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Publié initialement sur : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-police-justice/20141205.RUE6870/maintien-de-l-ordre-meme-sans-grenades-il-reste-de-quoi-faire.html

Par Camille Polloni |

 

Lorsque Bernard Cazeneuve annonce l’interdiction « définitive » des grenades offensives, dont l’usage a été suspendu après la mort de Rémi Fraisse, policiers et gendarmes manifestent leur désarroi.

Les premiers, par l’intermédiaire de leurs syndicats, se montrent inquiets des « conséquences incertaines » de cette décision. Pourtant, ils ne disposent pas de grenades offensives : seuls les gendarmes en sont dotés. Ces derniers, via l’Union des personnels en retraite, ont lancé une pétition dans un journal spécialisé, demandant « des moyens de substitution fiables » pour remplacer les grenades :

Pas de faute professionnelle
Mardi, le ministère de l’Intérieur a rendu public le rapport d’enquête administrative réalisé par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) suite au décès de Rémi Fraisse en octobre à Sivens. Le même jour, le général Pierre Renault, chef de l’IGGN, est venu présenter ses conclusions à la commission des lois de l’Assemblée nationale : les gendarmes n’ont commis aucune faute professionnelle.
« Dans ces manifestations violentes, de plus en plus fréquentes, autorisées ou non, le plus souvent les grenades lacrymogènes ne suffisent pas. Et si les gendarmes ne disposent pas d’OF [grenades offensives, ndlr], le corps à corps devient inévitable, et beaucoup plus dangereux, aussi bien pour les forces de l’ordre que pour les casseurs, d’ailleurs. »

Sans grenades offensives, les forces de l’ordre seront-elles démunies ? Acculées soit à donner des coups de matraque, soit à tirer sur la foule émeutière ?

Sur le long terme, le développement des « moyens de force intermédiaires » utilisés en France pour maintenir l’ordre rend cette alternative hautement improbable.

Maintenir à distance

Certes, la grenade offensive sort du répertoire des armes disponibles, mais il en reste bien d’autres. Fortes d’une expérience accumulée sur plus d’un siècle, la police et la gendarmerie bénéficient à la fois d’une professionnalisation constante, d’une meilleure organisation, de stratégies plus abouties et d’un équipement de plus en plus protecteur.

Le site de la police nationale présente l’essentiel des outils disponibles :

« Les moyens matériels individuels et collectifs utilisés lors de maintien de l’ordre dit “MO” sont les casques, bâtons de défense de police à poignée latérale dit tonfa, boucliers, fusils lance-grenades, grenades lacrymogènes, canons lanceurs d’eau, tracteurs anti-barricade, dispositifs de barrages de ponts utilisés en cas d’importantes manifestations et sur ordre de la hiérarchie encadrant le dispositif. »

La doctrine est la même depuis la première moitié du XXe siècle : maintenir les manifestants à distance, éviter de tuer et le plus possible de blesser. Les armes défensives et offensives conçues pour y parvenir ont une histoire, et les événements très récents méritent de prendre un peu de recul.

1/ 1921-1944

Armes à feu, corps à corps et lacrymogènes

Le maintien de l’ordre, explique Fabien Jobard, directeur de recherche au au CNRS, affecté au Centre Marc-Bloch, est une affaire « d’adaptation et de réaction » permanentes.

« Sur des images de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, on voit les femmes et les enfants en première lignes dans les manifestations ouvrières. Ils sont envoyés en avant pour dissuader les forces de l’ordre de frapper et de tirer. A la même époque, à Paris, le chef de la police Emile Mouquin empêche les rassemblements en faisant tourner des chevaux tout autour de la place, pour bloquer le passage des ouvriers. Jusqu’à ce que ceux-ci sortent des couteaux et coupent les jarrets des chevaux. »

Dans un ouvrage de référence, « Maintenir l’ordre » (Presses de Sciences-Po, 1996), le chercheur en sociologie politique Patrick Bruneteaux situe les origines du maintien de l’ordre contemporain en 1921, année de création des « pelotons de gendarmerie mobile » transformés par la suite en « garde républicaine mobile » (les ancêtres des gendarmes mobiles déployés dans la forêt de Sivens).

« Entre le milieu des années 20 et le courant des années 30 se constitue, à l’initiative des officiers de la garde républicaine mobile, un ensemble de dispositions à l’égard des manifestants et une technologie de canalisation des groupes mobilisés dans la rue. »

Patrick Bruneteaux décrit une période pendant laquelle l’usage des armes à feu devient marginal, alors que l’engagement physique des forces de l’ordre croît, parfois avec les moyens du bord : renvoi de projectiles lancés par les manifestants, coups de ceinturon ou de planches trouvées sur place, poings dans la figure.

Les policiers et gendarmes ont aussi différents types de matraques, plus ou moins longues, dont les célèbres « bidules » des compagnies d’intervention parisiennes dans les années 50.

Les outils du maintien de l'ordre, 1880-1990

Les outils du maintien de l’ordre, 1880-1990 – Patrick Bruneteaux/Presses de Sciences-Po

« Si, encore, ils avaient eu leur mousqueton… »

Les « moyens de force intermédiaire » sont alors quasi inexistants, comme le montre le compte-rendu d’un colonel cité dans le livre. Il revient sur la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934 :

« Les forces réunies étaient insuffisantes. Cette constatation explique l’emploi malheureux des armes par quelques hommes de la garde mobile qui, sans autre moyen de défense que leurs mains, en présence d’une masse résolue de plusieurs milliers de manifestants, se voyaient menacés. Si, encore, ils avaient eu leur mousqueton [une carabine de gendarmerie, ndlr], comme il est prescrit par l’instruction du 1er août 1930, il est infiniment probable, certain même, que le recours à l’emploi des armes eût été évité. »

Dans l’entre-deux-guerres, explique Fabien Jobard, le gaz lacrymogène « représente une innovation technique majeure à laquelle tout le monde réfléchit » sans pour autant l’adopter. Si le gaz, en aérosol ou en grenades, permet de « tenir à distance une foule sans tuer », il est associé au traumatisme des armes chimiques employées pendant la Première Guerre mondiale. Les militaires sont réticents.

 

2/ 1945-1968

Canons à eau et grenades offensives

A la Libération, les gendarmes mobiles doivent cohabiter avec une nouvelle force : les Compagnies républicaines de sécurité (CRS). Comme le rappelle le journaliste David Dufresne dans son livre « Maintien de l’ordre » (Hachette, 2007), la police revient dans le jeu :

« Les grandes grèves insurrectionnelles de 1947 vont permettre aux CRS de s’imposer comme force principale de maintien de l’ordre. Pour la première fois, on utilise des gaz lacrymogènes à titre expérimental. »

Leur usage se généralise rapidement, même si à l’époque, les gaz sont considérés comme le dernier recours avant l’arme à feu. Des engins lanceurs (les ancêtres des « lanceurs Cougar ») permettent d’administrer les lacrymos à distance, sans utiliser de grenades à main.

C’est aussi pendant ces grèves insurrectionnelles qu’apparaissent les premières grenades offensives, utilisées jusqu’à la mort d’un manifestant en 1977 puis suspendues et réintroduites (à une date introuvable) dans le répertoire du maintien de l’ordre.

Les lances à incendie des pompiers

Particularité parisienne, des canons à eau sont utilisés dès les années 50. La préfecture de police développe alors ses propres engins, montés sur des camions, pour mouiller et repousser les manifestants. Les canons à eau remplacent les lances à incendies, actionnées contre les émeutiers avec le concours des pompiers depuis les années 30.

 

Des policiers lancent des grenades lacrymognes  Paris, pendant la Nuit des barricades, le 10 mai 1968

Des policiers lancent des grenades lacrymogènes à Paris, pendant la Nuit des barricades, le 10 mai 1968 – SIPAHIOGLU/SIPA

 

Fabien Jobard rappelle que les canons à eau ont servi en 1968, citant un rapport de la police parisienne au préfet sur la journée du 9 juillet :

« Violemment prises à partie, les formations, sur lesquelles pleuvent pavés et projectiles les plus divers, maintiennent difficilement à distance les manifestants à l’aide de grenades lacrymogènes et engins lanceurs d’eau. »

Depuis, explique le chercheur, « les canons à eau ont été décriés comme disproportionnés », notamment quand le gouvernement Rocard s’en sert contre une manifestation d’infirmières, en 1991.

Ces engins sont tout de même « prépositionnés pour dissuader » sur le trajet des contre-sommets ou d’autres manifs qui s’annoncent « chaudes » mais « leur emploi reste tout à fait exceptionnel », expliquait le ministère de l’Intérieur en 2012, contrairement à d’autres pays européens.

Ces dernières années, ils ont tout de même été utilisés à plusieurs reprises, par exemple contre des manifestants anti-CPE à Paris (2006) et anti-Otan à Strasbourg (2009). Depuis 2011, les CRS en sont dotés. Ils en ont fait usage le mois dernier à Toulouse, contre une manifestation en hommage à Rémi Fraisse.

Mais examiner les armes ne doit pas faire oublier que les évolutions techniques s’accompagnent toujours d’un perfectionnement stratégique et d’une réflexion sur les situations auxquelles police et gendarmerie sont confrontées. Entre 1945 et la fin des années 60, écrit Patrick Berteneaux, les forces de l’ordre cogitent :

« Outre des attitudes de retenue, elles mettent au point des procédures et des outils d’intervention qui ont pour fonction première de retarder le moment de la charge et d’éviter, par ailleurs, les contacts avec les manifestants. […] Dans les Etats démocratiques pacifiés, l’intégrité physique des citoyens est mieux garantie. Les seuils de perception de la violence s’abaissent. »

3/ 1968-90

Le perfectionnement des techniques

Après Mai 68, explique Fabien Jobard, « les techniques de maintien de l’ordre se figent, sans innovation très forte. On entre dans une ère de perfectionnement » et de réflexion sur la gradation des moyens.

La gendarmerie « s’engage dans un mouvement d’unification des doctrines et des pratiques », et ouvre en 1969 le Centre national d’entraînement de Saint-Astier, où les gendarmes sont formés aux affrontements urbains dans la ville fantoche Cigaville.

« Il y a d’ailleurs une certaine résistance des escadrons à cette unification, et c’est après la mort de Vital Michalon en 1977 [tué par une grenade offensive lors d’une manifestation antinucléaire, ndlr] que Saint-Astier est véritablement imposé. »

Dans cette période d’amélioration des techniques existantes, l’ouvrage de Patrick Bruneteaux souligne toutefois « une nouveauté de taille » :

« Les forces de l’ordre travaillent une apparence de “dureté” afin de faire fuir “psychologiquement” les contestataires avant toute agression des sens. »

Libération décrit le look décalé des CRS en 1968 : « En chemise-cravate avec pantalon de drap, chaussures, guêtres de cuir, casque lourd de l’armée sous une pluie de pavés et de projectiles en tout genre ». Juste après, leur tenue évolue et leur corps se couvre de matériaux plus protecteurs :

« Les premières visières en plexiglas fixées aux casques apparaissent au début des années 70. Des manchons en tissu sont utilisés pour se protéger les avant-bras. Les boucliers rectangulaires remplacent les boucliers ronds qui faisaient ressembler les CRS à des centuries romaines. »

Avec les progrès de la chimie et la volonté de rationaliser l’usage des armes, les grenades lacrymogènes se diversifient et se perfectionnent. La teneur en gaz « passe de 1,5 à 7% », écrit David Dufresne dans son livre.

 

Des policiers lancent des gaz lacrymognes  Strasbourg lors du 60e anniversaire de l'Otan, le 3 avril 2009

Des policiers lancent des gaz lacrymogènes à Strasbourg lors du 60e anniversaire de l’Otan, le 3 avril 2009 – ALFRED/SIPA

4   Depuis les années 90

« Armes non létales » et judiciarisation

Trois semaines après la mort de Rémi Fraisse, l’IGGN et l’IGPN rendent un rapport commun, dans lequel ils résument en une phrase l’état de la doctrine actuelle en maintien de l’ordre :

« Le renforcement de la gradation des réponses par une variété plus importante des moyens est un facteur concourant à la maîtrise de la situation. »

En clair, il faut donner aux policiers et gendarmes un éventail d’armes suffisamment étendu pour qu’ils puissent agir de la manière la plus adaptée possible en fonction du contexte.

David Dufresne a observé l’entrée de ces nouveaux « moyens de force intermédiaire » dans le répertoire du maintien de l’ordre, ces vingt dernières années : la généralisation du flashball, sur laquelle il a réalisé une appli, et d’autres armes. Il commente :

« Quand la police des polices s’est efforcée à changer le vocabulaire de “armes non létales” en “armes à létalité réduite”, on a tous ri. On avait tort. Ce que les mots disent, c’est qu’on a donné à la police les moyens de blesser légalement. Depuis, les chiffres de mains arrachées ou d’yeux perdus ont explosé. »

2002-2008 : les lanceurs de balles de défense

Le flashball, introduit dès 1995 dans certaines unités spécialisées de la police nationale (dont les BAC), se déploie progressivement à partir de 2002. Au départ destiné aux « nouvelles formes de criminalité » puis aux « quartiers difficiles », il concerne le « délit d’attroupement » à partir de 2008 et s’étend donc à certaines manifestations non déclarées ou aux rassemblements qui perdurent après l’ordre de dispersion.

Dès la phase d’expérimentation, des manifestants sont gravement blessés au visage par cette arme. En 2013, le Défenseur des droits critique l’imprécision des tirs de flashball, prévus pour viser de 7 à 15 mètres mais sujet à une marge d’erreur importante. Son rapport recommande de « ne pas utiliser le flashball superpro [le modèle en circulation, ndlr] lors de manifestations sur la voie publique, hors les cas très exceptionnels qu’il conviendrait de définir très strictement ».

Un policier quip d'un lanceur de balles de dfense  Strasbourg, le 4 novembre 2009

Un policier équipé d’un lanceur de balles de défense à Strasbourg, le 4 novembre 2009 – PATRICK HERTZOG/AFP

Contrairement à une idée reçue, l’usage du flashball a tendance à décliner au profit de son « grand frère », le lanceur de balles de défense (LBD 40). Avec sa portée utile de 10 à 50 mètres, il permet de mieux viser et de tirer de plus loin. Expérimenté depuis 2007, le LBD pourrait bientôt remplacer le flashball dans l’arsenal de maintien de l’ordre, notamment si des améliorations techniques offrent la possibilité de le charger aussi avec des munitions à courte portée.

Pour David Dufresne, « la décision la plus grave, si l’on regarde la logique de la “doctrine du maintien de l’ordre à la française”, est de demander aux gendarmes mobiles et aux CRS de viser à nouveau la foule, avec le flashball, par exemple. Tirer en l’air une grenade lacrymo ou viser à hauteur d’hommes, c’est une différence majeure ».

A ce jour, l’usage du LBD est encadré par une circulaire de septembre 2014, commune à la police et la gendarmerie :

« Le LBD de 40 mm peut être employé lors d’un attroupement mentionné à l’article 431-3 du code pénal, en cas de violences ou voies de fait commises à l’encontre des forces de l’ordre ou si elles ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent, sans qu’il soit fait usage des sommations. »

2004 : les grenades de désencerclement

Depuis 2004, la police et la gendarmerie disposent aussi de grenades de désencerclement (ou « DMP ») : « un cylindre contenant 18 plots en caoutchouc qui se dispersent dans toutes les directions au moment du déclenchement de la charge pyrotechnique par un bouchon allumeur en métal ».

La circulaire consacrée à la grenade de désencerclement précise son cadre d’emploi, « en situation de violences urbaines ou de maintien de l’ordre public », pour « déstabiliser un groupe d’agresseurs et de se dégager en dispersant le groupe hostile auquel elles sont confrontées ». Elle doit être lancée au ras du sol, sauf quand l’intégrité physique du lanceur est directement menacée.

Pas de Taser en maintien de l’ordre

Dans le même rapport de 2013, le Défenseur des droits s’inquiétait d’une imprécision au sujet du pistolet à impulsion électrique (PIE), dit Taser (une marque déposée), en dotation dans les services de police et de gendarmerie sept ans auparavant :

« Pour les militaires de la gendarmerie, l’emploi du PIE est interdit dans les opérations de maintien de l’ordre, et par conséquent lors des opérations de dispersion d’un attroupement ou d’une manifestation. Cette interdiction n’existe pas en tant que telle concernant les policiers, la note de 2012 se limitant à préconiser de prendre en compte les conséquences possibles de l’usage de l’arme sur les personnes se trouvant à proximité de la personne visée, “notamment en cas de foule ou de présence d’enfants”. »

Oublie réparé en septembre, comme le souligne le rapport commun de l’IGGN et de l’IGPN : « Le PIE fait l’objet d’une interdiction d’emploi en maintien de l’ordre dans les deux forces. » Le Taser est désormais explicitement réservé aux cas de légitime défense, de résistance à une interpellation et à l’état de nécessité (une notion juridique bien précise).

En parallèle, le dispositif du maintien de l’ordre connaît un changement de fond, depuis les années 90, que résume David Dufresne :

« A la police de maintien de l’ordre, le politique a demandé au fil des années d’agir aussi en bras armé du judiciaire. Autrement dit : de ne plus seulement contenir la foule, mais participer directement ou indirectement à des interpellations. Sarkozy a notamment renforcé cette demande lors des manifs anti-CPE, mais il n’a fait que durcir une tendance qui, depuis, n’a cessé de s’amplifie. »

Et les manifestants ?

Sur les armes proprement dites, la gendarmerie et la police disposent donc :

  • de bâtons de défense à poignée perpendiculaire ou « tonfas », arrivés des Etats-Unis à l’aube du XXIe siècle, en plus des traditionnelles matraques ;
  • de gaz lacrymogène en aérosol ;
  • de tout une gamme de grenades lacrymogènes et fumigènes, à main ou à lanceurs, comprenant les « grenades assourdissantes » ;
  • de canons à eau ;
  • de grenades de désencerclement ;
  • de lanceurs de balles de défense ;
  • de matériel défensif renforcé.

Et les manifestants, sont-ils davantage armés ? En 1952, une manifestation communiste contre la venue à Paris du général américain Matthew Ridgway fait 372 blessés parmi les forces de l’ordre, dont 17 grièvement, d’après les chiffres de la chercheuse Danielle Tartakowsky. Du côté des manifestants, on compte un mort et des dizaines de blessés.

Les années 70 n’ont pas été de tout repos non plus et il est difficile d’imaginer qu’aujourd’hui, comme l’affirme la pétition des gendarmes citée plus haut, les manifestations violentes sont « de plus en plus fréquentes ».

« Sur le long terme, le niveau de violence a considérablement baissé », confirme Fabien Jobard, agacé par l’emploi de l’expression « violences extrêmes » à tout bout de champ, y compris quand aucun blessé n’est à déplorer du côté des forces de l’ordre :

« Hormis les émeutes urbaines, qui par définition ne sont pas annoncées par avance et ne permettent pas les mêmes dispositifs policiers, les manifestations de ces dernières années ne signalent pas de radicalisation ou de rupture. Des groupes radicaux ? Que l’on songe aux années 70 et aux autonomes des années 80, sans compter les affrontements, par exemple, entre fractions iraniennes à la fin des années 70… Des moyens offensifs ? Que l’on songe aux viticulteurs, aux dockers, aux sapeurs-pompiers, aux agriculteurs : ce sont précisément les situations auxquelles les gendarmes s’entraînent et pour lesquelles ils disposent des armes adéquates. L’élément crucial concernant Sivens est l’exact recensement des moyens offensifs employés par les protestataires, sur toute la durée du conflit, et dans la nuit du 25 au 26 octobre. La situation était, peut-on lire, “critique”. A quel degré ? »

De l’intérêt de remettre les choses en perspectives.