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Il est assez exaspérant de voir les chiens de garde du pouvoir (souvent des journalistes issus d’une classe moyenne favorisée et bien éloignée des réalités vécues par la plupart des gens) se précipiter pour tenter une réhabilitation des forces de l’ordre à chaque moment ou l’Etat subit une “crise de confiance” en raison de circonstances qu’il a lui-même provoqué, notamment :

  1. En menant de manière obstinée et féroce des réformes antisociales pour réduire à néant ce qui permettait à la population de vivre décemment et de ne pas être exploitée jusqu’à la moêle (et jusqu’à la mort avec la réforme des retraites) pour financer la dette produite par le libéralisme. Que ce soit bien clair, il ne s’agit pas ici de défendre l’Etat providence, mais bien de s’appuyer sur les faits : les allocations et la sécurité sociale permettent de survivre, dans une société ou, hélas, nous n’avons pas encore su construire l’autonomie populaire ;

  2. En tirant profit des quelques attaques à main armée en Europe réalisées par des fanatiques pour justifier l’instauration progressive d’un régime d’exception permanent qui restreint les libertés de tou-tes sans jamais réussir à prévenir du risque terroriste, produisant toujours plus de racisme et d’antagonismes violents au coeur de la société. Un terrorisme d’ailleurs lui-même généré par les guerres impérialistes que les Etats mènent pour maintenir leur domination coloniale, et dont les représailles sont menées le plus souvent par des “êtres revanchards” que le système occidental et ses injustices criantes ont produit, à savoir des jeunes adultes nés en Europe, sans repères politiques sains, désocialisés ou révoltés contre l’oppression raciste vécue depuis l’enfance. ;

  3. Par son cynisme et son indécence face à la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19 (incapacité à fournir des tests, un traitement ou des moyens de protection, alors même que l’Etat commande encore et toujours plus d’armes et de moyens technologiques de contrôle des populations).

Dans ces contextes, les forces de l’ordre, que toutes les statistiques (notamment mené-es sur les bureaux de vote des lieux de casernement) et même certains rapports des services de renseignement désignent comme gangrênées par les idées d’extrême-droite, et qui démontrent au quotidien et sur l’ensemble du territoire l’ampleur de la violence qui les habite, notamment par la multiplication exponentielle d’images et de témoignages d’agressions de leur part, ont, comme l’a très bien exprimé le préfet de Paris Lallemand, “choisi leur camp”.

Ce camp a toujours été le leur : celui de l’Etat et de son pouvoir. Les forces de l’ordre démontrent une aliénation sans faille lors des moments de crise, puisque leur fidélité envers l’Etat plutôt qu’envers le peuple les amène à réaliser les délires totalitaires, sécuritaires et racistes d’un Etat aux abois, sans jamais se remettre en cause ni démissionner. Au contraire, la révolte des gilets jaunes, dont la composition sociale ressemblait pourtant beaucoup plus à celle de la police (classes populaires de province) que les mouvements de révolte précédents (classes moyennes des centre-villes), a fait l’objet de leur part d’une férocité répressive sans précédent. Beaucoup d’entre elleux, et il ne s’agit ici pas de “bavures” ou de “dérives” exceptionnelles, ont réprimé de manière sanglante les manifestations, se réjouissant même régulièrement de cette violence en jubilant ou en se moquant des blessures occasionnées. Les images répétitives de cette violence systémique se sont répandues à tel point que jusque dans la presse étrangère, de nombreux éditoriaux se sont inquiétés de la situation de quasi guerre civile générée par l’Etat français et ses forces supplétives. Et c’est sans compter les chiffres des mutilations et des blessures, qui parlent bien d’elles-mêmes.

Au delà de la répression des manifestations politiques, les forces de l’ordre sont engagées depuis des décennies dans une mise au pas des quartiers populaires et notamment des populations dites “issues de l’immigration” (terme cocasse, puisque nous sommes quasiment tou-tes des enfants d’immigré-es). Cette violence coloniale, faite d’un racisme structurel hérité de deux siècles de colonisation et de crimes contre l’humanité (il n’est sans doute pas utile de les lister, l’histoire de France parle d’elle-même) n’a jamais cessé de s’abattre sur les banlieues, ghettos sociaux et espaces de relégation occupés et contrôlés par la police depuis toujours (il n’y a pas de “territoires perdus”, c’est un mythe néocolonial), mais mis au pas depuis 20 à 30 ans à coups de chômage, d’OQTF et de Flash balls…

Quand la Voix du Nord, torchon de préfecture depuis toujours, met en une la face souriante d’un policier avec le titre “A l’ensemble des forces de l’ordre, MERCI”, ce n’est pas anodin. Il ne s’agit pas d’un geste spontané et désintéressé, mais d’une opération de communication assumée, à l’initiative ou en faveur de la préfecture de police, pour l’aider à redorer son blason de manière tout à fait opportuniste en temps de crise sanitaire, saisissant l’occasion d’une accalmie forcée des révoltes sociales pour nous servir la soupe du ministère de l’intérieur : les forces de l’ordre lutteraient contre la pandémie.

Non ! Les forces de l’ordre ne luttent pas contre la pandémie, elles font respecter à coups de bâtons et d’amendes une mesure décidée par l’Etat et appliquée par les préfectures, tout en s’en prenant quotidiennement et tout à fait arbitrairement à tout-un-chacun-e :

Des personnes sans logement qui n’ont pas d’endroit ou se confiner, des personnes sans-papiers, des habitant-es de quartiers populaires (souvent non-blanc-hes) suspecté-es d’être des contrevenant-es et frappé-es avant même de pouvoir présenter une attestation papier, des personnes âgées qui se reposent sur un banc, des personnes qui vont ou rentrent du travail, des associations qui distribuent de la nourriture aux plus vulnérables…

Et c’est sans compter Mohamed, personne sans logement mise à mort à Bézier sous prétexte de non-respect du confinement, et parce que ces “héros” en uniformes sont bien incapables d’agir sans violence quand une situation les dépasse ou quand elles ont affaire à un-e “invidu-e” appartenant à l’une des catégories suspectes de la société.

Pendant que des bourgeois-es (auxquel-les on peut aisément inclure les journalistes de la Voix du Nord) sont confortablement confiné-es et en télétravail, l’Etat maintient ou renvoie au travail les plus vulnérables aux virus (livreur-euses, postier-eres, caissier-es, agent-es d’entretien, éboueur-euses, etc.), rouvre les magasins de bricolage et les Mac Do pour tuer l’ennui des classes moyennes, sans fournir le minimum de moyens aux soignant-es pour lutter contre la pandémie (oui, car ce sont bien les seul-es à être “en première ligne”, avec les croque-morts !)

Non ! Les forces de l’ordre ne sont pas nos héros, ayez enfin la décence de ne plus les inclure sans cesse dans le panel des métiers utiles à la société !

Si nous sommes confiné-es, c’est parce que nous le voulons bien, pas parce qu’on nous y oblige.

Garantissons-notre santé, notre autonomie et notre sécurité par nous-mêmes, vite !

Post Scriptum : Notons également qu’à chaque fois que les forces de l’ordre sont critiquées à juste titre par les populations qui subissent leurs violences (qui ne sont pas une opinion à débattre, mais un fait constaté), des représentant-es de syndicats policiers se lancent dans des diatribes irrationnelles, qualifiant leurs détracteurs de “terroristes” (dixit Linda Kebab – La ficelle est un peu simpliste pour discréditer ses opposant-es politiques, c’est d’ailleurs le terme qu’utilisait le régime de Vichy pour qualifier les résistant-es : sans doute l’héritage sémantique du préfet Papon) ou parlant de “haine” (dixit Castagneur, sinistre de l’intérieur). Il est un moment où il faut savoir cesser les hyperboles et se rendre à l’évidence que l’on est soi-même une caricature…

Philippe Poutou, qui a modifié ce mème pour l’adapter à la situation française, a été qualifié par Linda Kebab d”étron […] extrêmiste terroriste pyromane”, lui et sa “clique”. Cette emphase n’est-elle pas juste à mourir de rire ? Et elle voudrait qu’on lui accorde notre confiance…