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Du supplice médiéval aux violences policières quiconque ne file pas droit doit savoir ce qu’il en coûte dans sa chair et dans celle des ses amis. De la mutilation et de la peur comme principe de gouvernement. Ce que la technique policière appelle littéralement « neutraliser une menace » désigne de toute évidence une opération politique au sein d’une guerre en cours. S’il y a des gestes pratiques et tactiques pour se protéger de la violence policière, il y a aussi une bataille juridique pour donner à notre rage et notre désir de vengeance un moyen d’agir contre l’usage de ses armes ; pour ne pas se laisser casser la tête sans rien faire et aussi pour obtenir de la thune pour les soins ou autre. Là où les procédures judiciaires ont toutes échouées se dessine une autre possibilité qui a fait ses preuves ailleurs : une procédure au Tribunal administratif qui attaque l’autorité responsable de l’armement des flics, le préfet ou le ministre de l’intérieur. Sur ce plan aussi, la meilleure des défenses c’est l’attaque. Et là où ils nous attaquent, nous nous renforçons. Il n’échappera à personne que cette procédure ne repose sur aucune idéalisation du droit. Elle participe d’un geste intégralement politique : fondamentalement il s’agit de défendre ensemble ce qui nous est cher, et rendre plus fort ce sur quoi le pouvoir n’a pas prise.

S’organiser face aux armes et aux mutilations de la police c’est aussi mettre en commun les différentes expériences et les différents outils qui ont été élaborés ici et là. Nous proposons ici une fiche sur les différentes procédures possible en renvoyant pour le pénal aux conseils donnés par le groupe de travail du 27 novembre et en présentant plus en détail la procédure administrative.

En cas de blessure par la police, il existe donc deux possibilités si on veut tenter une action juridique : Une plainte au pénal et une procédure administrative. Nous pensons que dans le cas des blessures graves le mieux est de tenter les deux en même temps et de ne pas attendre l’échec possible de la première pour entamer la procédure administrative dont le succès n’est pas assuré non plus.

Pour la seule indemnisation, on peut aussi se tourner vers la CIVI, commission d’indemnisation des victimes d’infraction.

Les trois peuvent être essayés. Mais dans le droit français on ne peut être indemnisé qu’une seule fois pour la même infraction. Personne n’est pourtant en situation de choisir comment il peut gagner cette bataille. Raison de plus pour mélanger ces différents outils.
Par exemple, un blessé a vu le flic qui lui a tiré dessus bénéficier d’un non-lieu mais a réussi à faire reconnaitre sa demande d’indemnité à la CIVI et attaque la responsabilité du préfet au Tribunal administratif pour la somme symbolique de un euro.

1. La plainte contre X au pénal.

C’est généralement le flic qui a tiré qui est visé par cette plainte. Elle engage alors une action pénale qui peut finir au tribunal correctionnel s’il y a mise en examen, et possiblement aux assises comme c’est le cas récent pour Joachim, blessé à Montreuil en 2009, même si ce n’est pas encore confirmé par le juge d’instruction. Le groupe de travail du 27 novembre 2007, constitué après la blessure de Pierre à Nantes, et qui a acquis une solide expérience en la matière, propose des conseils ici, complétés par ceux d‘une avocate ici.

Il faut cependant savoir que toutes les procédures pénales ont été échoué jusqu’à ce jour. A Nantes, le policier qui a tiré sur Pierre Douillard en 2007 et dont l’identité est clairement établie bénéficie d’une relaxe : sa responsabilité ne peut être engagée puisqu’il a obéi à un ordre ; son acte n’est pas « manifestement illégal ». A Toulouse, pour Joan Celsis, blessé en 2009, le juge ordonne un non-lieu au motif cette fois que l’identité du tireur n’est pas établie. Parfois c’est tout simplement le classement sans suite comme à Compiègne et à Bondy en 2009 ou plus récemment pour John David blessé à Strasbourg .

Seule exception : un policier a été condamné le 25 janvier 2011 à six mois de prison avec sursis et à verser 186 000 euros de dommages et intérêts à la victime par le tribunal correctionnel de Versailles pour avoir éborgné six ans plus tôt un adolescent de 14 ans aux Muraux. Sa peine n’a pas été inscrite sur son casier judiciaire et il peut donc continuer d’exercer. Il avait reconnu « ne pas avoir respecté les consignes de sécurité ». Un tel aveu ne risque plus d’arriver.

A Nantes, vu le nombre de blessés et le nombre de tirs au flashball et aux différentes grenades, il y a très peu de chance pour que les tireurs soient retrouvés et si c’est le cas, il est quasi certain que les tirs seront couverts par la hiérarchie. Mais déposer une plainte contre X c’est déjà ne pas se laisser mutiler sans rien faire, mettre la pression sur les flics et organiser la contre-attaque.

2. La procédure administrative.

Elle consiste à attaquer et à tenter de faire condamner au Tribunal administratif l’autorité qui est responsable de l’armement des flics et plus seulement le flic qui tire : généralement le préfet de police. L’intérêt est tactique et symbolique : il s’agit de taper à un niveau plus élevé que celui de la responsabilité individuelle. L’argument de fond s’appuie d’une part sur le fait que la responsabilité de la puissance publique est engagée quand les forces de l’ordre font « usage d’armes ou d’engins comportant des risques exceptionnels» (arrêt du conseil d’État du 21 juin 1949) et d’autre part, sur la disproportion entre les fins poursuivies et la méthode utilisée (avis 2009-133 du Comité National de Déontologie et de Sécurité).

On parle ici de requête et non de plainte, de requérant et non de plaignant. Cette procédure administrative n’est pas une procédure judiciaire (pénale) et elle ne peut aucunement entrer en conflit avec elle s’il y en a une quoiqu’en disent certains avocats pénalistes. L’audience finale est publique mais la présence du requérant n’est ni requise, ni nécessaire : son absence n’est pas dommageable.

Cette procédure a été entamée la première fois par Etienne Noël pour Clément Alexandre et le collectif Face aux armes de la police qui s’est constitué autour de lui. L’Etat a été condamné le 18 décembre à verser une indemnité et sa responsabilité a été reconnue. Pour la première fois aussi, une procédure qui condamne l’Etat reconnait le lien entre la blessure et le flashball. Mais c’est une demi-satisfaction : si l’Etat est condamné, le juge parle de responsabilité sans faute pour cause d’attroupement. Ce n’est donc pas le flashball lui-même qui est directement visé par ce jugement.

D’autres jugements sont attendus et d’autres requêtes sont en cours. La réussite complète d’une telle procédure entrainerait la requalification de ces armes comme armes dangereuses et rendrait impossible leur usage dans des opérations de maintien de l’ordre. Une telle jurisprudence pèserait lourd sur tous les jugements à venir.

Cette procédure vise à 1. faire reconnaître le lien entre la blessure et l’arme par l’intermédiaire d’une expertise médicale et balistique. 2. faire reconnaître la responsabilité du préfet de police c’est-à-dire de l’Etat et 3. faire condamner le préfet à verser une indemnité pour les préjudices corporels et moraux.

Voici les différentes étapes pour une procédure type (il peut y avoir des variantes)

1. Une demande (requête en référé) d’expertise balistique et d’expertise médicale, pour établir un lien entre la blessure et le type d’arme utilisé, est adressée au Tribunal administratif.
2. Un recours hiérarchique en indemnisation adressé directement à l’autorité visée (préfet ou ministre de l’intérieur) et qui demande une indemnisation à partir de la responsabilité de cette autorité. Le refus attendu permet de s’adresser ensuite au Tribunal administratif.
3. Une attaque sur le fond (recours contentieux) demande la condamnation du préfet de police et une indemnisation pour préjudice moral et corporel. C’est, au final, le président du Tribunal administratif qui tranche.

Quels gestes, quels réflexes pour préparer cette procédure au moment où un ami est blessé ?

– Récupérer et conserver tous les éléments matériels possible sur l’arme utilisée : douille, balle de flashball, éclats métalliques, etc.
– Garder tous les vêtements endommagés par des éclats ou des explosions par exemple.
– Faire des photos des blessures le plus tôt possible et pendant une longue période en datant ces photos.
– Recueillir des témoignages ou prendre des contacts pour récupérer ces témoignages.
– Se renseigner pour savoir si les sommations d’usage ont été effectuées.
– Chercher des vidéos ou des photos de l’intervention policière : tirs tendus de grenades assourdissantes ou de gaz lacrymogène, distance de 7m non respectée dans l’usage du flashball par exemple.
– Obtenir les documents médicaux les plus précis possible sur la nature et l’origine de la blessure, le descriptif des lésions : certificat médical, photos, radios, ITT.

A l’hôpital après évacuation en cas de blessure grave.

– Faire le maximum pour que tout blessé évacué soit accompagné ou le rejoindre au plus vite si ce n’est pas possible : il n’est pas en état de faire face à la pression de la police et de l’administration hospitalière.
– Rappeler au personnel hospitalier (secrétaire, infirmier, médecin) qu’il est tenu au secret médical et qu’il ne doit pas répondre aux questions des flics. Art. 226.13 du code pénal.

L’avocat

Etienne Noël [1], à l’origine de cette procédure pour Clément Alexandre, avocat pénaliste du collectif Face aux armes de la police, est d’accord pour s’occuper de toutes les requêtes de ceux qui le désireraient.

Sinon il faut choisir un avocat qui a une bonne connaissance des procédures administratives, qu’il soit pénaliste ou pas. Si on tente le pénal et l’administratif, on peut choisir de prendre deux avocats différents ou un seul avocat pour les deux. C’est en en tout cas au blessé de choisir sa stratégie et de l’imposer à son avocat.

[1] Il est connu pour avoir fait condamner tous les ministres de la justice depuis Guigou avec une procédure administrative à propos des conditions et de la violence carcérales.

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