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Le 2 février 2017, quatre agents de la Brigade Spécialisée de Terrain (BST) d’Aulnay procèdent à un contrôle à l’encontre de cinq jeunes, dont Théodore Luhaka, 21 ans, sur un parvis de la cité de La Rose des Vents. Placés contre un mur par les policiers, l’un d’eux est giflé par un agent. Ils s’opposent alors au contrôle et tentent de s’en extraire. Tandis que les autres réussissent à s’éloigner, Théo est agrippé par deux puis trois policiers et se débat, aussitôt roué de coups par l’un d’entre eux, tandis qu’un second essaye de procéder à une clé d’étranglement. Il finit par tomber, entraînant dans sa chute l’un des policiers, qui déclenche sa gazeuse, tandis qu’un autre agent assène des coups de matraque sur son dos. Pendant ce temps, le quatrième agent menace les autres jeunes de sa gazeuse pour les maintenir à distance. Théo est remis sur pieds et l’un des agents tente de le menotter. Il résiste et c’est à ce moment précis qu’un deuxième policier lui enfonce la pointe de sa matraque téléscopique dans l’anus, en transperçant son pantalon. Il tombe au sol à nouveau, finalement menotté par deux policiers, tandis que celui qui l’a violé à l’aide de sa matraque s’éloigne et tourne en rond autour de ses collègues, visiblement embarrassé. Théo est finalement embarqué.

Théo déclare par la suite avoir subi des insultes racistes dans le véhicule qui l’emmène au commissariat.

Il est transféré aux urgences peu après son arrivée au commissariat et hospitalisé pour « une plaie longitudinale du canal anal » de 10 centimètres et une « section du muscle sphinctérien », totalisant soixante jours d’incapacité totale de travail (ITT). Dés le lendemain, François Hollande vient lui rendre visite sur son lit d’hôpital et incite Théo a appeler au calme.

Entre temps, des révoltes éclatent dans plusieurs villes. Le 11 février, un rassemblement à Bobigny donne lieu à de longs affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. La police dresse un bilan de plusieurs jours d’émeutes et déclare avoir procédé à l’interpellation de 245 personnes, dont 48 sont jugées et 14 incarcérées.

Théo quitte l’hôpital le 16 février, mais doit garder une poche.

Théo porte plainte pour viol en réunion. L’IGPN est saisi et les quatre policiers sont mis en examen pour violences volontaires et l’un pour viol. Ce dernier, Marc-Antoine, est suspendu temporairement et interdit de se rendre en Seine Saint Denis. Il est soumis à un contrôle judiciaire dans le Nord Pas de Calais. Il évoque, pour parler du coup de matraque, un “geste accidentel”.

La première vidéo qui circule est filmée par des voisins, mais ne montre que la fin de l’interpellation, alors que Théo a déjà reçu les coups et s’apprête à être emmené par les policiers. Dans les semaines qui suivent, les médias s’intéressent à une enquête pour escroquerie aux aides d’État menée par le parquet de Bobigny contre la famille de Théo, s’engouffrant dans le traditionnel processus médiatique de discrédit de la victime.

Pour autant, la mobilisation autour de l’affaire se poursuit et un véritable mouvement de protestation contre les violences policières et en solidarité avec Théo s’organise dans toute la France, avec des rassemblements réguliers, dont certains sont organisés par le frère et la sœur de Théo. Les slogans “Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on ne pardonne pas!” et “Flics, violeurs, assassins” sont régulièrement scandés lors de manifestations contre les violences policières. Des affrontements ont lieu à plusieurs reprises avec les forces de l’ordre.

En octobre, Théo réapparaît en public lors d’un rassemblement de 200 personnes à Bobigny. Il déclare avoir pardonné au policier, expliquant que Dieu pardonne tout le monde. Pour autant, lui et ses proches affirment qu’ils respectent le choix de celles et ceux qui ne pardonnent pas.

Un an après les faits, nouvel emballement médiatique après la diffusion le 29 janvier 2018 par Europe 1 d’autres images de vidéosurveillance : les médias se ruent dans les brancards pour affirmer que les images confirment la version policière et mettent à mal l’accusation de viol, bien que le geste du policier ne fait aucun doute. Théo est à nouveau traîné dans la boue, accusé cette fois-ci d’avoir menti.

La famille répond en livrant un autre décryptage de la vidéo.

L’instruction suit son cours et le juge d’instruction n’abandonne pas pour l’instant le chef d’inculpation de viol. Théo est défendu par Me Éric Dupond-Moretti.

 


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