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Précisons tout d’abord que l’agression qu’a vécu Jamshed est une pratique courante chez les CRS déployés à Calais et dénoncée depuis plus d’une décennie par les associations et militant-es sur place : ils sont régulièrement frappés, puis abandonnés sans chaussures à plus d’une dizaine de kilomètres, parfois après leur avoir volé ou détruit leurs affaires.
 
Les trois CRS impliqués dans l’agression de Jamshed ont été assez lourdement condamnés en comparution immédiate : 4 ans de prison ferme pour le brigadier Provenzano, 18 mois de prison ferme pour Mathieu Coelhio et 1 an avec sursis pour leur co-équipière.
 
Tout le monde sera surpris à la fois par la lourdeur des peines, alors que nous dénonçons habituellement le système d’impunité dont bénéficient les policiers violents, et par le silence assourdissant des syndicats de police, qui sont prompts habituellement à crier au scandale pour la moindre sanction disciplinaire.
 
Nos hypothèses :
 
– L’Etat va se servir de cette affaire pour bouter en touche face à toutes les accusations à venir, niant l’impunité systémique en brandissant cet exemple exceptionnel.
 
– La proposition de loi proposant l’immunité aux “agents dépositaires d’une mission de service public” va permettre d’annuler en douce la sanction des 3 CRS d’ici quelques semaines quand tout le monde aura les yeux rivés ailleurs.
 
– Le jugement en appel fera comme dans la sordide affaire Selmouni en 1991 (il faut remonter loin pour voir des flics sévérement condamnés) ou plusieurs policiers avaient été d’abord lourdement condamnés pour des violences et sévices sexuels envers 2 personnes, avant que leur peine passe de plusieurs années de prison ferme à quelques mois avec sursis.
 
– Les syndicats se taisent sciemment parce qu’ils sont conscients du deal permettant de redorer le blason de la justice, tout en continuant de nier l’aspect systémique des violences policières et en avançant l’argument spécieux que les violences ne sont le fait que de “quelques brebis galeuses”…
 
N’oublions pas que cette décision répond à la demande du Procureur lui-même et n’est pas de l’initiative du juge. Le rôle du Procureur est politique et celui-ci est la couroie de transmission principale entre la volonté de l’exécutif et l’obéissance du judiciaire…
 
N’oublions pas qu’il y a un an, un adjoint du procureur de Marseille était directement impliqué dans l’opération de police ayant conduit à la mort de Zineb Redouane.
 
Ne soyons pas dupes, restons aux aguets. Cette violence est systémique, comme l’impunité dont elle bénéficie !
P.S. : Notons au passage que l’article du Monde traitant de cette affaire a recours à cette insupportable “dialectique de l’excuse” qui excuse voire légitime l’usage de la violence. Les policiers y apparaissent comme “dépassés”, comme si tout s’était passé hors de leur contrôle. Tout d’abord, pour le journaliste Luc leroux, “les choses ont incroyablement dérapé” : on y retrouve cet argument inaudible de la “bavure”, du “glissement” qui aurait amené de braves hommes à “perdre le contrôle”. Ce procédé vise à rendre leur humanité à des personnes violentes qui ne méritent d’aucune excuse, d’autant plus quand ils sont brigadiers de police. Ensuite, le journaliste égrène les arguments falacieux des policiers, qui ne sont autres que le contenu de leurs déclarations mensongères et des pléonasmes utilisés pour couvrir leurs méfaits : “enlever du secteur”, “grosse erreur”, “par peur de faire des conneries”, “trente-cinq minutes de dérapage, de folie hors cadre”, “énorme connerie”, “effet tunnel”… Et la parole de Jamshed alors qu’il est précisé qu’il était présent à l’audience ? Invisible ! Un journaliste au Monde qui ne sait pas parler anglais ? Affligeant !