Le quartier des Hautes Noues à Villiers-sur-Marne fait partie de ces quartiers « prioritaires » où la domination policière s’appuie à la fois sur un vaste plan de rénovation urbaine (qui ne tient souvent pas compte des aspirations des habitant-es, et notamment des plus jeunes) et sur des interventions répétitives et souvent musclées. Régulièrement, des unités de police envoyées par le commissariat de Chennevières-sur-Marne ou depuis Créteil se déploient et occupent le terrain en faisant la démonstration de leur force virile, désormais armées de grenades lacrymogènes, de grenades de désencerclement et de lanceurs de balles de défense.

La veille de la fête nationale, le 13 juillet, la ville organise des feux d’artifices sur le stade Octave Lapize. Mais dés avant la fin des festivités, plusieurs unités de police se tiennent déjà sur le qui-vive à l’entrée du quartier des Hautes Noues, et notamment le long du boulevard Friedberg. Comme dans de nombreuses villes de la banlieue parisienne, les préfectures pensent ainsi assurer l’ordre et faire preuve de dissuasion à l’égard de toute tentation émeutière (alors même que le 14 juillet commémore depuis plus de 200 ans l’une des plus grosses émeutes populaires de l’histoire).

Les habitants de ces quartiers voient ce déploiement comme une provocation, voire une humiliation de plus, car il suggère déjà l’altercation entre les jeunes et les forces de l’ordre avant même qu’il ne se passe quoi que ce soit. Et quel que soit en réalité l’effet déclencheur à un moment T (un jet de pierre, une insulte ou un attroupement), la présence massive de policiers en armes est à la fois la conséquence et la cause première des affrontements : c’est le paradoxe de l’œuf et de la poule…

Ce soir là aux Hautes Noues, la police et des jeunes se confrontent et on se moque bien de savoir qui a commencé le premier, car la question n’est pas là. Vers 23h30, Aymen, 16 ans, sort de chez lui pour rejoindre ses amis au stade. Pour s’y rendre, il doit prendre le bus sur le boulevard Friedberg, devant le nouveau centre social L’Escale (« Centre d’aide à la recherche d’emploi » planté au milieu du quartier en 2006 comme un champignon non comestible, alors même que rien d’autre n’a été construit dans les rues du quartier pour permettre aux jeunes de se sentir chez eux). Lorsqu’il arrive derrière l’Escale par la rue Théophile Gautier, la situation est tendue et de nombreux policiers se trouvent à proximité de l’arrêt de bus, où les gyrophares des véhicules de police éclairent la scène. Il y a déjà du gaz lacrymogène dans l’air. Aymen se trouve derrière la supérette O’Marché Frais, quand il est touché en plein visage par une balle de caoutchouc. Il tombe et perd connaissance. Des personnes présentes l’évacuent vers une voiture stationnée avenue Mandela, d’où il est emmené à l’hôpital Saint Camille de Bry-sur-Marne.

S’en suivront plusieurs jours d’hospitalisation à l’hôpital Cochin. Les premiers constats médicaux font état de multiples fractures du massif facial, de la lame papyracée, du plancher orbital, des os propres du nez et de la maxillaire, ainsi qu’une plaie du globe oculaire, entraînant la perte de son œil.

Aymen ne récupérera jamais la vue de son œil droit.

Alors qu’il est convalescent, sa famille envoie sa plainte au procureur, puis demande rendez-vous à l’IGPN, sans trop d’illusion, mais avec l’espoir d’obtenir au moins réparation.

Au delà de la plainte au pénal, qui peut ne pas aboutir, une requête administrative (référé expertise) pourrait permettre d’établir la responsabilité de l’État et d’engager des demandes d’indemnité. Le combat sera long, mais la famille ne veut pas baisser les bras.

L’avocate d’Aymen est Me Lucie Simon.

 


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La BAC de Villiers sur Marne tire au LBD sur une habitante au volant de sa voiture

 


Sur le plan de rénovation urbaine du quartier des Hautes Noues :

  • https://www.villiers94.fr/ma-ville/renovation-urbaine/presentation-du-pru/
  • http://www.grandparisamenagement.fr/operation/pru-des-hautes-noues/

N.B. : sur 400 logements construits, 340 sont en accession à la propriété, ce qui réduit à 60 seulement le nombre de nouveaux logements sociaux. Ces nouveaux immeubles, ainsi que les anciens, sont « résidentialisés » (c’est à dire fermés par des grilles et des digicodes), technique sécuritaire d’aménagement de l’espace pour réduire les déplacements aux seuls résidents et empêcher toute socialisation spontanée.


Voir ce documentaire de 2010 qui donne la parole à des habitants des Hautes Noues :

LA TENTATION DE L’EMEUTE. Arte 2010 from Benoit Grimont on Vimeo.