LA GUERRE DE L’EAU A COMMENCE
Après la manifestation de Sainte-Soline ce 25 mars 2023, une mise au point s’impose.
Nous étions présent-es à Sainte-Soline. Il ne s’agissait pas juste d’une « grosse piscine », comme les gendarmes au service des riches la nomment avec euphémisme ou ignorance, mais le symbole criant de l’accaparement des ressources par une minorité d’exploitant-es (et d’exploiteur-euses) souvent climatosceptiques ou simplement indifférent-es à la catastrophe sociale et climatique en cours. Alors que le capitalisme a réussi à épuiser en moins de deux siècles les écosystèmes qui se sont constitués sur plusieurs millénaires et qui nous permettent de respirer et de boire, quelques politicien-nes nanti-es et véreux-euses ont trouvé une minorité de patron-nes de l’agro-industrie pour accompagner leur opération de pillage des dernières ressources disponibles. La FNSEA au service des banquiers et des millionnaires.
Ce qui pouvait être observé ce week-end à Sainte-Soline, c’est l’alliance entre une minorité de riches qui s’accrochent aux ruines de leurs chateaux luxuriant (et de leurs réserves naturelles privatisées), protégés par une armada de milicien-nes (souvent issu-es des classes populaires) prêt à ouvrir le feu sur la foule, donc à tuer, pour une paye de 3000 euros par mois. Alors même que 70% de la population s’abtient ou vote pour éviter le pire, et que la même proportion du peuple s’oppose dans la rue et dans les sondages aux logiques de prédation capitaliste, une armée de traîtres à leur propre classe, les flics et les gendarmes (entre autres serviteur-euses de l’Etat), s’engagent tels des mercenaires de Wagner, pour frapper les corps indisciplinés et en révolte contre l’ordre injuste qui nous mène droit dans le mur. Le capitalisme ne tient plus que par sa police.
Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il n’y a pas d’herbe plus verte ailleurs. Quand iels auront transformé la Terre en désert invivable – d’ici cinquante ans si nous sommes chanceux-ses – iels n’auront pas de seconde planète à coloniser pour y migrer leur espace vital. En tout cas pas sans génocider deux tiers de la population mondiale…
UN MASSACRE PREMEDITE ?
Avant le début du week-end, le sinistre Darmanin communiquait déjà sur un chaos à venir, semblant se réjouir de la violence que le déploiement massif de ses troupes allait fatalement générer.
Ce week-end, ce sont 3000 militaires qui ont été déployés autour d’une méga-bassine, constituant 20 escadrons de gendarmerie mobile avec 9 hélicoptères, 4 blindés VBRG, et 4 engins lanceurs d’eau ainsi qu’un peloton motorisé d’intervention et d’interposition (PM2I) monté sur quad (40 personnels sur 20 quads) et 4 pelotons héliportables, sans compter les officiers du Centre Opérationnel et les fouineurs des Brigades de Recherche et de l’IRCGN pour mener des expérimentations stratégiques et technologiques orwelliennes visant la neutralisation future de toute contestation démocratique.
Dés l’arrivée des manifestant-es sur place, un filet avait été déployé pour saisir tout ce qui pouvait constituer un bon objet pour la propagande des Autorités. Les gendarmes déployés sur un grand nombre de ronds-points et d’intersections des Deux-Sèvres, ont fouillé méthodiquement des centaines de véhicules, s’emparant, sur le fondement de réquisitions floues, d’outils, d’instruments de cuisine et de matériels sportifs qui ont ensuite été pris en photo pour nourrir les communiqués anxiogènes de la préfecture de police. Ainsi, le storytelling bien rôdé du ministère de l’Intérieur réussira à faire croire au quidam que des manifestant-es planifiaient d’attaquer les gardes mobiles avec des hâches et des machettes. Plus c’est gros, plus ça passe.
A l’arrivée des trois cortèges de la manifestation autour de la bassine de Sainte-Soline, on pouvait estimer le nombre de participant-es à 25 ou 30 000.
Au moment de la confrontation elle-même, on peut douter du fait que les Autorités aient eu une stratégie purement défensive. Dés les premiers instants de la rencontre entre les manifestant-es et les gendarmes, sur le versan Sud-Est de la bassine, les quad ont commencé à intimider les manifestant-es et des grenades lacrymogènes et assourdissantes ont été tirées à l’aide de propulseurs de 100 mètres, alors que la foule se trouvait à plus de 150 mètres du dispositif. Ces tirs préventifs, qu’on n’a pas entendus précédés de sommations, ont dés lors anticipé la confrontation.
Tenus à distance par ces premiers tirs de semonce, les manifestant-es se sont ensuite déporté-es vers l’angle de la bassine situé au Sud, où un canon à eau les attendait. Là aussi, très rapidement, la foule a été tenue à distance par des tirs de grenades lacrymogènes et assourdissantes, ajoutés à des lancers de grenades de désencerclement.
C’est donc sur l’angle Sud-Ouest de la Bassine que la confrontation principale a eu lieu. Aucun canon à eau n’était disposé à cet endroit et l’approche des manifestant-es, ainsi que le repli des gendarmes sur les côtés, s’est faite avec une étonnante rapidité, permettant à la foule de s’approcher des véhicules et de les incendier sans qu’aucune charge ne soit tentée par les gendarmes. Seul un ou deux bonds offensifs ont été effectués, sans qu’on sache quel était leur but : ils se sont interrompus au bout de 15 mètres environ. Une fois cette première faille dans le dispositif accomplie, les gendarmes ont alors ouvert massivement le feu en tirant un nombre important de grenades offensives, à 50, 100 et jusqu’à 200 mètres de distance, donc bien au delà de la première ligne de manifestant-es.
Il est notable qu’une partie de ces grenades a explosé avec un retard semblant supérieur à 2,5 secondes (délais règlementaire), explosant alors que la foule ne les avait pas vu tomber ou les croyait ineffectives. De nombreuses blessures graves ont été occasionnées par ces tirs à retard effectués au milieu d’une foule ne constituant pas le noyaux offensif de première ligne. Pour autant, la première ligne a fait l’objet d’un canardage de grenades tout aussi conséquent. Précisons par ailleurs que les moyens utilisés par les manifestant-es ont été constitués essentiellement par les pierres silex du champ, des fusées d’artifices et un nombre extrêmement limité de cocktails molotov qui ont atteint difficilement leur cible au regard de la distance.
Très rapidement, les équipes medics ont été dépassées par l’ampleur de la violence déployée par les forces de l’ordre. Dans le même temps, l’état-major de la gendarmerie, main dans la main avec la Préfecture de police, ont interdit l’accès du SAMU aux abords du champ de bataille pendant plus d’une heure quarante, choisissant ainsi de laisser des personnes potentiellement mourir. Les personnes en urgence vitale ont finalement décollé avec l’hélicoptère du SAMU 3h40 plus tard.
Alors que la première ligne venait d’incendier un quatrième véhicule et parvenait à toucher la grille disposée autour de la bassine, deux blindés se sont positionnés derrière celle-ci pour tirer des grenades lacrymogènes. Après quelques minutes, les quads ont pris d’assaut la foule depuis l’arrière de la manifestation depuis le Sud, tirant plusieurs grenades lacrymogènes et balles de gomme dans la foule inoffensive depuis leurs véhicules en mouvement. Simultanément, les gendarmes mobiles situés le long de la bassine ont effectué leur première véritable charge vers la première ligne des manifestant-es, accompagné d’une pluie de grenades lacrymogènes et assourdissantes, saturant l’air de gaz et blessant plusieurs personnes alors qu’elles tentaient d’échapper aux lacrymogènes.
Cette charge unique et violente a mis un terme à la confrontation, aboutissant sur la retraite progressive des manifestant-es. Et contrairement à ce qu’affirme criminellement la Sous-direction de l’Anticipation opérationnelle (SDAO), le « Black Bloc » n’est pas « seulement sensible aux grenades GM2L »: il n’y a pas de surhumain-es dans la première ligne des manifestant-es. A contrario, on peut se demander pourquoi la gendarmerie a choisi d’attendre qu’un quatrième véhicule soit incendié pour refermer le dispositif semblant avoir été ouvert sans grande résistance de la part des fantassins de la gendarmerie mobile, à qui l’on a clairement donné l’ordre de se replier sur les côtés du dispositif assailli au lieu de tenir le terrain.
Fallait-il laisser quelques moyens partir en fumée pour justifier la violence démesurée déployée contre les manifestant-es ? Est-ce que symboliquement et stratégiquement, le fait de laisser le dispositif mis à mal (à l’endroit précis où il n’y avait pas de canon à eau) permettait de justifier ensuite une forme de légitime défense ? Peut-on réellement croire qu’un dispositif militaire déployant autant de moyens matériels puisse être enfoncé ou défait par des pierres, quelques fusées et une paire de cocktails Molotov ? Fallait-il laisser s’approcher les manifestant-es pour avoir matière à judiciariser, y compris en facilitant l’expérimentation des Produits Marquants Codés permettant d’identifier et de poursuivre a posteriori ?
Nous pensons qu’il n’est pas complotiste de se poser toutes ces questions. Sans délits, pas d’images impressionnantes servant la communication du ministère de l’Intérieur et justifiant sa répression féroce. Sans délits, pas de criminalisation ou de dissolution possible des Soulèvements de la Terre…
Pour autant, nous soutenons qu’il était important et pertinent de participer à cette « bataille pour l’eau » de Sainte-Soline.
UN GOUVERNEMENT DE FORCEURS ET DE MENTEURS
Officiellement, ce sont 5015 grenades lacrymogènes qui ont été tirées, dont 260 grenades lacrymogènes et assourdissantes GM2L, 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR* et 81 tirs de LBD qui ont été comptabilisés par les Autorités.
Nous ne pouvons pas vérifier ces chiffres, mais ils permettent de donner une idée de l’arsenal militaire employé contre des populations civiles. Si l’on s’en tient au chiffre de 260 grenades GM2L, c’est déjà 11 kilogrammes de RDX (explosif 1,6 fois plus puissant que la TNT) projetés sur les têtes de manifestant-es dépourvu-es de casques et d’armures susceptibles de résister à des impacts de cette puissance.
Le résultat, ce sont plus de 200 blessés, dont 40 grièvement (plaies et fractures ouvertes, incrustations d’éclats, mutilations et traumatismes oculaires et craniens…). Parmi elles, trois pronostics vitaux et/ou fonctionnels étaient engagés à l’issue du week-end.
Bien conscientes d’avoir tendu un piège mortel aux manifestant-es, les Autorités ont alors commencé à mentir de manière éhontée, affirmant que seul-es 6000 manifestant-es étaient présentes, minimisant le nombre de blessé-es et niant l’utilisation d’armes de guerre, ainsi que l’utilisation de LBD depuis les quads en mouvement.
Nous ne sommes pas étonné de ces mensonges, qui caractérisent ce gouvernement incarné par des petits despotes mégalomanes, des millionaires et des violeurs. La notion même de consentement leur est étrangère. Elu avec seulement 14 % des voix des habitant-es de ce pays, Macron a très vite été clair sur son projet de société : passer en force toutes les lois néolibérales les plus féroces, diffuser une atmosphère de division raciste et islamophobe parmi la population, imposer une économie de guerre et laisser ses amis libertariens s’imposer par la violence et s’emparer des dernières ressources disponibles. Et les pantins utiles d’extrême-droite, de Zemmour à la FNSEA, sont là pour finir de diviser la population sur les questions sociales et environnementales, afin que le hold-up s’accomplisse sans qu’on ne pointe jamais du doigt les vrais responsables.
Quoi donc de plus surprenant que les forceurs qui dirigent l’Etat emploient la férocité policière et les artifices totalitaires de la constitution tels que le 49-3 pour imposer leur crapulerie aux 70% de la population qui ne voyagent pas en jet privé et ne vivent pas exclusivement de l’exploitation du reste de la population.
Les terroristes, ce sont eux.
Notre solidarité sans faille va envers chacun-e des 30 000 manifestant-es de Sainte-Soline, quels que soient leurs « profils », leurs antécédents judiciaires ou leur accoutrement lors de ces mobilisations nécessaires et vitales pour notre avenir. Nous sommes pour la fin du vieux monde.
Prenez soin de vous. Ne négligeons pas nos blessures invisibles !
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* Nous avons constaté sur place l’utilisation de grenades assourdissantes ASSD, qui sont censées remplacer à terme la GM2L. Il est fort probablement que l’acronyme ASSR désigne ici ces ASSD.
Sur l’utilisation massive de grenades GM2L :
A Sainte-Soline, nous avons observé :
– Des GM2L tirées en série au milieux des nuages de lacrymo ;
– Des GM2L tirées à 100 et 200 m derrière la première ligne de manifestant-es ;
– Des GM2L avec un retard de plus de 2,5 s ;
– Des GM2L qui n’explosaient pas, laissant du RDX partout ;
COMPOSITION DES GM2L :
– GM2L = 43 g d’hexocire (RDX) + 15 g gaz CS
– GLIF4 = 26 g de tolite (TNT) + 4 g d’hexocire + 10 g gaz CS
TNT | RDX | |
Vitesse de détonation | 6950 m/s | 8754 m/s |
Chaleur d’explosion | 1000 kcal | 1300 kcal |
Densité d’énergie | 4520 J/g | 5360 J/g |
Le RDX est 1,6 fois la puissance de la TNT. Par conséquent les GM2L sont deux fois plus dangereuses que les GLI F4.
Et les autorités le savent pertinemment.
NECESSITE / PROPORTIONNALITE ?
– Des grenades contre des pierres et quelques fusées d’artifice, IL N’Y A NI NÉCESSITÉ NI PROPORTIONNALITÉ.
– Des armes de catégorie A2 lancées à 150 m au lance-grenade face à un cocktail Molotov jeté à 25m la main, IL N’Y A NI NÉCESSITÉ NI PROPORTIONNALITÉ.
GRADUATION DANS L’USAGE DE LA FORCE ?
Lorsque les forces de l’ordre lancent et tirent SIMULTANÉMENT grenades lacrymogènes, balles de gomme, grenades de désencerclement et grenades explosives sur une foule à plus de 50m et en dépit de toute menace réelle et imminente, il n’y AUCUNE GRADUATION dans l’usage de la force.
Ce que traduisent ces informations, c’est la volonté des autorités de tuer des civils. Il y a tentative de meurtre pour chaque grenade lancée dans une foule de civils. Gérald Darmanin et ses préfets portent la responsabilité de chaque acte de violence porté contre nous tou-tes.
Sur l’expérimentation des Produits Marquants Codés (PMC) :
Nous avons la preuve que l’EMF 100 était bien présent sur le dispositif de la gendarmerie de ce week-end à Sainte-Soline. Il permet de tirer des billes de Produit Marquant Codé (PMC = ADN de synthèse). Petite nouveauté par rapport à sa dernière apparition : l’EMF 100 n’est plus de couleur jaune…
Sur le dessus de l’arme, on identifie le réservoir de billes ainsi qu’un viseur hollographique Eotech attaché de travers sur le canon de l’arme.
On notera également que le tireur porte une caméra sur son casque, ce qui laisse penser que l’identification avec les PMC ne peut fonctionner sans l’adjonction d’images pour caractériser les faits qui sont reprochés aux personnes ciblées.
Deux personnes au moins ont été placées en garde-à-vue sur le fondement de la détection (à l’aide de lampes UV) de PMC sur leurs vêtements et leur peau.
Nous continuons notre enquête. Toute information de première main nous intéresse. Ecrivez nous sur desarmons-les@riseup.net
Un grand merci à nos ami-es et allié-es de FLAGRANT DENI pour ces photographies. Lire leur article sur la bataille de Sainte-Soline.