En pleine répression des manifestations contre la Loi El Khomri et au lendemain de la manifestation de l’extrême-droite policière place de la République, en marge de laquelle une voiture de police avait été incendiée, conséquence prévisible de l’escalade des violences policières au cours des derniers mois, un nouveau fabricant d’armes s’est enregistré au répertoire des entreprises : SECURENGY.

L’entreprise a pour adresse : 11 RUE DE PARON 91370 VERRIERES-LE-BUISSON

L’entreprise propose une arme de 44 mm dite de « force intermédiaire » (comprendre « qui n’est pas faite pour tuer, mais peut éventuellement tuer quand même »), le CRUSH 44.

C’est ce que dit subtilement le site du vendeur :

« A une distance de 1 à 25 m le risque de blessures sérieuses ou de décès est considérablement réduit« .

https://www.securengy.fr/en/home-2/

Nous voila rassurés ! En tout cas, l’arme ressemble à s’y méprendre au dernier modèle du bon vieux Flash Ball Super-Pro de Verney Carron. L’innovation à ses limites : un flingue reste un flingue.

La plaquette du vendeur à Milipol intitulée « Une innovation Securengy: PEFCO 44 la juste force » (SIC) annonce la couleur :

« Les comportements agressifs doivent être réprimés légalement sans blesser sauvagement ».

https://www.milipol.com/Media/Milipol-Paris-Medias/Fichiers/CP-Securengy

Doit-on comprendre que la nouvelle arme de Securengy va pallier la « sauvagerie » de ses concurrents ? Oui, c’est exactement ce que dit le vendeur quand il ajoute quelques paragraphes plus loin :

« Il est relativement aisé de faire voler un projectile dur, muni d’un culot et sortant d’un canon rayé de 38 ou 40 mm. C’est principalement pour cette raison que les différentes munitions à impact en 38 ou 40 mm sur le marché présentent la caractéristique de tirer un projectile dur peu déformable. Partant, la précision est bonne mais le risque est grand de provoquer des blessures graves quand le projectile vient en contact avec certaines parties du corps notamment à courte distance. »

https://www.milipol.com/Media/Milipol-Paris-Medias/Fichiers/CP-Securengy
Secugency compare ici l’impact de sa munition PEFCO avec celle du LBD 40

Est précisé que la munition s’auto-détruit à l’impact. Pratique pour ne pas donner trop de billes (c’est le cas de le dire) aux éventuelles expertises balistiques permettant d’établir la nature du projectile reçu, et donc son origine…

Le jeune marchand de douleur se vante par ailleurs d’accompagner cette arme d’une panoplie de munitions de 44 mm baptisées, toujours dans cette novlangue insupportable visant à faire passer les choses pour ce qu’elles ne sont pas, « Projectiles Expansifs à Force Contrôlée » (PEFCO 44).

On est quand même sur une arme dotée d’une puissance de 150 joules, ce qui laisse rêveur sur la notion de « force contrôlée ».

Caractéristiques techniques.

En dehors de la mutilation par impact (ça c’est nous qui l’affirmons), les autres « effets » recherchés sont les suivants : irritant (munition PEFCS, contenant 80 grammes de gaz CS à 15%), assourdissant (munition PEFBANG, contenant 25 grammes d’un « mélange explosif » et provoquant une détonation à 130 dB), aveuglant (munition PEFCOFLASH) ou marquant (munition PEFCOL).

Intoxiquer, étouffer et brûler les yeux, percer les tympans et mutiler (un explosif, ça mutile), détruire la rétine, marquer les corps comme du bétail, tout un programme !

En apprenant l’existence de ce nouveau jouet par le biais du site militariste Army Recognition, nous sommes allés chercher un peu plus loin et voilà ce que nous avons trouvé :

Le 9 avril 2019, tranquille pépère, le ministère de l’intérieur a pris un petit arrêté pour valider l’utilisation de cette arme et de sa munition en fixant sa catégorie (c’est le protocole avant toute mise en dotation) : B3.

Mais le plus intéressant reste le territoire géographique dans lequel l’arrêté est tout d’abord applicable, indiqué à l’article 2 :

« Le présent arrêté est applicable en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. »

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000038389185&dateTexte=20190429

Ben voyons…

Entre deux referendums sur l’indépendance, c’est plutôt subtil de la part de l’Etat français d’envisager de tester une nouvelle arme en terrain colonisé :

  • De la même manière que les principes de la guerre contre-insurrectionnelle expérimentée en Algérie entre 1955 et 1957 ont été exportés au sein de la police de métropole au cours de la décennie suivante, notamment dans les banlieues à l’encontre des nord-africains métropolitains ;
  • De la même manière que la police coloniale britannique a expérimenté l’usage des premières armes « sublétales » dans les colonies anglaises de Hong-Kong, Singapour ou d’Irlande du Nord ;
  • De la même manière que l’armée américaine a expérimenté l’usage de certaines armes sublétales (Active Denial System, Long Range Accoustic Device, stun guns) contre les populations civiles rebelles au cours de sa croisade impérialiste en Irak ;
  • De la même manière que l’usage du Flash Ball (1995-2002), du LBD (2005-2007) et de la grenade de désencerclement (2003-2005) a été d’abord expérimenté dans les banlieues françaises avant d’être généralisé à toutes les manifestations publiques ;

Force est de constater que les vieilles logiques impérialistes sont immuables, et que les corps des étrangers et « colonisés de l’intérieur » continuent de servir, à l’image des rats de laboratoires, de cobayes pour tester les jouets de la grande industrie de mort avec laquelle les États capitalistes aiment faire affaire.

Le salon MILIPOL est une honte, un lieu qui voit se retrouver au coeur de la Seine Saint Denis tous les deux ans les « Lords of War », marchands de douleurs et vendeurs de mort du monde entier, sous prétexte de « maintien de l’ordre » et de « lutte contre le terrorisme ».

C’est la vitrine du terrorisme d’Etat, celle qu’il faut briser avant que leur mégalomanie meurtrière n’emporte définitivement tout espoir de vivre libres et en paix.