Première critique, par le collectif Désarmons-les!

Les Misérables : Je ne veux pas savoir qui l’a réalisé. Il paraît qu’il a grandi dans un quartier…

Le film s’ouvre une scène de liesse footbalistique bien black bleue blanc rouge beur comme il faut. C’est désormais l’un des lieux communs des films qui parlent des banlieues : il faut montrer que les jeunes de là-bas sont bien français. En somme, rassurer les nationalistes de gauche et autres républicains de droite : les jeunes issus de l’immigration aiment bien leur pays. Ouf ! On ne sait pas à quoi sert cette scène, d’ailleurs la seule du film qui ne se passe pas dans le quartier.

Puis on apprend à connaître les trois principaux protagonistes du film : le bon flic de la bac de Cherbourg, qui découvre en île de France la rudesse des rapports police-population (comme si la BAC de province, c’étaient des bisounours), le plus-ou-moins-bon-flic de Clichy-sous-Bois (là où tout a brûlé fin 2005, donc il connaît bien : c’est chez lui), qui n’est pas tout à fait droit dans ses bottes, puis le flic-facho-mais-pas-trop, qu’on trouve finalement sympathique, puisqu’on arrive même à rire de ses blagues racistes et à apprécier ses relations de camaraderie avec les darons de la cité : il y est comme un poisson dans l’eau et finalement les habitant-es ne le détestent pas tant que ça.

Ces trois là, on va leur coller aux basques pendant tout le film, comme dans un reportage de 90 enquêtes sur TMC. On va se rendre compte combien leur boulot est difficile, combien ils s’investissent pour résoudre les petits problèmes de la cité, combien ils sont débordés par des habitant-es hostiles, espiègles, violents. Surtout les enfants : des vrais oufs !

Et puis débarquent les gitans. Les gitans, ce sont forcément des circassiens qui font des calins avec des gros lions. Et leur entrée en scène est clownesque : ils vocifèrent dans un haut-parleur qu’ils vont niquer tout le monde pour un vol de lionceau. Les gitans, c’est des oufs aussi. Quand on les voit, on se marre. On les maintient bien dans le cliché où on aime les voir.

Pourtant, le voleur de poules, c’est un petit noir, Issa. Il habite la cité et son père n’a pas d’autorité parentale, il le sermone en plein dans le hall du commissariat (le daron qui n’a pas de dignité). Et les mecs de la BAC s’arrêtent dans leur pose café pour accorder de l’importance à la scène de ménage : tellement débordés… Issa est indomptable : le vol de lionceau, c’est lui aussi. Sale gamin !

Les flics vont le traquer grâce à instagram et parviennent à le chopper sur le terrain de basket. Là, le plus-ou-moins-bon-flic se gaze les yeux avec sa gazeuse des familles, puis c’est une horde sauvage qui les prend en chasse tous les trois. Ça fait vingt ans que les flics chassent des jeunes dans les quartiers, mais là non, ce sont les gamins qui poursuivent les flics. Des oufs on vous dit ! Et là, scène tragique ! Dans la pagaille, les trois flics battent en retraite. Le facho fait tournoyer sa matraque dans le vide pour chasser les mouches, alors que dans la vraie vie il aurait déjà balancé sa grenade de désencerclement en cloche sur la gueule des gamins. Le plus-ou-moins-bon-flic virevolte, hésite, et boum ! Il tire avec le bon vieux Flashball Super Pro (qui a pourtant été remplacé depuis dix ans par des LBD : qu’est-ce que la BAC est mal équipée !) dans la gueule d’Issa. A trois ou quatre mètres. Issa tombe, s’évanouit. Stupeur ! Mais tout va bien, il a tout juste un méchant hématome (son plancher orbitaire à lui, résiste mieux que celui de dizaines d’autres personnes mutilées par des balles de gomme). Merci au réalisateur d’avoir sabordé en quelques secondes dix années de lutte de certains collectifs pour démontrer qu’à cette distance, un Flashball ça fait exploser les os du visage et, accessoirement, arrache des yeux. Evidemment, pour le film, on ne veut pas qu’Issa soit mutilé, ce serait trop…

Après s’ensuit une longue quête pour faire disparaître les images du drône qui a filmé la scène. Oui, parce que chacun sait que le sentiment d’impunité chez les flics, c’est un mythe. Dans Les Misérables, les flics sont terrorisés par l’IGPN et un hématome à l’oeil d’un petit voleur suffit à les mettre en panique : et si le monde l’apprenait ?

Heureusement, il y a tous les gros cliché de la cité pour aider la police à pacifier le quartier, en niant la blessure du petit Issa. Y’a l’ancien repris de justice devenu prosélyte barbu et vendeur de kebabs, le grand-frère compromis avec la municipalité (son frère est handicapé et bosse pour la mairie) et la petite frappe qui tient un bar à chicha mais qu’on imagine évidemment tenir le trafic de drogues (suspect : son pote a des cheveux longs). Par ailleurs, il est grave pote avec le flic facho. Et finalement, quand on y regarde de près, les deux autres aussi. Mais c’est le barbu qui a la confiance des jeunes : normal, la première scène du film montre ses frères musulmans draguer les jeunes avec des goûters partagés. Alors le petit frère du réalisateur lui confie la carte SD avec les images tant désirées par le bon, la brute et le truand. Tous les darons se retrouvent très vite au kebab, où la situation se tend. Le flic facho perd ses moyens. Il n’en faudra pas beaucoup pour que le bon flic, dans la confidence de l’arrière-boutique, obtienne du barbu qu’il lui remette la carte mémoire. En même temps, le bon flic a utilisé un argument choc : « Les émeutes de 2005, ça n’a servi à rien. Personne ne veut ça ». Punchline républicaine ++ ! Un petit dialogue de 4 minutes et voilà l’affaire résolue.

Après avoir été traîné dans la cage du lion par un gitan un peu sanguin (oui, qu’on se le dise, les gitans sont des fous furieux), où il se pisse dessus, Issa est libéré non sans avoir été un peu bousculé aussi par le flic facho en mode « t’as intérêt à dire que t’as glissé ». On suggère à tous les flics qui ont éborgné des gens avec des balles de gommes d’avancer cette excuse, puisque apparament on peut aisément confondre un tir de flashball et un « coup de poing » (c’est marrant, ça rappelle l’argument de vente des fabricants). Alors, déprimé, le petit voleur de lionceaux malmené va comater au milieu des poubelles. Oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais dans les quartiers populaires on se vautre dans les ordures.

Finalement, après une scène où on voit que le flic facho n’a pas trop d’autorité sur ses gosses, que le gentil flic se soucie de son fils et que le plus-ou-moins-bon-flic va pleurer dans les jupes de sa mère, profondément affecté par sa bavure du jour, le film se finit sur une scène improbable : la horde de gosses de la cité, totalement radicalisés et ultra organisés en mode association de malfaiteurs, attaque les flics et les darons de la cité à coups de mortier (ils niquent deux voitures, dont celle de la BAC), avant d’aller défoncer les trois flics dans un hall d’immeuble. Là, acculés et sans renforts, ces derniers balancent enfin leur grenade de désencerclement, dans les règles (bah oui, là ils sont encerclés), mais ça ne suffit pas. L’équivalent d’une déchetterie et d’un magasin d’artifices leur est jeté à la tronche et le flic facho se retrouve limite éborgné par une bouteille, pissant le sang dix fois plus que le petit Issa qui s’est fait flashballer à trois mètres. L’ascensseur est en panne (ben oui, il fallait bien placer ce clin d’oeil à la préoccupation commune à tous les quartiers populaires), donc les flics sont bloqués de chez bloqués. Et le finish, c’est quand Issa, ultra vénère, s’apprète à achever les flics d’un cocktail molotov et que, trop gentil jusque là, le bon flic finit quand même par brandir son arme de service…

Là, on ne peut s’empêcher de penser : s’il tire, c’est forcément qu’il n’avait pas le choix. Allez bing, on trouve une excuse à 20 années de meurtres policiers ! Et le film s’arrête là dessus : What the Fuck !

La lumière revient dans la salle et on se dit « bon, effectivement, les émeutes de 2005 c’était vraiment pas la solution : une petite réforme de la police suffirait ». S’ils n’étaient pas que trois pour régler les problèmes de toute une cité sauvage, ça irait bien mieux. Pendant tout le film, on a eu tellement d’empathie pour eux… Dur, dur d’être policier.

Normalement, Les Misérables aurait du être un film qui raconte l’histoire populaire des quartiers, comme Howard Zinn raconte l’histoire populaire des Etats-Unis, en prenant l’angle de vue des premiers concernés… Mais non, là, on suit une équipe de la BAC.

On comprend pourquoi Macron a été bouleversé, ce film était fait pour lui plaire.

Seconde critique, par une personne mutilée par la police

Les Misérables : un film misérable ! 

Ce larbin de Ladj Ly m’a réveillé : j’ai envie de cracher mon venin sur son film à chier, de faire une critique au vitriol et de dénoncer cette propagande flicarde, avec mes mots de cancre inculte.

Au secours !

Le Prix du jury du festival de Cannes était déjà une indication.

Adoubé par Macron lui-même, c’ était une deuxième indication.

L’arc de triomphe avec des drapeaux Bleu-Blanc-Rouge sur l’affiche aurait dû m’arrêter avant d’aller regarder cette daube, mais ma curiosité était piquée. Encensé par les uns, enfoncé par les autres, je devais me faire ma propre opinion. 

Mais en streaming, il ne faut pas déconner non plus. Heureusement que je n’ai pas payé, bordel, comment je me serais fait rembourser ?

Je me pose vraiment la question si c’est vraiment son film ? A-t-il eu le choix du scénario ? Est-ce un film au second degré ? 

Petit résumé :

Alors ça se passe à Montfermeil, comme pour Victor Hugo.

Ok, d’abord la scène de la victoire en coupe du monde de foot, la France black blanc beur, des joueurs et des supporters issues des quartiers populaires, unis sous la même bannière, portant le même maillot, avec un même sentiment d’appartenance : totalement dépolitisé.

Le trio de flics : un méchant, un noir qui accepte les blagues racistes du méchant, et la nouvelle recrue, le gentil.

Scène avec la future victime, un gamin qui sera au centre du scénario : même le père n’en peut plus !

Premier contrôle sur des jeunes filles à un arrêt de bus : réel, sexiste, mais un joint encore fumant est trouvé par terre, de quoi justifier un abus policier. 

Autre contrôle sur des enfants : les jeunes tutoient, insultent : tout simplement le monde à l’envers. Les flics sont les victimes, et s’excusent devant la maman qui hurle.

Tous les personnages, groupes d’appartenances sont caricaturaux :

–        Les frères musulmans

–        Les grands frères

–        Les médiateurs sympas

–        Les trafiquants

–        Les gitans

Tous sont caricaturaux, sauf les flics. 

Scène principale du film : un tir de flashball sur le jeune aperçu au début. Il s’en sort avec un gros cocard. C’est une blague ? Un tir presque à bout portant sur un jeune de 9 ou 10 ans, résultat, ça l’assomme ?! Non, dans la vraie vie c’est : fracture des os du crâne, œil éclaté, voir hématome intracrânien et donc opération en urgence sinon décès possible. Dans Les Misérables, non, la pharmacie suffira.

Parole de Gavroche : “Je suis tombé par terre, c’est la faute à moi.” Pas la faute à Voltaire ou Rousseau, comme dans Victor Hugo ? Comment oser faire dire ça à un gamin ?! Quel est le sens de cette scène ? Le gamin aurait de la chance de n’avoir pris qu’un tir de flashball, quand Gavroche mourrait sur les barricades ? Non, vraiment, quel est le sens de cette scène ?

Suite à cela : différend entre flics. Le méchant est mis en défaut. LOL. Il n’y a jamais de différend dans ces cas-là, il y a accord sur la version des faits entre eux, systématiquement. Celui qui ne respecte pas cela, ce fameux et malhonnête « esprit de corps« , se fait mettre à l’écart par tous les autres. Elle est là, la réalité.

Scène du taulard sympa, qui s’amuse avec les flics, reconnaissant envers ces derniers : la prison lui a fait du bien !

Mais c’est quoi ce délire ?

Le sentiment de culpabilité du flic responsable du tir de flashball : « j’ai perdu mon sang froid, j’ai pété un câble ». Il est culpabilisé par le gentil flic. A nouveau, déni de réalité. C’est la victime qui est criminalisée habituellement. Les flics ne sont jamais pris de remords, habituellement les excuses fusent, ainsi que les motifs pour justifier le tir. 

Tout le film tourne autour de l’humiliation infligée à la victime, exercée par les gitans qui ont été volés (un petit lionceau tout mignon leur a été subtilisé). Cette humiliation est inacceptable pour les flics, bien sûr! Car ils n’humilient jamais personne, eux, bien entendu.

Le seul drone présent dans le film, qui a filmé la scène du tir de flashball, c’est celui d’un enfant. Vachement crédible aussi.

L’affaire du tir de flashball est étouffée « artisanalement » par les flics, avec l’aide des personnalités du quartier, grands frères et trafiquants. Alors que la fabrique du non-lieu, dans le cas d’une agression policière, se met en branle grâce à la version officielle et incontestée de la préfecture, avec le soutien des médias, pour conduire à une invisibilisation de la parole de la victime et une criminalisation des habitants des quartiers populaires. Toute l’intrigue de cette daube repose donc sur cette imposture !

Enfin, grand moment surréaliste à la fin du film : le guet-apens.

Agressivité des enfants, provocation des ados en motos, qui risquent de se faire parechoquer par les policiers : ils l’auraient bien cherché, car ils roulent mal !

Victoire finale des émeutiers sur les grands frères, les trafiquants et les keufs. Toujours super crédible. 

Avec la scène du KO technique du méchant, on atteint le summum du n’importe-quoi : le méchant keuf se prend une bouteille en verre qui lui ouvre le front, il s’effondre et doit être porté par ses deux collègues. Quand un tir de flashball fait faire une sieste à un gamin, qui guérira grâce à un pansement, une bouteille en verre fracasse la tête d’un keuf de la BAC…

La scène finale : le gamin cagoulé tient dans sa main un cocktail molotov face au gentil flic, terrorisé et sans défense. Ca vient finir l’œuvre de destruction de ceux qui luttent contre les violences policières. S’il tire, c’est de la légitime défense, sinon il ne tirerait pas. Tuer ou être tué. Voilà la morale, même les flics gentils ne peuvent rien y faire.

Tout ça pour justifier la présence policière permanente, et sa brutalité. 

Victimisation des policiers, qui se font insulter, moquer, humilier… En bref, des policiers humains aux vies de famille tranquilles.

Les baqueux ne sont que trois à Montfermeil ? De quoi fantasmer sur le manque d’effectifs, le manque de moyens, de matériel, qui justifierait à nouveau toute brutalité policière.

L’invisibilisation et l’étouffement de l’affaire se fait avec la participation active du quartier Mais où t’as déjà vu ça ? 

Le film montre des émeutes et guet-apens ultra violents, justifiant l’existence même de la police dans les quartiers. 

Ce film véhicule les schémas de pensée produits par le pouvoir pour valider la violence de l’Etat, notamment en criminalisant les victimes, ici par une caricature vulgaire et raciste des habitants des quartiers populaires : tous sont irrespectueux, violents, voleurs, ou anciens voleurs, trafiquants, proxénètes…

Ce film est une honte, un crachat au visage de tous ceux qui luttent contre les violences policières.