Que faire en cas de mesure administrative dûment notifiée (i.e. réceptionnée et signée).

  1. Saisir seul ou par le biais d’un avocat le juge des référés du tribunal administratif d’une requête en référé-liberté accompagnée de la décision attaquée dans les plus brefs délais.
  2. Saisir seul ou par le biais d’un avocat le tribunal administratif d’une requête en excès de pouvoir accompagnée de la décision attaquée dans le délai de deux mois.

Voici une note qui présente les différents recours pouvant être faits contre ces interdictions de manifester :

Le référé-liberté

  1. Que permet le référé-liberté ?

Tout d’abord, le référé-liberté est une procédure dite « d’urgence » en ce qu’elle oblige le juge saisi (le juge des référés) à statuer dans les 48h pour protéger des libertés fondamentales (en l’occurence votre liberté de circuler). Le référé-liberté permet d’obtenir la suspension de la décision attaquée.

  1. Comment exercer un référé-liberté ?

Il est recommandé de saisir le Tribunal le plus rapidement possible : par dépôt en mains propres au greffe du Tribunal si la décision est délivrée en journée, sinon par fax au greffe ou par voie d’avocat si vous en connaissez un qui fait des insomnies et qui pourra ainsi le déposer par un logiciel dédié à toute heure du jour et de la nuit. Cette requête en référé-liberté peut se déposer seul ou avec un avocat au greffe du Tribunal administratif de votre lieu de résidence. Il faut saisir le juge des référés du tribunal administratif de votre ville.

Dans l’hypothèse où le juge des référés serait saisi trop tard et que l’audience ne pourrait avoir lieu qu’après la fin de l’interdiction de manifester, le tribunal rejetterait le recours sans audience.

  • Pour déposer un recours il vous faudra :
    La requête en référé-liberté qui motive l’annulation de la mesure administrative (Référé liberté à run formulaire au format PDFemplir)
  • La décision attaquée : la copie de l’arrêté qu’on vous a remis portant votre assignation à résidence ou interdiction de séjour.

Pour aider à déposer cette requête qui est un peu technique nous avons rédigé un formulaire au format PDF modifiable.

Vous et votre avocat pouvez déjà utiliser ce formulaire. Mais attention il comporte encore quelques menus problèmes :

– techniquement c’est possible qu’il y ait des problèmes de lisibilité si vous l’ouvrez avec windows ou mac.
– lorsqu’il est écrit « l’arrêté s’apllique le XX » or certains arrêtés s’appliquent parfois sur plusieurs jours. Il faudrait donc pouvoir remplacer « le » par « du XX au XX ».
– il faut bien faire attention à bien nommer l’auteur de l’interdiction de séjour : le préfet qui prend la décision est celui du département (sauf à Paris puisque ville et département se superposent..)

  1. Les particularités du référé-liberté
  • Il peut être fait sans avocat.
  • C’est un juge unique qui statue (en principe le Président de la juridiction).
  • Le juge des référés peut rendre une « ordonnance de tri » s’il estime que la requête en référé-liberté est « manifestement irrecevable » et ce sans même qu’il y ait d’audience. C’est pourquoi il est impératif que la requête soit motivée un minimum (cf. modèle de requête).
  • La procédure est orale, c’est-à-dire qu’il est possible de développer des arguments plus en détail à l’audience et que l’on n’est pas lié par le contenu de sa requête initiale.

Mais cela veut aussi dire que le préfet n’est pas obligé de rédiger un mémoire en défense écrit avant l’audience (qu’il serait possible de potasser pendant la nuit pour en chercher les failles).

Mais, comme la procédure est contradictoire, tout élément soumis au juge doit également l’être à la personne visée par la mesure administrative. En d’autres termes, si le préfet entend justifier son arrêté en se fondant sur une note blanche des renseignements généraux, il devra vous en remettre une copie ou à votre avocat.

Il sera alors possible de répondre aux arguments avancés par le préfet (ou son représentant) directement devant le juge. (Ex : Je constate sur la note blanche que je suis censé faire partie de tel groupe, mouvance…. avoir participé à telle ou telle manifestation, ou avoir été interpellé tel ou tel jour pour tel ou tel fait… or je n’y étais pas…/je n’ai jamais été interpellé pour des faits de…/je ne suis pas politisé….)

L’audience est également le moment de produire des éléments qui attestent de l’impertinence de la mesure administrative contestée (à prévoir en double pour en laisser un exemplaire au préfet) : certificat de stage/travail qui prouve que l’on doit se rendre dans tel endroit, attestation de domiciliation qui prouve que l’on réside dans le quartier concerné par l’interdiction, mot de la maîtresse qui indique que l’enfant va à l’école dans tel arrondissement…

[Dans certains référés-libertés qui ont été formés devant le tribunal administratif, le préfet a communiqué les notes blanches 15 minutes avant le début de l’audience. Elles comportaient de nombreuses erreurs et la suspension a souvent été obtenue parce que le préfet ne pouvait pas prouver ce qui figurait dans les notes blanches…]

  • La décision est rendue à l’issue de l’audience mais après le délibéré qui peut durer quelques heures.
  1. Quels sont les moyens invocables à l’appui d’un référé liberté ?

Pour obtenir la suspension de la décision attaquée il faut prouver :

  • L’urgence qui préside à sa suspension,
  • L’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Le but est de prouver que le contenu de l’arrêté est faux, que les éléments invoqués sont matériellement inexacts, que l’arrêté fait obstacle à l’exercice de ses libertés fondamentales puisqu’il empêche d’aller et venir, de travailler ou d’aller manifester, oblige certains à quitter leur domicile, que l’on ne cherche pas à entraver l’action des pouvoirs publics…

  1. Quelles sont les suites d’un référé-liberté ?

En cas de suspension de l’arrêté : il est possible de circuler librement.

En cas de refus de suspension : on s’expose aux poursuites pénales mentionnées dans l’arrêté en enfreignant la mesure.

Si, tant le préfet que la personne touchée par la mesure, peuvent faire appel de la décision du juge des référés devant le Conseil d’Etat (ils disposent de 15 jours pour le faire), l’appel n’a guère de sens puisqu’il n’est pas suspensif, c’est-à-dire que la décision du tribunal administratif continue à s’appliquer et que l’arrêté aura la plupart du temps expiré au jour de l’audience devant le Conseil d’Etat.

Que l’on ait décidé de faire un référé liberté contre l’arrêté ou non, et que le juge l’ait suspendue ou non, il est dans tous les cas possible d’attaquer l’arrêté « au fond » pour le faire disparaître complément de l’ordonnancement juridique.

Le « recours en annulation » ou « recours en excès de pouvoir? »

Vous avez déjà fait (ou pas) un référé-liberté et ne voyez pas très bien l’intérêt d’un autre recours… Détrompez-vous! Faire un recours en référé liberté contre votre interdiction de séjour ou votre assignation à résidence, quel que soit le résultat du rendu, n’est pas suffisant parce que le fond de la mesure administrative n’est pas attaqué. Ce qui veut dire que même en cas de suspension on pourra toujours venir vous en remettre une autre sur la base des mêmes arguments. Attaquer l’arrêté « au fond » oblige la préfecture, si elle veut s’acharner, à produire de nouvelles justifications. C’est ce qu’on appelle un « recours en annulation » ou « recours en excès de pouvoir ».

Il doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d’assignation à résidence ou d’interdiction de séjour (c’est-à-dire à compter de la date où elle vous a été remise). Pour cette procédure nous travaillons avec des avocats qui acceptent l’aide juridictionnelle. Votre avocat désigné va centraliser tous les recours en annulation, ce qui va notamment lui permettre de déceler les failles et éventuels vices de procédures, et pouvoir plus efficacement travailler à l’annulation des mesures prises contre vous. Il regroupe aussi les recours afin de déposer une QPC (Question Prioritaire de Constitutionalité).

Pour faire ce recours, il faut :

  • lui envoyer un mail qui stipule que vous voulez faire un recours en annulation.
  • joindre à ce mail une copie de votre assignation à résidence ou interdiction de séjour,
  • joindre à ce mail un « commentaire » sur ce qui vous est reproché personnellement. Il s’agit de donner à l’avocat des arguments pour défaire les éléments avec lesquels le préfet essaie de vous incriminer.

Pour la suite c’est l’avocat qui vous guidera!

Pour des raisons déontologiques, on ne peut pas mettre ici le contact de cet avocat.

La contestation de l’arrêté au cours d’une audience devant le Tribunal Correctionnel

Il s’agit de l’hypothèse où une personne n’aurait pas vu suspendre la mesure le concernant par le juge des référés et qu’elle déciderait de ne pas le respecter.

La loi prévoit que celui qui ne respecte pas la mesure administrative le concernant s’expose à des peines de prison ferme et au paiement d’une amende. Le fait de ne pas respecter l’arrêté est donc une infraction et peut mener à une garde à vue, voire à une comparution immédiate.

Or, dans l’hypothèse où une personne serait interpellée parce qu’elle n’aurait pas respecté la mesure administrative la concernant, elle pourra toujours soutenir que l’arrêté est illégal lors de l’audience devant le tribunal correctionnel, i.e. à l’occasion de son passage en comparution immédiate. A l’occasion de la présentation devant le juge elle pourra soutenir que l’arrêté est illégal et qu’il ne peut de ce fait être poursuivi pour l’avoir enfreint. Ceci n’empêche pas de demander un renvoi, bien au contraire puisque le tribunal correctionnel sera tenu de statuer sur la légalité de l’arrêté… ce qui peut paraître difficile dans le contexte de la comparution immédiate…