Sept ans après les faits, deux policiers qui ont mutilé deux manifestants lors des premiers actes de la mobilisation des gilets jaunes en 2018 sont passés devant les juges. A l’époque, nous avions estimé à 157 le nombre de blessés graves lors des manifestations de 2018. Ces deux policiers jugés en 2025 sont, à notre connaissance, les premiers et les seuls, à ce jour, que la justice a décidé de renvoyer en procès dans le contexte « gilets jaunes ». Les autres ont bénéficié de classements des parquets ou de non-lieu de juges d’instruction — ou l’instruction est toujours en cours.
Le premier, le CRS Jacky David, a été relaxé pour avoir jeté une grenade à l’aveugle dans la foule, mutilant un jeune manifestant à la main. Le second, l’agent de CSI Romain Pasquier, a pris 6 mois de prison avec sursis pour avoir blessé gravement un autre manifestant par un tir de LBD qui l’a touché en plein visage.
Nous publions ci-dessous le témoignage de la mère de Gabriel et, pour le second procès, un compte-rendu d’audience du collectif Les Mutilées pour l’exemple.
1. Jacky David relaxé
Le premier à se présenter devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, le 11 septembre dernier, c’est le major Jacky David, 54 ans, de la compagnie CRS 7 — la même qu’Alexandre Mathieu, le CRS qui a mutilé Laurent Théron en 2016. Le CRS a lancé dans la foule une grenade GLIF4 (assourdissante et lacrymogène), en fin de journée de l’acte II des gilets jaunes, le 24 novembre 2028 (lire notre article sur cette manifestation écrit à l’époque). La scène se passe au rond point des Champs-Élysées, il fait déjà nuit à 17h58, l’atmosphère est saturée de gaz lacrymos et la visibilité est donc quasi nulle. La grenade explose au milieu d’un groupe de personnes venus à Paris pour manifester. L’explosion blesse sept personnes, surtout Gabriel, dont la main droite est gravement mutilée.
Le CRS était poursuivi pour avoir causé des blessures « involontaires », « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ». Le délibéré, rendu le 17 octobre, relaxe totalement Jacky David. Les conditions du tir de la grenade, a motivé le président Thierry Donnard, ont été conformes à la loi : le policier ne peut pas être jugé responsable de la mutilation. La « négligence » de jeter une bombe mortelle dans la foule, sans visibilité, n’a même pas été retenue. La procédure veut que les victimes parties civiles ne peuvent pas faire appel. A noter que ce jour-là, le major a défouraillé pas moins de 14 GMD (désencerclantes) et 8 GLIF4. Preuve de son acharnement méticuleux, ce même CRS est visé par une autre instruction pour avoir blessé gravement Maxime, 29 ans à l’époque, ce même 24 novembre 2018, deux heures après avoir mutilé Gabriel (le juge instructeur a prononcé un non-lieu, la victime a contesté cette décision devant la chambre de l’instruction, procédure encore en cours).
→ Ci-dessous, nous publions un texte écrit par la mère de Gabriel, présente le jour de l’agression et partie civile dans ce procès, après l’audience du 11 septembre.
Quand la justice affronte le mur de l’impunité
Après sept longues années de procédure, sept années de douleurs, d’hospitalisations, d’opérations, de dépression, de fractures familiales et de lutte pour être entendus, assister ce 11 septembre 2025 au procès du CRS, le major J. David, accusé d’avoir blessé Florent, Marvin et mutilé Gabriel lors de l’acte II des Gilets jaunes, a été une expérience à la fois bouleversante et déroutante.
Ce jour-là, nous étions quatre à la barre : Florent, Gabriel, Marvin (mon neveu) et moi. En tant que mère de Florent et Gabriel, parties civiles, ce texte tente de traduire mon ressenti.
Nous étions sept à porter plainte pour les faits du 24 novembre 2018 ; trois d’entre nous ont essuyé un non-lieu. J’ai une pensée particulière pour Ingrid, Damien et Maellys, marqués eux aussi par cette affaire et engagés dans ce combat.
Un prévenu sûr de lui, presque hautain
Dans le box, le major, un CRS poursuivi pour blessures involontaires, se tenait droit, sûr de lui, presque hautain. À plusieurs reprises, il a répété : «C’est lunaire de me retrouver accusé.» Comme si sa responsabilité ne pouvait être mise en cause et le fait d’être jugé constituait déjà une injustice à ses yeux. Vêtu d’une veste de costume grise, d’un jean et de baskets, le major s’est souvent agacé. Sa posture, arrogante et provocatrice, traduisait une incapacité à reconnaître la gravité des faits. Plusieurs fois, son avocat a tenté de le tempérer, mais le prévenu J. David paraissait déterminé à imposer sa propre version du réel.
Un homme enfermé dans sa vérité
Interrogé par la cour, il est allé jusqu’à taper du pied, s’est lancé dans de longs monologues confus, évoquant notamment ses parents communistes et une prétendue trahison à leurs yeux.
Il n’a pas supporté que le président lui demande de répondre aux questions de façon claire et concise. Il semblait ne pas comprendre les questions, ou ne pas vouloir les comprendre. Il les éludait, répondant souvent hors sujet, comme enfermé dans sa propre vérité, refusant toute remise en question. Ses propos laissaient tomber, çà et là, des piques acerbes et déshumanisantes. Son discours, froid et mécanique, n’a été qu’un long enchaînement de citations de textes de loi, récitées sans émotion, sans jamais affronter la réalité humaine des faits, ni exprimer le moindre regret face à la douleur infligée. Pas une once d’humanité.
Les faits, eux, sont implacables
Pourtant, en mode automatique, le major J. David de la CRS 7 (la même compagnie impliquée dans la mutilation de Laurent Thérond en 2016) martèle avoir suivi sa « boucle décisionnelle », observation, évaluation, décision, action et contrôle de l’action.
Durant l’audience, il a répété ce qu’il avait déclaré durant l’instruction, qu’il n’avait aucune visibilité au moment du tir, tout en affirmant avoir lancé la grenade entre lui et les manifestants. Mais les faits, implacables, parlent d’une tout autre voix.
La vérité des images
Me Emma Eliakim, l’une des trois avocates de notre famille, a rappelé la succession d’imprudences commises et souligné la manière dont le major tente de détourner l’attention de ses responsabilités, allant jusqu’à nier les évidences révélées par l’enquête.
La reconstitution vidéo en 3D réalisée par la société Index est venue, elle aussi, contredire formellement sa version. On y voit clairement que l’inculpé n’a respecté ni les procédures établies, ni la rigueur professionnelle qu’il revendique lors du lancement de la grenade GLI‑F4, ce 24 novembre 2018, vers 17 h 58.
Après avoir lancé la grenade, il n’a pas cherché à voir où elle était tombée. Les images de vidéosurveillance le montrent regagnant calmement son escadron, sans signe de danger immédiat, alors même qu’il affirmait être assailli de projectiles et agir en situation de menace. Il n’a pas davantage vérifié s’il avait blessé quelqu’un, ni porté assistance aux victimes. Et, comme si cela ne suffisait pas, ce même soir, vers 19 h 30, il blessera de nouveau un passant avec une GLI‑F4.
L’armure de l’impunité
En fin d’audience, le major J. David a précisé être « la flèche des CRS », celui qui va en première ligne, celui qui maintient l’ordre coûte que coûte avec ses hommes. Il l’a affirmé avec fierté, comme pour rappeler qu’il incarne, selon lui, l’efficacité et la rigueur du maintien de l’ordre. Une déclaration qui entre pourtant en totale contradiction avec ce qui s’est passé le 24 novembre 2018.
Dans cette salle d’audience, cette posture ne reflétait plus rien d’humain. C’était une armure, un mur dressé contre toute compassion, toute empathie, toute responsabilité.
Le poids des mots, le silence des regrets
Il a conclu en s’adressant à nous par ces mots étranges, dénués de sens et d’humanité, «Pardonnez-vous !» Comme si c’était à nous, victimes, de porter encore le poids de sa conscience. Mais on ne se pardonne pas d’avoir souffert ; on demande simplement que la vérité soit enfin reconnue.
Dominique.
Rappel du verdict
Relaxe totale pour Jacky David. Les conditions d’usage de la grenade étaient tout à fait « réglementaire ». La « négligence » de jeter une munition aussi mortelle qu’une grenade à fragmentation dans une foule, sans aucune visibilité, n’a même pas été retenue.
2. Romain Pasquier condamné à six mois avec sursis
Le second policier, Romain Pasquier. un agent de la CSI (unité anti-émeute rattachée à la préfecture de police de Paris), était jugé le 16 septembre devant la même chambre. Lui était poursuivi pour « violence volontaire » pour des faits datant de l’acte 3, le 1er décembre 2018 (notre article à l’époque). Son tir de LBD-40 en pleine tête a éclaté la mâchoire de David D. La victime n’a pas voulu assister à l’audience tant il reste traumatisé par l’agression. Le délibéré a été rendu le 14 octobre. Pour un tir de LBD, qui implique de viser directement une personne, le tribunal a été en apparence plus sévère et condamné l’agent à 6 mois de prison avec sursis. Mais lui a accordé des circonstances atténuantes en n’inscrivant pas cette condamnation au bulletin B2 du casier judiciaire. Alors que la procédure l’exige pour tous les justiciables. Pasquier, qui conteste les faits, a bien entendu fait appel.
→ Ci-dessous un compte-rendu d’audience de membres du collectif Mutilée-es pour l’exemple.
Résumé du procès du policier qui a Blessé David D. en 2018
Ce mardi 16 septembre s’est tenu le procès du policier qui a mutilé David D. lors de l’Acte 3 des Gilets Jaunes, le 1er décembre 2018. Ce jour-là, alors que David et sa compagne tentaient de quitter la manifestation près des Champs-Élysées, un tir de LBD l’a atteint en plein visage. Il a été gravement blessé à la bouche, à la joue et aux dents. Le policier, toujours en poste, comparaissait devant le tribunal correctionnel pour violences volontaires.
Le procès a duré plus de cinq heures. David, lui, avait choisi de ne pas y assister.
La présidente du tribunal a ouvert l’audience en rappelant les faits et en précisant que l’objectif du jour était uniquement de déterminer si le tir de LBD était légal. Pourtant, une grande partie des débats s’est concentrée sur le “contexte insurrectionnel” de cette journée. Les manifestants ont été décrits à plusieurs reprises comme “des opposants”, “une horde”, ou encore “une marée”. Dans la salle, une femme a murmuré, visiblement choquée : “Et pourquoi pas des sauvages pendant qu’on y est ?”
Interrogé sur les faits, c’est-à-dire le tir au visage de David, le policier s’est défendu en parlant d’une manifestation “inédite”, qu’il a décrite comme une “scène de guerre”, avec des manifestants armés de “haches”, de “hachettes” et de “barres de fer”. Des propos que nous avons jugés choquants, non seulement parce qu’ils semblaient exagérés, mais aussi parce qu’aucune preuve n’est venue les appuyer (comme l’a rappelé l’avocate de David).
On a aussi pu constater une méconnaissance du terrain de la part des juges, qui semblaient ne pas comprendre qu’en manifestation, l’ambiance peut changer radicalement en quelques mètres ou quelques minutes. Rien n’est uniforme dans ce genre de situation.
On a appris au cours de l’audience que le policier était le seul, ce jour-là, à posséder un lanceur de LBD dans sa compagnie, et qu’il avait tiré 55 fois dans la journée. Pour se justifier, il a déclaré : “Toute la journée, je me suis efforcé de viser les plus hostiles. Donc le blessé ne peut pas être un dommage collatéral.” Pourtant, rien ne prouve que David représentait un danger. Le policier a même reconnu avoir délibérément visé David, “pour faire peur aux autres”, car selon lui, le LBD a un “impact psychologique très fort” sur les manifestants. David, de son côté, a raconté s’être senti comme “une cible facile”. Autre élément important : aucune sommation n’a été faite avant le tir. Le policier a estimé que ce n’était pas nécessaire.
Ensuite, la présidente l’a interrogé sur sa situation personnelle. Le policier a alors expliqué les convictions qui motivent son métier : selon lui, certaines personnes profitent des avantages de la France tout en attaquant son drapeau, ses institutions, ses monuments. Lui dit vouloir protéger le patrimoine du pays. Il se dit patriote.
C’est à ce moment-là qu’un renversement étonnant a eu lieu. Le policier, encouragé par les questions de la juge, a longuement parlé de son propre traumatisme après le tir, évoquant notamment des cauchemars. Rappelons tout de même que David, lui, a perdu quatre dents, a eu la mâchoire et le palais fracturés, et souffre encore, sept ans plus tard, de ses blessures.
Après une courte pause, l’audience a repris avec la plaidoirie de l’avocate de David, puis les réquisitions de la procureure. Selon elle, l’action du policier s’est déroulée dans le cadre légal : les critères de nécessité et de proportionnalité étaient, d’après elle, respectés. En s’appuyant sur le rapport de l’IGPN, elle a estimé qu’il n’y avait eu ni faute, ni non-respect des règles d’usage du LBD. Pour la procureure, la manifestation s’était transformée en un “attroupement” troublant l’ordre public, ce qui justifiait l’absence de sommation avant le tir. Elle a donc demandé la relaxe du policier, jugeant que sa culpabilité n’était pas prouvée.
En fin d’audience, l’avocate du policier a pris la parole pour sa plaidoirie. Pour celles et ceux venus soutenir David, ce moment a été d’une violence difficile à encaisser. Quelques heures plus tôt, cette même avocate avait qualifié David de “gugus levant les mains en l’air”, une formule que nous avons estimés être ouvertement méprisante. Sa plaidoirie a été jalonnée de remarques que nous n’avons pu percevoir autrement que comme classistes, voire profondément humiliantes. Dans la salle, certaines personnes ont fondu en larmes face à la brutalité de ses propos. Elle a notamment remis en cause la version de David, qui affirmait vouloir simplement quitter la manifestation pour retrouver sa voiture. Selon elle, il n’était pas crédible de penser qu’il ne représentait aucun danger. Pour appuyer son propos, elle a lâché cette phrase glaçante : “Ce n’est pas quelqu’un qui allait faire ses courses au Bon Marché dans le 7e.” Tout était dit.
Elle a également exprimé son étonnement face au fait que “100% des blessés” en manifestation affirment n’avoir rien fait. Pour les nombreuses personnes mutilées par les forces de l’ordre, être ainsi accusées de mentir est non seulement indécent, mais d’une violence inacceptable.En conclusion, l’avocate est revenue sur le tir de LBD qui a atteint David en plein visage, ce qui, rappelons-le, est strictement interdit. Mais pour elle, cela ne remet pas en cause la légalité du geste : “Même un tir parfait est susceptible de toucher la mauvaise personne, ou la bonne personne au mauvais endroit.” Une phrase qui, prononcée du haut de la barre, semble bien facile… quand on n’est pas celui qui l’a reçu en plein visage.
Rappel du verdict
Le tribunal a condamné Romain Pasquier à une peine de 6 mois de prison avec sursis, sans inscription au bulletin B2 du casier judiciaire. Il a fait appel.

Mobilisation avant le « procès 1312 », Montreuil, 11 dec. 2022
Entre impunité et immunité : le choix des armes de la justice
Notre collectif Desarmons-les ! n’a jamais considéré l’appareil judiciaire comme un recours capable de réparer le préjudice de victimes d’agressions policières touchées dans leur chair à coup d’armes de guerre conçues pour blesser et terroriser des populations civiles. Si la tenue de ce genre de procès peut être vécue parfois comme une victoire, avant même le verdict (lire nos articles sur le Procès 1312, où la cour d’assises de Paris a acquitté le CRS Alexandre Mathieu en décembre 2022), les victimes réclament moins d’obtenir justice que d’entrevoir une vérité de ce qu’ils ont subi. Jamais une condamnation de policiers, aucune peine de prison ferme infligé à un agent ne changera ni leur comportement ni celui de l’appareil policier tout entier. Reste que les verdicts prononcés ce mois-ci, à l’encontre des deux policiers mutilateurs David et Pasquier, offrent une terrible illustration de l’incapacité judiciaire à réparer quoi que ce soit.
Avant qu’ils n’apparaissent en position d’accusés dans un tribunal, la justice sait se faire clémente avec les agents du désordre. Les procureurs, placés sous l’autorité du ministère de la justice, ont d’abord le pouvoir d’ouvrir une « enquête préliminaire », qu’ils diligentent en se basant sur les seules déclarations des policiers agresseurs et de leurs collègues, enquête qui se conclue généralement en quelques semaines par un « classement sans suites ». Et si une autre enquête s’ouvre, confiée cette fois à un juge d’instruction, magistrat réputé plus « indépendant » que les procureurs, ce n’est jamais à l’initiative de la magistrature. C’est toujours grâce aux victimes, qui n’ont d’autre choix que de déposer une « plainte avec constitution de parties civiles » auprès du doyen des juges d’instruction du même tribunal. Ces requêtes aboutissent le plus souvent, mais il faut que les victimes mettent la main au portefeuille : l’État exige le dépôt d’une « consignation », une somme d’argent censée dédommager la puissance publique si ce recours n’aboutit pas.
Ces obstacles expliquent la longueur des procédures. Les victimes qui ont vu leurs agresseurs jugés le mois dernier sont passé par ce parcours semé d’embûches. Seule leur détermination a permis de renvoyer leurs agresseurs devant un tribunal. Pendant ce temps, entre la blessure et l’audience, les victimes doivent se démerder seules pour leurs soins médicaux, dont certains ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, doivent affronter les conséquences d’une perte d’emploi, de logement, tout comme la rupture de liens sociaux qui accompagnent la détresse et le traumatisme.
Les deux verdicts rendus la semaine dernière pose la question du choix des armes. Des policiers auteurs d’éborgnements après un tir de flashball ou de LBD-40 ont déjà été formellement condamnés. En revanche, comme l’a rappelé Flagrant-Déni, des blessures graves causées par des grenades — mot euphémisant pour décrire des bombes mortelles lâchées dans la foule — n’a jamais fait l’objet de condamnations devant des tribunaux. Mis à part un gendarme, sanctionné en 2019 pour l’usage d’une GMD (grenade de désencerclement), potentiellement moins puissante que la fameuse GLIF4, à l’origine de centaines de blessures graves lors des révoltes gilets jaunes comme à Notre-Dame-des-Landes entre 2009 et 2018.
Le flic Romain Pasquier a donc été condamné pour un tir de LBD, alors que le CRS Jacky David a été relaxé pour un lâcher de grenade GLIF4. Les conséquences sont pourtant les mêmes. C’est donc l’arme qui est en cause. Avec un LBD, la police est censé viser quelqu’un en particulier. Le tireur devra donc justifier du « danger » que représentait cette personne. Et comme les règles de tir proscrivent de viser au-dessus des épaules, dès qu’un visage est atteint il est difficile pour les juges de ne pas prononcer de condamnation. En revanche, la grenade est une arme « non discriminante » : on ne vise personne, et donc on vise tout le monde, la foule entière. L’emploi d’une grenade bénéficie donc d’une sorte d’immunité. Il suffit que les « conditions » d’emploi de ces bombes déflagrantes soient réunies (et que les ordres de les lâcher aient été donnés « dans les règles ») pour absoudre le lanceur de toute responsabilité pénale. Pour les juges, il est donc plus conforme d’user de violences volontaires contre une menace diffuse et indéterminée que de viser quelqu’un en particulier. La portée symbolique de cette distinction relève de la seule responsabilité des magistrats.