article de Mediapart : https://desarmons.net/index.php/2018/03/18/les-gaz-lacrymogenes-dangereux-pour-la-sante-mais-silence-detat/