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Il est un homme qui incarne à lui-seul les logiques violentes et corporatistes de l’État : Me Laurent Franck Liénard. Nous avons jugé utile de le présenter, pour que chacun puisse comprendre la manière de penser de ceux qui font de nos vies des enfers sécuritaires.

Liénard a prêté serment en février 1992, à l’issue d’études doctorales en droit des affaires (contentieux commercial, droit contractuel) et en ingénierie de la sécurité (à l’IHESI). Depuis cette date, il s’est peu à peu érigé en spécialiste du droit des armes, faisant chaque jour la démonstration d’une passion sans limites pour les flingues. Officier de réservé de la Gendarmerie, il est également membre de l’association internationale des instructeurs de tir de police (IALEFI), membre de la commission de discipline d’appel de la Fédération Française de Tir, maître instructeur pour le Taser et donne des cours à l’Ecole Nationale Supérieure de la police de Saint Cyr au Mont d’Or (formation des commissaires de police), à l’Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Police de Cannes-Ecluses (formation des officiers de police) et à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire d’Agen. Il conseille également des armuriers et grossistes.

En tant qu’avocat, il défend régulièrement les membres des forces de l’ordre, se mettant au service de tous les flics qui sont mis en cause ou victimes dans des affaires où ils ont fait usage de leurs armes de service, auprès des commissions de discipline, mais aussi s’ils ont été l’objet de décisions leur portant grief (notation, mutation, refus d’avancement…). Il intervient également dans les litiges concernant la détention des armes par les particuliers, tant devant les tribunaux administratifs (refus d’autorisation, décision de retrait d’autorisation, refus de renouvellement….) que devant les juridictions pénales (détention d’armes prohibée).

A ce titre, il a été le conseil des mis en cause suivants (pour n’en citer que quelques-uns) :

SOUTIEN DES LOBBIES DE FLICS

Laurent Franck Liénard est aussi l’un des “conseillers” de l’association “Mobilisation des policiers en colère” qui, sous couvert de “lutte pour de meilleures conditions de travail”, exige davantage de moyens pour la police, la prise en compte de la pénibilité, l’augmentation des salaires et des effectifs, s’engage pour une militarisation des forces de l’ordre, pour plus d’impunité (cf. « permis de tuer »), etc.

C’est cette « mobilisation » qui, partie de Viry-Châtillon, a manifesté bruyamment, pour un certain nombre en cagoules, foulards à tête de mort et parfois avec armes et véhicules de service, en plein état d’urgence fin 2016.

AVOCAT DE LA “PRESOMPTION DE LEGITIME DEFENSE”…

Auteur de l’ouvrage « Force à la loi », il défend âprement la légitime défense pour les policiers et le port d’arme par les policiers municipaux, y compris en dehors des heures de service, instrumentalisant à ces fins la mort de la policière municipale Aurélie Fouquet, le 20 mai 2010 :

« Ils [les policiers] risquent d’être confrontés à chaque instant à des individus armés de couteaux ou d’armes à feu, et de devoir protéger les citoyens désarmés contre ces personnes. Alors, la seule issue reste de pouvoir disposer d’un armement létal moderne, sûr et efficace, suffisant pour mettre fin à la menace sans causer de dommages collatéraux »

« Il faut armer, à chaque heure de service, les policiers municipaux. J’irai même plus loin en affirmant que le port d’arme doit être étendu aux périodes où les policiers ne sont pas en service […] Porter une arme n’est ni la réponse à toutes les problématiques de la présence policière dans l’espace public, ni la garantie de ne pas être atteint par les balles des adversaires. C’est simplement une nécessité technique »

[propos publiés sur le Huffington Post le 3 décembre 2011]

L’adoption récente d’une disposition reconnaissant aux seuls policiers le bénéfice de « l’état de nécessité » répond en partie au souhait émis depuis plusieurs années par Liénard, qui aurait voulu qu’elle soit étendue à toute la population :

« Pour que la légitime défense soit reconnue, il faut une agression en train de se commettre et une riposte simultanée. Dans certaines situations, les policiers ont la capacité d’user de la force à l’encontre d’un individu armé et manifestement dangereux, mais ne le peuvent juridiquement pas, cet individu n’étant pas en train d’agresser quiconque. Ce serait le cas d’un tireur fou en train de passer d’une scène de crime précédente à la prochaine, son arme à la main mais dirigée vers le sol, ou de terroristes en train de recharger leurs armes. C’est ce vide juridique qu’il convient de combler par une disposition pénale visant l’ensemble des citoyens français, leur permettant de procéder à des actes de contrainte ou de violence alors même que les conditions de la légitime défense ne seraient pas réunies, lorsqu’ils apparaissent manifestement nécessaires à préserver les vies humaines. »

[propos publiés sur son site le 9 novembre 2015]

Suivant son implacable logique, Liénard peste contre les officiers de gendarmerie qui recommandent à leurs hommes d’éviter au maximum de se servir de leur arme :

« Pour moi, c’est criminel. Dans ce cas-là, il ne faut pas les armer. Si on donne à quelqu’un un outil, c’est parce que cet outil a une finalité. Dans l’Éducation nationale, on appelle un stylo un outil scriptural. Pour moi, l’arme est un outil lésionnel. Si je donne un tel outil à quelqu’un, je le forme convenablement, je lui dis dans quel cas l’utiliser, et j’ai confiance en lui. Sinon, il faut que je le lui enlève, car il n’y a rien de plus dangereux que de donner un outil lésionnel à quelqu’un ».

[propos publiés sur l’Essor de la Gendarmerie Nationale le 1er juillet 2015]

A la fois avocat et lobbyiste, Liénard danse d’un pied sur l’autre pour ménager la chèvre et le chou. Critiquant tantôt le manque de formation au tir des forces de l’ordre, il juge néanmoins qu’il n’est pas un préalable nécessaire à leur armement :

« Par ailleurs, en quoi des lacunes de formation devraient-elles constituer un frein à l’armement ? »

[propos publiés sur le Huffington Post le 2 décembre 2011]

QUID DES ARMES PRETENDUMENT « SUBLETALES » ? ET DES TECHNIQUES D’INTERPELLATION MORTELLES ?

En bon lobbyiste des armes à feu, Liénard s’en prend régulièrement au Flashball, qu’il juge inadapté au maintien de l’ordre et dont il préconise l’interdiction, lui préférant une généralisation des armements létaux. Dans sa critique, il affirme que le Flashball est non seulement imprécis (marge d’erreur de 34 cm à 10m de distance) mais également utilisé n’importe comment par les flics :

« Le Flash Ball est caractéristique de ce phénomène : on ne compte plus les usages de cette arme en dehors de tout cadre légal, pour « faire du bruit », « faire courir les jeunes » ou « se faire plaisir »… des notions bien éloignées de l’action policière ! »

[propos publiés sur son site le 15 juillet 2013]

Dans une intervention sur le plateau de BFM TV le 27 octobre 2014 (voir ICI), soit le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, il évoque également la dangerosité des autres armes dites « sublétales » ou « moyens de force intermédiaire », qu’il nomme lui « armes d’impact » :

« [Les forces de l’ordre] ont bien sûr des armes d’impact : des grenades de désencerclement qui vont projeter des billes en caoutchouc, des Flashballs, des Lanceurs de balles de défense de 40 mm. Tout ça, ce sont des armes d’impact qui sont faites, donc, pour blesser. Avec évidemment, la possibilité de tuer si les armes sont mal utilisées, notamment en deça de la distance de sécurité. »

Mais ça ne l’empêche pas de défendre les flics qui ont mutilés des personnes en faisant usage de ces armes. A l’énoncé du verdict dans le procès du gendarme qui a éborgné le petit Nassuir, il fait ainsi preuve d’un cynisme sans commune mesure, affirmant avec aplomb : «Je suis très déçu par cette décision, car sur le plan juridique, il [l’adjudant Roumiansteff] avait le droit de tirer dans ces circonstances». Qu’un enfant de 9 ans se soit fait arracher un œil alors qu’il jouait avec ses copains en marge d’échauffourées avec les forces de l’ordre ne le dérange pas outre-mesure…

Lors du procès de Mathieu Leglise, le policier de la BAC nantaise qui a mutilé Pierre Douillard en novembre 2007, Liénard plaide à l’audience en faisant rebondir sur le sol une balle de Flashball devant la victime, faisant preuve d’une implacable froideur et alors même que Pierre avait été blessé par une balle en ogive de LBD40 et non par une balle ronde de Flashball.

Avocat du policier qui a lancé la grenade ayant gravement blessé Romain Dussaux à Paris le 26 mai 2016, Liénard ose prétendre, avec toute la mauvaise foi qu’implique sa fonction : « L’origine des blessures de l’individu qui est blessé, nous ne la connaissons pas », avant d’ajouter que « Le lancer de grande était justifié et nécessaire. Il était proportionné et nécessaire puisque les policiers étaient pris à partie. » [propos publiés sur BFMTV le 8 juin 2016]

[Mise a jour.] En juin 2020, en plein débat sur la clé d’étranglement que Castaner a voulu “interdire” 24 heures, Liénard raconté la détresse d’un de ses clients : “Un de mes clients (…) a eu des idées suicidaires. Il a eu des idées suicidaires car ça fait quinze jours ou trois semaines que l’on parle de son métier en mal. Lui, il est persuadé de faire le bien. Et on parle de lui en mal et son ministre lui a enfoncé la tête. Et il me dit ‘comment je m’en sors de ça ?’. Je lui ai dit ‘changez de travail, quittez la fonction.’ Il me dit ‘Mais j’ai ça chevillé au corps. Je vis pour mon travail, je veux être policier, je veux aller interpeller les gens, je veux pouvoir les étrangler… quand ils luttent.” C’est ce jour-là qu’il lâche son cri du coeur : “on a le droit d’être raciste”! “Ce qui est interdit ce sont les manifestations ou les expressions racistes.” [Propos proférés sur BFMTV le 12 juin 2020]

En dépit de son cynisme et de son opportunisme, Liénard bénéficie du soutien et de la confiance absolue du ministère de l’Intérieur. Il est très clairement l’avocat désigné pour défendre les crapules et les tireurs fous de la police nationale, participant à la grande opération de blanchiment des crimes commis par les forces de l’ordre. Il n’est donc pas surprenant de voir apparaître dans ses favoris facebook la page d’Alliance police nationale, puisque le syndicat policier soutient lui aussi systématiquement les policiers mis en cause dans des affaires où leur responsabilité est indéniable.

Parmi ses favoris facebook, on trouve également les pages de la BAC de l’Essone, de plusieurs polices municipales, d’entreprises fournissant en armes et équipement les forces de l’ordre, de la terrifiante entreprise selectaDNA qui commercialise en Angleterre des diffuseurs d’ADN, mais aussi du maire d’Aulnay-sous-Bois Bruno Beshizza. Ces affinités en disent long sur sa vision très droitière et policière de la société.

On le retrouvera donc naturellement satisfait lorsque l’État décide de prendre en charge le paiement de dommages et intérêts dus par les policiers suite à une condamnation en Justice :

« C’est une bonne chose. J’ai le cas d’un CRS condamné à payer 1 M€ à une victime, alors que la blessure qu’il a causée a été faite dans le cadre de son service. »

[Propos publiés dans le Parisien le 19 juillet 2012]

PARTISAN DU PORT D’ARME GENERALISE

Liénard, non content d’oeuvrer frénétiquement pour la militarisation des forces de l’ordre, milite également, mais à demi-mot, pour l’établissement d’un droit au port d’arme élargi pour l’ensemble de la population, n’hésitant pas à ressortir des vieilles jurisprudences justifiant l’abandon des charges pesant sur une personne ayant fait usage d’une arme dont la détention était prohibée si cette détention est « connexe avec une agression physique » (comprendre : si une personne bute son agresseur avec une arme qui ne lui appartient pas, il peut être relaxé à la fois pour l’acte en lui-même au titre de la légitime défense et pour la détention prohibée au titre de cette jurisprudence).

Il s’élève même contre la mesure prise dans le cadre de l’État d’Urgence, qui permet aux autorités de demander à des particuliers de leur remettre temporairement leur arme :

«L’Etat craint qu’une personne armée décide de ‘rendre la justice’, ou a peur qu’un tireur sportif devienne fou suite aux attentats. Mais cette mesure passerait assez mal car elle revient à désarmer des citoyens innocents, qui ont obtenu des armes légalement, et qui ont déjà le sentiment d’être des victimes dans le contexte actuel »

[propos publiés sur le Figaro le 20 novembre 2015]

Si on a le cœur bien accroché, on peut aussi lire le billet d’humeur que Liénard a publié suite aux attaques du 13 novembre 2015, dans lequel il recommande d’« Armer les personnes aptes à riposter », affirmant qu’il s’agit de « la mesure la plus simple, la plus évidente, la moins coûteuse et la plus urgente » (lire ici :prévoir son sac à vomi !)

On n’en dira pas plus, je crois que chacun se sera fait son avis sur le personnage !