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Avant de s’aventurer en manifestation, il est absolument indispensable d’anticiper les moyens de se protéger des violences policières. Que l’on soit favorable ou non à l’action directe en manifestation ou à la confrontation avec les forces de l’ordre, la protection et l’autodéfense sont une question indépendante de toute stratégie offensive, qu’on se doit d’aborder de manière pragmatique et rationnelle : en tant que personnes civiles, nous avons un plein droit au respect et à la conservation de notre intégrité physique.

Il n’y a jamais proportionnalité à partir de l’instant où des populations civiles (non équipées d’armes de guerre) font face à des forces armées (équipées de fusils et grenades).

Télécharger (et lire) notre brochure d’information sur les armements des forces de l’ordre : ARMEMENTS

L’Etat détient le monopole de la violence dite “légitime”, c’est donc lui qui fixe les règles et modalités de l’emploi de cette violence. Peu importe de savoir qui est à l’initiative de la violence à un temps donné, à partir de l’instant où l’on sait qu’une violence va potentiellement être exercée par les forces armées de l’Etat à l’occasion de tout moment de contestation politique. Etre seulement présent-e sur place ne constitue pas un délit, quel que soient les discours et les lois employées par les Autorités pour criminaliser et “démoraliser” les participant-es à une manifestation.

Lire la récente décision de la Cour de Cassation établissant que la participation à une manifestation non déclarée (non déclarée ne signifie pas interdite) n’est pas une infraction.

Se protéger est non seulement un droit, mais c’est aussi une nécessité vitale.

C’est pourquoi nous avons choisi de prodiguer un certain nombre de conseils en terme d’équipement dans cinq domaines : protections oculaires, de la tête, respiratoires, auditives, et enfin corporelles.

PROTECTIONS OCULAIRES

En terme de normes pour les protections oculaires, il faut privilégier les verres en polycarbonate obéissant aux normes de résistance mécanique DIN EN 166 et DIN EN 170 suivantes :

Nota bene : il est assez rare de trouver dans le commerce des masques de protection avec l’indicatif de résistance mécanique AT, qui constitue la protection la plus efficace contre des impacts à haute énergie.

Que dit la loi ? – Le port de lunettes ou de masque de protection ne peut être interdit, sauf arrêté d’interdiction spécifique. L’interprétation aléatoire et souple du droit permet pourtant aux forces de l’ordre de poursuivre sur le fondement de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 relative à l’interdiction de se dissimuler le visage.

Lunettes industrie / bricolageDéconseillé

IMPACT : Les lunettes prévues pour le bricolage sont une protection essentiellement occulaire. Elles sont équipées de verres protégeant des petites projections de liquides et de produits corrosifs ou incandescents. L’indication “anti rayures” ne constitue pas une protection suffisante contre les impacts à haute vélocité et les lunettes ne tiennent pas assez sur le visage.

Norme : FT Impact à faible énergie, résiste à une bille de 6 mm et de 0,86 g à 45 m/s

GAZ : Les lunettes de ce type NE PROTEGENT PAS des gaz lacrymogènes !

Lunettes de marques Bollé : KOMET / BAXTER / RUSH+ / NESS+ / MERCURO / COBRA / ULTIM8 / TRACKER / HUSTLER / SOLIS / B808 / IRI-S / CONTOUR II / SILEX+ / SILIUM+ / TRYON / ASSAULT / RAIDER / SENTINEL / SWAT / COMBAT / RANGER…
Lunettes de marques UVEX et 3M : PHEOS / SUXXEED / I-5 / X-FIT / ASTROSPEC / SOLUS / SecureFit série 400X / VIRTUA…

Masques industrie / bricolage, air soft – Très conseillé

IMPACT : Les masques balistiques prévus pour l’industrie et l’air soft sont les mieux adaptés pour protéger à la fois les yeux et le contour des yeux face à des impacts de moyenne énergie. Il faut cependant toujours avoir à l’esprit que l’énergie cinétique d’une balle de gomme (~200 Joules) ou d’éclats de grenade est toujours bien supérieure à celle à laquelle un masque de ce type peut résister.

Norme : BT Impact à moyenne énergie, résiste à une bille d’acier de 6 mm et de 0,86 g à 120 m/s

GAZ : Pour limiter l’effet des gaz lacrymogènes, il faut privilégier les masques équipés d’une jointure en caoutchouc, par rapport aux jointures en mousse !

Masques de marques Bollé : PILOT NEO / SUPERBLAST / 180 / BLAST / ATOM / COVERALL / COBRA TPR / X1000 / X810 / X800 / CHRONOSOFT…
Masques de marques 3M et UVEX : SERIE 2890 / SERIE 500 / SERIE 6000 / Scotchguard Anti-fog / I-GUARD…

Lunettes et masques de natation / piscine – Peu conseillé

IMPACT : Les lunettes et masques de piscine NE PROTEGENT PAS des impacts.

GAZ : Les lunettes de piscine protègent modérément des gaz lacrymogènes, du fait de l’exposition des autres muqueuses que les yeux : bouche, nez… La buée qui se constitue rapidement à l’intérieur des verres rend difficile leur utilisation au delà de quelques minutes : privilégier les verres traités avec un produit anti-buées !

Masques de ski & snowboard – Déconseillé

IMPACT : Les masques de ski PROTEGENT TRES PEU des impacts, dans la mesure où ils sont conçus pour des chutes à faible vitesse. Certains masques sont équipés de verres qui ne résistent pas aux chocs et se désolidarisent de leurs montures.

GAZ : Les lunettes de ski NE PROTEGENT PAS des gaz lacrymogènes, dans la mesure où leurs jointures sont le plus souvent en mousse et non en caoutchouc.

PROTECTIONS DE LA TÊTE

Pour se protéger le crâne et éviter ainsi les traumatismes crâniens pouvant impacter durablement nos facultés cognitives et psychiques, le port d’un casque est conseillé pour la plupart des activités sportives et de la vie quotidienne impliquant la possibilité de chutes et de chocs au niveau de la tête : travaux, bricolage, vélo, roller, scooter, roller, ski, surf, moto, équitation, escalade…

L’éventualité de recevoir un choc à l’occasion d’une manifestation publique dans laquelle les participant-es pourraient être amené-es à courir, tomber ou à recevoir des projectiles, est forte.

Que dit la loi ? – Le port du casque ne peut être interdit, sauf arrêté d’interdiction spécifique. L’interprétation aléatoire et souple du droit permet pourtant aux forces de l’ordre de poursuivre sur le fondement de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 relative à l’interdiction de se dissimuler le visage.

Le choix du casque doit se faire au regard des normes DIN EN 12492 – DIN EN 397 – DIN EN 1078

La plupart des casques ci-dessus atténuent les chocs et protègent le crâne contre des impacts à moyenne énergie (< 100 Joules).

Face à des impacts directs et à moyenne distance (~20 à 30 m) de projectiles de type balles de gomme, les casques et casquettes de chantier, ainsi que les casques de vélo et d’escalade (montagne) ne résisteront pas et peuvent éclater sous le choc.

Seuls les casques de roller et de scooter/moto protègent d’impacts à haute énergie (> 100 Joules)

Privilégiez les casques couvrant les oreilles !

PROTECTIONS RESPIRATOIRES

Les produits lacrymogènes sont majoritairement de type OC (Oléosine de Capsicum : gazeuses à main) et CS (2-Chlorobenzylidène malonitrile : grenades). Le premier est sous forme liquide, le second sous forme solide, puis gazeux à la suite de sa combustion.

Pour se protéger des gaz lacrymogènes, la meilleure protection reste le masque à gaz avec des cartouches filtrantes indiquant les couleurs MARON, GRIS et JAUNE combinées (+ VERT) et les normes correspondantes A2B2E2P3, A2B2E2K2, ABEK2.

Les masques de protection classiques (sans cartouches) de type FFP1, FFP2, FFP3 ne sont utiles que dans la mesure où ils limitent le passage d’air (maximum 20%) et filtrent les poussières, les particules et les aérosols, donc partiellement les spray des “gazeuses” à main : l’Oléosine de Capsicum OC n’est pas un gaz.

Pour autant, ils ne filtrent en aucun cas les gaz !

Que dit la loi ? – Le port d’un masque respiratoire intégral considéré comme un matériel militaire classé A2 (“matériels de protection contre les gaz de combat”), est interdit sur le fondement de l’article L.311-2 du Code de la Sécurité Intérieure. Aucun règlement national ou international ne classe officiellement le gaz CS parmi les “gaz de combat”, ni parmi les produits chimiques visés par la convention sur l’interdiction des armes chimiques, contrairement aux idées reçues.

Plus d’informations sur les gaz lacrymogènes et leurs dangers : https://www.gazlacrymo.fr/

Pour autant, en dehors de ce cadre le port du masque respiratoire ne couvrant pas l’intégralité du visage ne peut être interdit, sauf arrêté d’interdiction spécifique. L’interprétation aléatoire et souple du droit permet pourtant aux forces de l’ordre de poursuivre sur le fondement de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 relative à l’interdiction de se dissimuler le visage.

Masques des marques 3M, KAPRIOL, COVERGUARD, DELTAPLUS : AirGearPro G-500 / M-500 / CLIMAX / NASUM / 6002 / 6200 / ELIPSE / ANAREA TWIN COVERGUARD / PORTWEST / 6800
Cartouches filtrantes A2B2E2P3, A2B2E2K2, ABEK2.

Le choix du masque de protection respiratoire doit se faire au regard des normes de couleurs suivantes :

PROTECTIONS AUDITIVES

Les grenades employées par les forces de l’ordre produisent des détonations dépassant 140 à 160 décibels. Les fabricants et l’Etat assument le fait d’employer le son comme un arme à effet psychologique et de dissuasion, faites pour terroriser.

Au delà de l’effroi provoqué, ces armes peuvent produire également des effets à moyen et à long terme, tels que des accouphènes, la rupture des tympans ou des syndromes vestibulaires et autre affections de l’oreille interne.

Lire “Le son comme arme” de Juliette Volclair.

Par conséquent, il est vivement conseillé de porter des bouchons d’oreilles (“boules quies”), de préférence adaptées à des nuisances sonores de plus de 94-105 dB, quand bien même leur capacité d’atténuation (26 à 39 dB) est dérisoire pour des détonations dépassant 120 décibels.

Pour autant, il est important de continuer à entendre ce qu’il se passe autour de nous pour ne pas perdre en vigilance ou en perception du danger !

Que dit la loi ? – Absolument rien n’interdit la détention, le port et l’utilisation de protections auditives, y compris de casques auditifs (coquilles antibruit).

PROTECTIONS CORPORELLES : gants, boucliers, genouillères, coudières, coquilles, parapluies…

Les impacts des armes à énergie cinétique (balles de gomme, grenades de désencerclement), des grenades lacrymogènes tirées en tir tendu, ainsi que les éclats de grenades à effet de souffle (blast) peuvent occasionner de multiples blessures : hématomes, fractures, oedèmes, plaies ouvertes et pénétrantes, incrustations de débris et mutilations…

Télécharger (et lire) notre brochure sur le soin autonome (street medics) ici : BROCHURE MEDIC

Face à ces risques, la question de l’équipement de protection et de défense se pose.

Il ne nous est pas possible ici de conseiller l’usage de certains moyens de protection de façon exhaustive, dans la mesure où des conseils publiés de cette manière tombent régulièrement sous le coup de la loi. Il n’est pas légal de s’équiper de manière à résister activement aux forces armées de l’Etat. Par ailleurs, un certain nombres d’équipements de protection peuvent facilement être considérés comme des armes par destination, quand bien même ils ne servent qu’à se protéger.

Nous faisons le choix néanmoins d’évoquer ici quelques points qui nous paraissent importants :

– Un bouclier est une arme ;

– Les gants coqués / renforcés (trotinette, roller, skate board, vélo, moto) peuvent être considérés comme des armes ou des éléments d’armure ;

– Les genouillères et coudières (roller, skate board…) peuvent être considérées comme des éléments d’armure ;

– Les parapluies ne protègent pas des impacts de balles de gomme (LBD) ou de grenades de désencerclement (GMD) : les baleines et aiguillettes des parapluies peuvent blesser ;

– Evitez de rembourer vos vêtements avec des matières inflammables ;

– Ne ramassez pas des ogives ou palets de grenades encore brûlants à mains nues ou à l’aide de gants susceptibles de fondre ou de brûler ;

– La protection des parties génitales est essentielle, mais souvent négligée, donc le port d’une coquille de boxe se justifie pleinement ;

Quelques conseils élémentaires pour se protéger :

1 – VIGILANCE = toujours regarder loin et haut + effectuer des « contrôles directs » sur les côtés pour ne pas se laisser surprendre par des dangers latéraux ;

2 – GESTION DU STRESS = ne pas courrir si ce n’est pas nécessaire, inspirer par la bouche, expirer par le nez ;

3 – ELOIGNEMENT = lorsqu’une grenade tombe à proximité, appliquer la règle des deux 3 : s’éloigner d’au moins 3 mètres, attendre au moins 3 secondes avant de s’approcher ;

4 – OUVERTURE DE LA BOUCHE = pour limiter l’effet de blast sur les organes internes, décompresser ;

5 – PROTECTION = se rapprocher au maximum du sol, s’abriter derrière un obstacle (y compris son propre sac à dos), tourner le dos et placer ses bras autour de la tête comme ci-dessous ;

Ne renoncez pas à agir, mais agissez conscient-es, et surtout prenez soin de vous !

Pour aller plus loin, téléchargez nos autres brochures d’information
sur cette page pour accéder aux versions à jour :
https://desarmons.net/ressources/brochures-desarmons

  • Les armements du maintien de l’ordre (2021)
  • Les blessures occasionnées par les armes de police (2021)
  • Conseils pratiques aux blessé-es et leurs proches (2023)
  • Flyer de soutien aux personnes blessé-es par les armes de la police (2017)
  • Flyer simplifié sur les armes des forces de l’ordre (2023)
  • Guide pour s’extraire des fichiers policiers (2023)