Le 13 janvier 2018, une marche était organisée à Lille – Fives avec les familles de Selom et Matisse, morts percutés par un TER en fuyant des agents de la Brigade de Sécurisation de Terrain (BST) le 15 décembre 2017.

Pensée comme une marche revendicative par les un-es, comme une « marche blanche » par les autres, elle a mêlé slogans contre les violences policières et ballons blancs.

Au point de départ, sur la place principale du quartier Fives, le père de Selom a ouvert la marche en entonnant la rengaine des « mauvais flics et des bons flics », insistant sur sa volonté de créer une association pour faciliter les contrôles de police et de douane dans les établissements scolaires afin de lutter plus efficacement contre la diffusion de drogues parmi les adolescents, laissant sous entendre que la mort de son fils serait imputable à de mauvaises fréquentations.

Ces propos mal placés n’ont pas manqué de mettre mal à l’aise une partie des manifestants.

Assa Traoré est également intervenue pour exprimer son soutien et sa solidarité avec les proches de Selom et Matisse, évoquant la répression subie par sa famille depuis la mort de son frère Amine, tué par les gendarmes à Beaumont sur Oise le 19 juillet 2016.

Par la suite, une autre prise de parole a été interrompue, sans doute parce qu’elle exprimait une critique systémique de la police, et notamment des brigades spéciales, qui appliquent dans les quartiers populaires des logiques racistes de domination et de contrôle des populations pauvres. Juste après, des slogans probablement jugés trop hostiles aux forces de l’ordre (« pas de justice, pas de paix » ; « la police assassine »…) ont été à leur tour interrompus et il a été demandé aux manifestant-es de plier les banderoles.

La marche s’est néanmoins poursuivie jusqu’au lieu où Selom et Matisse sont mort. Les ballons ont été lâchés dans le ciel, puis le reste des manifestants s’est retrouvé près de la mairie de quartier pour manger ensemble des pizzas préparées par un collectif de personnes solidaires.

L’atmosphère confuse de cette marche rappelle la double nécessité pour chacun-e de prendre en compte les sensibilités politiques et les expériences vécues des autres, mais aussi de ne pas suivre aveuglément les proches de victimes de la police, sous prétexte qu’on respecte leur douleur. Si nous faisons plusieurs heures de route pour nous joindre à la douleur des parents de victimes de la police, ce n’est certainement pas pour s’entendre dire qu’il faudrait plus de policiers ou que la mort de deux jeunes harcelés par les forces de l’ordre serait une simple bavure imputable à leur comportement ou leurs fréquentations.

Aucune mort provoquée par la police n’est justifiable.

Nous espérons que le père de Selom, avec le temps et par la rencontre avec d’autres proches de victimes, saura changer son regard et ne participera pas à l’avenir aux discours ambiants plébiscitant une présence toujours plus accrue des forces de l’ordre dans nos vies, quand bien même nous nous associons pleinement à sa douleur.

Rendre hommage à Selom et Matisse, c’est aussi reconnaître qu’ils avaient une bonne raison de fuir et que l’agressivité des policiers et les violences policières, systémiques, n’y sont pas pour rien. Le lien qui a été fait en amont et pendant la marche avec la mort de Zyed et Bouna en 2005 n’est pas fortuit…

Tout notre soutien et nos vœux de ténacité aux parents et proches de Selom et Matisse, ainsi qu’à Aurélien et Ashraf qui ont survécu à ce drame !

 

 


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