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La famille Kraiker, frappée en décembre 2015 lors d’un contrôle d’identité par les brigades spécialisées de terrain (BST) subit depuis les brimades de la BST.

Les Brigades spécialisées de terrain (BST) ont été constituées par une décision de Brice Heurtefeux du 17 août 2010, en remplacement des anciennes UteQ. Dès octobre 2010, le Parisien annonçait la création de trois BST de 18 policiers chacune sur les quartiers d’Aubervilliers-Pantin, Aulnay-Sevran et Saint-Ouen.

Dans le quartier Hoche de Pantin, la BST semble avoir commencé à se faire remarquer à partir de septembre 2015, un an après la construction de la nouvelle « Cité des métiers », qui incarne la colonisation du quartier par les ateliers de maroquinerie de luxe Hermès. Outils de contrôle et de pacification des quartiers populaires, ces nouvelles brigades accompagnent la rénovation urbaine et la gentrification. Des mots mêmes de leur promoteur, elles ne sont pas des « grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage », mais sont là pour « patrouiller dans les quartiers à la reconquête du terrain ».

Le harcèlement de la famille Kraiker par la BST de Pantin remonte au 14 décembre 2015.

La famille Kraiker vit dans la cité Auger, juste en face des ateliers Hermès. Régulièrement, la BST s’y arrête pour effectuer des contrôles. L’occasion pour eux d’humilier les jeunes du quartiers, multipliant intimidations, humiliations et actes de violences à l’abri des regards.

Le 14 décembre 2015 vers 14 heures, l’un de ces contrôles « de routine » prend une tournure plus violente que d’habitude. L’un des policiers s’en prend à Bilal et lui met un coup de genou dans l’entre-jambe. Après leur départ, Bilal est hospitalisé et opéré pour un écrasement de testicule. Il porte plainte auprès du commissariat du 19e, celui de Pantin refusant d’enregistrer sa plainte.

Le 26 décembre 2015 vers 16h30, la BST procède à un nouveau contrôle d’identité au pied de la cité Auger. Bilal est avec son chiot, qu’il décide de ramener à la maison. Mais à peine s’est-il détourné que la brigade décide d’interpeller les jeunes présents, prétendant avoir été la cible d’un jet de projectile. Alertée par une détonation, Zahra, la mère de Bilal, regarde par la fenêtre et descend au bas de l’immeuble. Des voisins l’informent que Bilal a été interpellé. S’approchant des policiers pour exiger des explications, elle est alors poussée et insultée par les policiers qui lui crient de « fermer sa gueule ». Le second fils de Zahra, Wassil, intervient alors pour défendre sa mère. Dilan, un voisin, et sa mère, interviennent aussi. Tous sont aspergés de gaz, roués de coups de matraques et de poings par les policiers de la BST. Les fils Kraiker et trois autres jeunes sont arrêtés et passent 48 heures en garde-à-vue avant d’être déférés au tribunal de Bobigny, comparaissant pour rébellion et violences aggravées sur des personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP).

Zahra se voit prescrire 10 jours d’ITT et porte plainte à l’IGPN. Les trois jeunes interpellés se voient également prescrire entre 1 et 3 jours d’ITT. Le 30 décembre, Zahra organise une conférence de presse au pied de la cité Auger.

Le 10 février 2016 vers 6 heures, Bilal, Wassil et quatre autres jeunes sont interpellés à leur domicile. Ils sont mis en examen pour dégradations de bien public à hauteur de 86 000 euros. Le chiot de Bilal, un bâtard de labrador qualifié par les policiers de « molossoïde », est placé à la fourrière sous prétexte qu’il serait dangereux. Bilal est également poursuivi pour sa détention.

Le 12 mars 2016, Wassil est interpellé et placé en garde à vue, avant d’être libéré sans poursuites.

Dés le mois d’avril, le procès intenté contre Bilal est classé sans suites, le chiot n’entrant pas dans la catégorie des chiens dangereux. Les frais de fourrière lui sont remboursés.

Le 19 mai 2016, le procès contre Bilal et Wissal est reporté à septembre, Pantin Habitat n’ayant pas apporté d’éléments probant attestant des dégradations commises par les deux frères et leurs voisins.

Les 24 et 25 mai 2016, Bilal et Wissal sont convoqués par la juge d’instruction en qualité de témoins assistés dans l’affaire du 26 décembre. A l’issue de l’audition, ils sont mis en examen pour violences sur PDAP sur la base d’un témoignage anonyme.

Le 6 juillet 2016, Bilal est confronté à ses agresseurs dans les locaux de l’IGPN.

Le 25 janvier 2017, Wassil est atablé dans le kebab à l’angle de la rue des 7 arpents avec son ami Amine, pour regarder un match de foot. Peu après, alors qu’ils se rendent chez Amine, ils voient les policiers de la BST courir après plusieurs personnes dans leur direction. Craignant d’être pris à parti, ils prennent également la fuite. Ratrappés, ils sont accusés avec trois autres jeunes, Zinedinne, Massinissa et Abdelali, d’avoir participé à un attroupement armé. Avant son arrestation, Wassil dit avoir entendu un agent de la BST crier « Y’a Kraiker, attrappez-le ! »

Placés en garde-à-vue, trois d’entre eux sont libérés sans poursuites. Seuls Wassil et Zinedinne sont déférés au parquet de Bobigny le 26 janvier au soir. On accuse Wassil d’avoir été en possession d’une béquille, ce qu’il nie fermement devant le juge pour enfants.

La famille Kraiker rapporte les propos des policiers durant la garde-à-vue, qui a été particulièrement difficile pour Wassil. Le chef de la BST, Christian, lui a déclaré :

«  Alors, ton père va toujours dire que t’es un enfant modèle ?  » ; «  C’est dommage que j’avais pas un flashball, je t’aurais tiré sur la tête  » ; «  Montre-nous comment tu pleures !  » ; «  Votre association ne sert à rien  » ; «  A cause de vous, un de nos collègues a été viré  » ; «  Et vous voulez pas vous entretuer ?  »

Lors de leur interpellation et de leur garde-à-vue, Wassil, Abdelali et Zinedine ont subit jets de gaz lacrymogène, clés de bras et gifles. Une contravention pour « bruit ou tapage injurieux troublant la tranquillité d’autrui  » a également été établie contre Wassil, alors même qu’il se trouvait en garde-à-vue. D’autres contraventions imaginaires ne cessent de pleuvoir sur la famille.

Wassil se voit accusé un jour d’être l’auteur d’un vol de scooter, mais échappe à la garde-à-vue lorsque le plaignant assure qu’il ne s’agit pas de lui.

Le 17 janvier 2018 vers 19 heures, Zohra Kraiker intervient alors que la BST contrôle de manière agressive des jeunes en bas de son immeuble. Les policiers la menacent aussitôt de lui envoyer deux ou trois contraventions pour tapage.

Le lendemain, deux OPJ et des agents de la BAC débarquent chez les Kraiker pour interpeller Zohra, mais elle est au travail. Ils en profitent pour fouiner dans l’appartement, alors qu’ils n’ont ni réquisition ni mandat d’amener.

Le vendredi 19 janvier, la police se présente à son travail, mais elle n’y est pas. Elle décide alors de se présenter vers 14 heures au commissariat de Pantin, accompagnée de proches. Elle est immédiatement placée en garde-à-vue. Il lui est reproché d’avoir commis des violences à l’égard des agents de la BST deux jours auparavant.

Elle est finalement libérée après 24 heures avec un rappel à la loi et… le conseil de déménager !

La police de Pantin, et la BST en particulier, semble clairement vouloir punir la famille Kraiker, qui a eu le culot de mettre en lumière les pratiques de cette nouvelle « police de proximité », créée pour mettre les quartiers populaires au pas et préparer le terrain pour la transformation urbaine en cours dans les quartiers périphériques de la capitale.

Que ce soit dans leur(s) affaire(s), dans celle de la dalle Rozanoff (Paris 12e) ou dans celle du viol de Théo à Aulnay-sous-Bois, les preuves de la brutalité virile de la police apparaissent de plus en plus incontestables.