Philippe De Veulle défendra Jérome Rodrigues, après avoir défendu plusieurs blessé-es du mouvement des gilets jaunes. Tout ça est-il vraiment « désintéressé » et « apolitique » ?
DE VEULLE, PAS VRAIMENT UN OPPOSANT…
Philippe De Veulle a été formé dans les écoles du pouvoir, avec un parcours particulièrement orienté vers la Défense : Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) – filière Collège interarmées de défense –, Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ), Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Il était également intervenant à l’école de guerre en 2015- 2016.
Philippe De Veulle est aussi vice président de La Droite Libre, un mouvement libéral-conservateur (comprenez « libertarien ») qui était associé à l’UMP auprès de Christian Vanneste, son président. Alors que Philippe De Veulle se fait le défenseur du mouvement des gilets jaunes, pourtant opposé à toute récupération politique, La Droite Libre choisit de participer au Grand Débat de Macron, cette mascarade politicienne que la grande majorité des gilets jaunes a pourtant choisi de boycotter, proposant une série de mesures populistes et antisociales digne de la droite la plus dure, visant à la destruction de la protection sociale, des allocations chômage, du RSA, etc.
DE VEULLE, AVOCAT DES VICTIMES DU TERRORISME OU AVOCAT EN CROISADE ?
Sous couvert de défense des intérêts des victimes des attentats du Bardo (Tunis) et du Bataclan (Paris), Philippe De Veulle incarne un discours sécuritaire, l’amenant à lancer en septembre 2018 une cabale judiciaire contre le rappeur Médine, dans le but de l’interdire de se produire en concert au Bataclan au mois d’octobre, sous prétexte que les paroles de ses chansons « incitent à la haine, à la discrimination et à la violence ». Il va jusqu’à demander l’ouverture d’une enquête préliminaire.
Toujours sous couvert d’antiterrorisme, il défend des cadres de l’appareil d’Etat tunisiens renégats comme Walid Zarrouk (cadre de l’administration pénitentiaire) ou Issam Dardouri (policier, membre du syndicat régional du service de santé du Ministère de l’Intérieur et ancien Secrétaire Général du syndicat des forces de sûreté de l’aéroport Tunis-Carthage) dans des affaires les opposant au pouvoir en place. Ce positionnement en porte à faux par rapport à l’État tunisien a amené l’État français a lui accorder une protection rapprochée et un port d’arme. Ne vous étonnez pas donc si Philippe De Veulle plaide contre l’usage des armes (le LBD 40 et la GLI F4 sont des armes de guerre) en portant à la ceinture un Glock 26…
En 2016, Philippe De Veulle n’hésitait pas à donner un interview pour le Réseau Voltaire, maintes fois épinglés par confusionnisme.info, conspiracywatch .info ou regards.fr pour ses positions réactionnaires et complotistes. Or notre époque a besoin de clarté, de radicalité, et non de confusion, de rumeurs et de mensonges.
AVOCATS DES GILETS JAUNES D’UN COTE, AMI DES FLICS DE L’AUTRE
Dernièrement, Philippe De Veulle a saisi l’opportunité du mouvement des gilets jaunes pour créer le groupe Facebook « Robes noires et gilets jaunes », devenant subitement l’avocat incontournable d’un mouvement dont les valeurs ne sont certainement pas celles de Christian Vanneste. Il se retrouve à défendre un certain nombre de gilets jaunes blessé-es, ainsi que certaines « figures » d’un mouvement qui refusait pourtant d’avoir des représentants : Eric Drouet, puis son ami Jérôme Rodrigues, qui vient de se faire éborgner par un tir de LBD 40 ou de grenade de désencerclement (pas encore déterminé).
Notons également que l’associé de Philippe De Veulle et cofondateur de « Robes noires et gilets jaunes », David Libeskind, conseille l’association « Mobilisation des policiers en colère », apportant son soutien juridique aux policiers aux côtés d’un avocats du pouvoir bien connu de nous (nous l’avons eu face à nous dans nombre de procès intentés par des blessé-es : Pierre Douillard, Nassuir Oili…), Laurent Franck Liénard, sur lequel nous avions rédigé un article en 2016. Récemment, Liénard a défendu Benalla avant de le laisser tomber. Son créneau : la défense du port d’arme.
Nous pouvons donc légitimement douter de la sincérité de Philippe De Veulle et David Libeskind lorsqu’ils s’improvisent défenseurs du mouvement populaire des gilets jaunes. On les imagine plus proches des cercles d’un Laurent Franck Liénard, avocat plutôt libertarien et pro-armes, voire carrément pro-flics (malgré ce qu’ils pourraient déclarer sous les feux des caméras).
CONCERNANT ERIC DROUET ET SON SOUTIEN AUX BLESSE-ES
Depuis plusieurs semaines, Eric Drouet tient une cagnotte pour les blessé-es, mais n’a pas répondu à ce jour aux collectifs de blessé-es qui s’organisent depuis des années et regroupent plusieurs blessé-es et leurs avocat-es, qui ont pourtant une certaine expertise et seraient ravi-es de la partager pour faire avancer les affaires des nouveaux blessé-es. Nous ne sommes pas informés de la manière dont il pense répartir les 137 000 euros qu’il a déjà récolté, question soulevée par pas mal d’internautes qui nous ont contacté. Nous n’aimerions pas savoir que cet argent est allé remplir les poches d’avocats tels que Philippe De Veulle, qui ont prétendu à leurs clients qu’ils les « défendraient gratuitement »…
Nous aimerions croire aux appels à la révolte lancés par Eric Drouet, mais certaines informations laissent entendre qu’il jouerait plutôt la division, reprenant les discours sécuritaires du pouvoir pour fustiger le « laxisme du pouvoir à l’égard des black blocs » (Drouet, où t’as vu un black bloc dans les manifs de gilets jaunes ?), donnant raison à un fantasme policier voulant nous faire croire que la radicalité en manifestation est le fait de « casseurs anarchistes », au moment même où les fascistes s’organisent pour « ramener l’ordre » dans les manifestations (voir, entre autres, l’agression du cortège NPA par une trentaine de nervis d’extrême droite), acceptant une mainmise des gudards et autres royalistes sur les manifestations parisiennes, ainsi que la présence d’anciens barbouzes du Donbass pour faire leur service d’ordre (à ce propos, on vous conseille cet excellent film, sans commentaire et sans voix off, sur la révolte du Maïdan, que les barbouzes pro russes et pro ukrainiens ont finalement anéantie : Kiev en feu). Cela évidemment avec la bienveillance des policiers, majoritairement sensibles à leurs idées ultra-sécuritaires.
Concernant Eric Drouet, nous attendons qu’il nous rassure et nous donne tort si nous nous sommes trompés, par conséquente nous ne le condamnons pas de prime abord. Il n’est pas le sujet de notre article, bien qu’il semble proche de Philippe De Veulle…
UN PETIT ENTRE-SOI UN PEU ROUGE-BRUN…
Les partisans de De Veulle et son entourage ressemblent moins à des révolutionnaires qu’à des politiciens opportunistes œuvrant à détruire de l’intérieur un mouvement populaire, en l’amenant vers un populisme revanchard et réactionnaire, donnant raison en négatif au discours policier cherchant à discréditer les manifestants les plus sincères et les plus radicaux (oui, quand on se révolte, on casse des trucs et on s’en prend aux institutions, y compris l’institution policière qui défend l’ordre établi), tandis que leur droite néofasciste, antiparlementaire et libertarienne s’aménage doucement une porte de sortie, se faisant passer pour proche du peuple. Ne nous étonnons pas si les rouges-bruns, qui n’ont jamais été contre le système et ses injustices, sortent renforcés de ce mouvement social…
L’une des rares photos que Philippe De Veulle affiche sur son mur Facebook le montre avec un drapeau français à côté de Grégory Pasqueille, un illuminé connu pour ses positions fascistes. On a les admirateurs qu’on mérite.
Une autre photo le montre tout souriant, le 17 janvier dernier, en présence d’un de ses clients « gilet jaune » ayant brandi un gilet avec le slogan d’extrême droite « Force et honneur » sur le plateau télé de Hanouna dés le lendemain, demandant si « ça veut encore dire quelque chose en France ou pas ? ». Dans la même émission, il se présente comme « ancien militaire ayant fait l’ex Yougoslavie », affirmant ensuite qu’il est « pour l’utilisation du LBD 40 » et qu’il « respecte les forces de l’ordre en tant qu’ancien militaire ». Pourquoi est-il venu ? Pour passer un message contre la violence systémique de la police ou pour promouvoir ses idées réactionnaires en excusant à moitié la police pour ses « dérapages » ?
Ainsi qu’une photo, qui au delà de la blague contre les tentatives ridicules de Macron de se faire passer pour un type cool et sa volonté de soutenir le boxeur Dettinger, suinte le racisme et la démagogie, voire la transphobie :
QUEL PROJET DE SOCIETE VOULONS-NOUS EN TANT QUE GILETS JAUNES ?
Les « gilets jaunes » ont a choisir s’ils veulent une révolte populaire et révolutionnaire, portant des valeurs de liberté, de fraternité et de solidarité, opposées au racisme, au sexisme et à l’homophobie, sincèrement engagé pour mettre un terme au système d’oppression capitaliste et financier, souhaitant mettre en place des modes de décision horizontaux, au sein d’assemblées populaires souveraines et d’assemblées de communes, comme le proposent les dizaines de groupes de gilets jaunes réunis ce 26 janvier à Commercy, s’organisant de façon solidaire et mutualiste pour que chacun participe à ce que personne dans la société ne soit laissé pour compte, ou un mouvement purement séditieux, revanchard, souverainiste et chauvin, plébiscitant un état fort, sécuritaire, islamophobe, représenté par des barbouzes virilistes et misogynes, pour une société individualiste et militaire, prônant la soumission par le travail, condition pour l’obtention d’un salaire universel, où chacun aurait son arme individuelle pour se défendre, se méfierai des « étrangers » et obéirait à des guides charismatiques et autoritaires qui décideraient de ce qui est bon pour le peuple ? Qu’est-ce qui nous fait vraiment rêver ?
POUR NOUS, C’EST QUOI UN BON AVOCAT ?
Notre avocat doit être notre allié, notre semblable, pas notre représentant.
Nous rappelons qu’un certain nombre d’avocats, humbles et plus proches des intérêts du peuple, œuvrent avec sincérité et engagement depuis de nombreuses années auprès des manifestant-es poursuivi-es en justice et blessé-es par des armes de police.
Avoir fait un mauvais choix d’avocat lorsqu’on vient d’être blessé-e n’est pas une faute, car on ne peut tout savoir.
Pour autant, nous savons par expérience combien le choix de l’avocat est déterminant pour la suite de la vie de personnes mutilées par des armes de police.
Un avocat qui vous promet monts et merveilles, avant de vous imposer une défense de mauvaise qualité, reposant sur la culpabilisation et l’infantilisation, vous amenant à regretter votre présence en manifestation ou à vous couper totalement de vos soutiens, et notamment de ceux qui seront encore là dans un, trois ou cinq ans lorsque tous les autres vous auront oublié, est un mauvais avocat.
Un avocat qui vous fait passer pour un crétin devant les juges, plaide l’erreur ou l’inconscience, appuie sur vos faiblesses (pauvreté, manque d’éducation, confusion idéologique…) dans le seul but de susciter la pitié des juges, est un mauvais avocat.
Un avocat qui parle de « bavure » au lieu de « violences d’État systémiques », qui refuse de politiser le débat sur les violences policières, qui vous conseille de ne pas publiciser votre affaire, de ne pas entrer en contact avec des collectifs ayant une expérience dans le combat contre les violences d’État et d’autres blessé-es, est un mauvais avocat.
Un avocat qui ne vous donne pas clairement ses tarifs au début de l’affaire et se fait payer à l’acte tout au long de la procédure, et ne vous associe pas à la défense, prétendant tout contrôler, est un mauvais avocat.
Quand on est blessé, c’est un combat pour la vie qui commence. Dans ce combat, il faut s’assurer que nos allié-es seront encore là dans plusieurs années, quand les caméra ne seront plus là pour les mettre en avant. Il faut s’entourer de gens sensibles qui savent qu’être blessé-e entraîne des suites psychologiques qui affectent également les proches de la personne blessée.
Dans ce combat, Désarmons-les et ses alliés ont fait le choix de la sincérité.