Il y a du nouveau dans l’affaire de Babacar Gueye, assassiné par 8 policiers de Rennes dans la nuit du 3 décembre 2015.

Cette nuit là, les policiers avaient été appelés pour aider Babacar, qui semblait être en souffrance. Mais comme souvent dans ce type d’affaire où une personne est en crise, la prophylaxie policière consiste généralement, et selon le langage des policiers, à la « neutraliser ». Nota Bene : quand un policier parle de neutralisation, il s’agit le plus souvent d’un pléonasme pour dire « liquidation ».

En effet, les quatre agents de la BAC de Rennes n’ont pas trouvé mieux que de répondre à la perte de contrôle de Babacar par une décharge électrique (Taser X26), puis une fusillade (pistolet Sig Sauer). Il semblerait bien que dans l’imaginaire policier, la maladie ou la démence ne puissent être prise en charge ou maîtrisées que par une « immobilisation violente », si besoin à l’aide d’une arme. Ce meurtre rappelle celui de Serge Partouche, 48 ans et autiste, tué le 20 septembre 2011 par trois policiers marseillais, celui de Kayden Clarke, 24 ans et autiste lui aussi, tué par la police de Mesa (Arizona) en février 2016, ou encore celui de Eric Torell, un suédois trisomique de 20 ans, tué par la police de Stockholm le 2 août 2018.

Dans son audition, le policier de la BAC incriminé dit avoir tiré plusieurs coups de feu, sans se souvenir exactement du nombre, afin de « neutraliser définitivement l’individu« . A l’écoute de son récit des faits, on l’imagine les yeux fermés, les doigts crispés sur la gâchette, tirer jusqu’à vider son chargeur. On pourrait alors légitimement se demander si ce n’est pas lui qui était en souffrance psychique et aurait dû être pris en charge au lieu d’être envoyé en mission avec une arme pour s’occuper d’autrui.

Rappelons quand même que les policiers s’entraînent régulièrement aux arts martiaux et sont censés pouvoir désarmer une personne armée d’un couteau de cuisine à l’aide de quelques prises de karaté ou de krav maga, surtout s’ils interviennent à plusieurs et peuvent par conséquent interrompre un homme seul dans ses mouvements sans avoir à le mettre à mort.

Par ailleurs, le récit du policier pourrait être largement mis en doute puisqu’il affirme avoir été agressé par Babacar qui lui fonçait dessus, alors qu’aucun tir n’a été effectué de face (les trajectoires indiquent des tir sur le flan et un tir dans la fesse gauche). C’est en tout cas ce que révèle l’expertise médico-légale du corps de Babacar.

Les proches de Babacar on pris connaissance par voie de presse des conclusions de ladite expertise, rendue le 4 février 2019, soit plus de 3 ans après les faits, apprenant avec effarement que les scellés contenant les deux chargeurs de l’arme ayant tué Babacar, ainsi que l’arme elle-même, avaient été détruits avant l’analyse balistique !

Sur le fondement de cette disparition fortuite des scellés, la juge d’instruction a décidé de placer le tireur sous le statut de témoin assisté, renonçant à le poursuivre pour le meurtre de Babacar. Ses proches ont également appris cette nouvelle par voie de presse.

Encore une fois, les manipulations malsaines des éléments de l’enquête et des dossiers d’instructions suggèrent l’organisation d’une impunité généralisée au profit des policiers, impunité à laquelle contribuent l’incompétence ou la malhonnêteté des enquêteurs et des magistrats.

Que ce soit la manipulation de clichés photographiques ou les mensonges de faux experts dans l’affaire de Wissam El Yamni, la compromission et l’incompétance des magistrats dans l’affaire de Zineb Redouane, mais aussi tous les mensonges grossiers dans les dossiers de Adama Traoré, Ali Ziri ou encore Angelo Garrand, il est devenu évident pour de nombreuses familles de victimes de crimes policiers que le ministère de la Justice ne fait que satisfaire aux injonctions du ministère de l’Intérieur et des syndicats policiers.

Omerta et impunité sont décidément les fondement de l’Etat de droit.

Une demande de reconstitution a été demandée par la partie civile, constituée par Awa, la soeur de Babacar, et son avocate Gwendoline Tenier, afin de savoir comment les policiers et les juges se représentent la mise à mort brutale de Babacar ce 3 décembre 2015.